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Date : 20160211


Dossier : T-1704-14

Référence : 2016 CF 188

Ottawa (Ontario), le 11 février 2016

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

DOMAINES PINNACLE INC.

demanderesse

et

LES VERGERS DE LA COLLINE INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La défenderesse (Vergers), une entreprise spécialisée dans la fabrication et la vente de cidre de pomme et de produits dérivés, cherche à faire enregistrer auprès du Registraire des marques de commerce (le Registraire), les marques de commerce CID et CID & Dessin (collectivement la Marque CID).  La demanderesse (Pinnacle), qui œuvre dans ce même domaine, s’y oppose au motif, principalement, qu’il y a probabilité de confusion entre la Marque CID que cherchent à enregistrer Vergers et les marques CID et CID & Dessin (la Marque concurrente) qu’elle utilisait déjà, selon elle, en lien avec ses propres produits et services, lorsque Vergers a produit sa demande d’enregistrement.

[2]  Déboutée de son opposition par le Registraire au motif qu’elle ne s’est pas déchargée du fardeau initial qui était le sien d’établir qu’il existe des faits pouvant supporter son opposition, Pinnacle, comme le lui permet l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi), se pourvoit en appel de cette décision.

[3]  Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

II.  Contexte

A.  Les procédures devant le Registraire

[4]  Les deux demandes d’enregistrement en litige - la demande no. 1,490,127 pour la marque nominale CID et la demande no. 1,490,128 pour la marque CID & Dessin - ont été produites auprès du Registraire le 26 juillet 2010 (la Demande d’enregistrement).

[5]  La Demande d’enregistrement est fondée sur un emploi projeté en liaison avec les produits et services suivants :

Produits : Articles de table, nommément verres, sous-verres, bouteilles, caisses de bouteilles, serviettes, ouvre-bouteilles; vêtements, nommément chemises, tee-shirts, chandails, vestes, casquettes, chapeaux; boissons alcoolisées, nommément cidre; et

Services : Services de magasin de détail en ligne d’articles de table, de vêtements et de cidre; services de magasin de détail d’articles de table, de vêtements et de cidre; services de conseil et services éducatifs, nommément conférences et ateliers ayant trait au cidre, à des recettes et à la dégustation de cidre (les Services)

[6]  Le 25 mars 2011, Pinnacle produit une déclaration d’opposition à la Demande d’enregistrement.  Elle y allègue, pour l’essentiel que, contrairement au paragraphe 30(i), à l’alinéa 16(3)(a) et à l’article 2 de la Loi :

  1. Vergers ne pouvait se déclarer convaincue, au moment de produire la Demande d’enregistrement, qu’elle avait droit d’employer la Marque CID au Canada en liaison avec les produits ou services décrits à ladite Demande puisqu’œuvrant dans le même espace commercial qu’elle, Vergers était au courant que Pinnacle employait déjà, depuis aussi tôt que le 4 avril 2010, la Marque concurrente en liaison avec des produits de même nature;
  2. Vergers n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque CID, puisqu’au 26 juillet 2010, date de production de la Demande d’enregistrement, ladite Marque créait de la confusion avec au moins une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada, soit la Marque concurrente employée par Pinnacle depuis aussitôt que le 4 avril 2010; et
  3. La Marque CID n’est pas distinctive puisqu’elle ne peut véritablement distinguer, ou permettre que soit distingué, les produits et services en liaison desquels son emploi est destiné des produits et services associés à la Marque concurrente.

[7]  Au soutien de son opposition, Pinnacle produit l’affidavit de son président fondateur, Charles Crawford, dans lequel celui-ci affirme :

  1. Que Pinnacle, créée en 2000, a acquis au fil des ans, au Canada comme ailleurs dans le monde, une notoriété considérable dans la fabrication de cidre de glace;
  2. Que ses produits sont vendus soit directement au consommateur au site de fabrication de Pinnacle (c'est-à-dire en boutique) ou dans certaines marchés publics, soit, au Canada et ailleurs dans le monde, à travers différents canaux de distribution;
  3. Que ses produits portant la Marque concurrente sont vendus au Canada depuis aussitôt que le 4 avril 2010 en liaison avec du cidre et que les ventes desdits produits a enregistré une croissance exponentielle, passant de 3 900 bouteilles en 2010 à 38 900 bouteilles en 2011; et
  4. Qu’au moment de produire la Demande d’enregistrement de la Marque CID, Vergers est au courant de l’emploi, par Pinnacle, des produits portant la Marque concurrente.

[8]  Il opine être convaincu que l’emploi de la Marque CID est susceptible de créer de la confusion dans l’esprit du consommateur puisque cette marque n’est pas adaptée à distinguer les produits et services de Vergers de ceux vendus en liaison avec la Marque concurrente et que ces produits et services sont, de part et d’autre, (i) appelés à circuler à travers les mêmes canaux de distribution; (ii) destinés au même groupe de consommateurs; et (iii) susceptibles d’être utilisés ensemble.

[9]  Enfin, M. Crawford produit au soutien de son affidavit une facture (pièce CC-5) qui, selon lui, tient lieu de la première vente, par Pinnacle, des produits portant la Marque concurrente de même que les photos (pièce CC-1) d’une bouteille de cidre tranquille et d’une bouteille de cidre pétillant, toutes deux à 11% de teneur en alcool, portant le logo CID.

[10]  Après avoir contre-interrogé M. Crawford, Vergers produit, en réponse à l’opposition de Pinnacle, l’affidavit du directeur de sa division cidricole et maître de chai, Marc-Antoine Lasnier.  Après avoir étayé sa compréhension des permis requis, en vertu de la législation provinciale, pour pouvoir manufacturer et vendre du cidre au Québec, M. Lasnier affirme :

  1. Qu’au moment de la production de la Demande d’enregistrement le 26 juillet 2010, ni lui ni aucun autre employé ou représentant de Vergers n’avait connaissance que des tiers, y compris Pinnacle, auraient pu, de quelque manière que ce soit, employer ou projeter d’employer une marque identique ou similaire à la Marque CID en lien avec des produits et services identiques ou similaires à ceux projetés par Vergers;
  2. Qu’au début septembre 2010, Vergers débute l’emploi concret de la Marque CID dans plusieurs points de vente au Québec;
  3. Qu’à ce moment, Pinnacle n’a toujours pas produit auprès du Registraire de demande d’enregistrement de la Marque concurrente;
  4. Que ce n’est que le ou vers le 25 septembre 2010 que Vergers est informée, pour la première fois, que Pinnacle est à développer des boissons alcoolisées qu’elle projette de commercialiser au moyen de la Marque concurrente;
  5. Qu’après certaines vérifications sommaires, il constate qu’aucun produit de Pinnacle portant la Marque concurrente n’est effectivement commercialisé tant auprès de la Société des alcools du Québec (SAQ) que dans les différents points de vente où sont alors commercialisés les produits de Vergers, notamment les restaurants, les épiceries, les marchés et les dépanneurs; et
  6. Que ce n’est qu’en septembre 2011 qu’il voit, pour la première fois, un produit portant la Marque concurrente être concrètement commercialisé par Pinnacle.

[11]  Plus particulièrement en ce qui a trait à l’allégation de Pinnacle à l’effet qu’elle employait déjà la Marque concurrente au moment du dépôt de la Demande d’enregistrement de la Marque CID, M. Lasnier affirme que cette allégation est soit fausse, soit inexacte.  Il précise à cet égard :

  1. Qu’il est impossible que Pinnacle ait employé la Marque concurrente aussitôt que le 4 avril 2010 puisque le concours visant la conception du logo associé à ladite Marque ne s’est terminé que le 29 avril 2010;
  2. Que dans la mesure où les cidres associés à la Marque concurrente ont un taux d’alcool de 11% et qu’ils sont commercialisés en vertu d’un « permis de fabricant de cidre industriel », ils ne peuvent être vendus que par l’entremise de la SAQ dans les épiceries, dépanneurs et restaurants, et non en boutique, directement au consommateur, comme ce fut le cas, selon Pinnacle, le 4 avril 2010; et
  3. Qu’il est impossible que Pinnacle ait pu promouvoir ses cidres portant la Marque concurrente à partir de son site Internet « selectionspinnacle.com » dès avril 2010 puisque ce site n’est réservé par Pinnacle qu’en août 2010;

[12]  Suite au dépôt de l’affidavit de M. Lasnier, Pinnacle produit, le 17 octobre 2012, un affidavit supplémentaire de M. Crawford dans lequel celui-ci affirme :

  1. Que c’est à la fin de 2009 que Pinnacle a l’idée de développer et mettre en marché de nouveaux produits pour du cidre tranquille portant le nom CID;
  2. Qu’une étiquette portant le sigle CID est créée à l’interne le 22 mars 2010;
  3. Qu’avant d’engager de grandes dépenses pour leur commercialisation à grande échelle, Pinnacle, comme le veut sa pratique, teste d’abord le nouveau produit et le logo qui y est associé en vendant le produit en boutique;
  4. Que suite à l’accueil favorable du nouveau produit, un concours est lancé pour la conception du design des ‘produits finis’ portant la Marque concurrente ainsi que la conception de nouvelles étiquettes à être apposées sur lesdits produits;
  5. Que suite à ce concours, dont le gagnant reçoit sa bourse le 24 avril 2010, Pinnacle arrête son choix final pour l’étiquette actuelle des produits portant la Marque concurrente et amorce des démarches pour déterminer si ladite Marque est disponible au Canada et pour créer un site web dédié aux produits portant la Marque concurrente; et
  6. Qu’au moins en date du 18 octobre 2010, Pinnacle, munie de toutes les autorisations nécessaires, débute la commercialisation de ses produits portant la Marque concurrente par le biais de la SAQ et des chaînes d’alimentation Sobeys (IGA), Metro et Provigo/Maxi/Loblaws.

[13]  M. Crawford affirme aussi dans ce nouvel affidavit qu’en mai 2010, un de ses employés à l’époque, Benoît Gosselin Piette, l’informe avoir parlé à M. Lasnier des nouveaux produits de Pinnacle portant la Marque concurrente, tout en spécifiant que M. Gosselin Piette n’aurait pas caché son amitié pour M. Lasnier et le fait qu’ils étaient à l’époque en contact réguliers.  M. Crawford laisse aussi entendre que M. Gosselin Piette, engagé par Vergers en août 2011, aurait violé l’accord de confidentialité signé au moment de son embauche par Pinnacle.

[14]  Avec l’autorisation du Registraire, Vergers, en réplique à l’affidavit supplémentaire de M. Crawford, produit, le 28 novembre 2012, un affidavit supplémentaire de M. Lasnier.  Dans ce nouvel affidavit, M. Lasnier s’emploie à tenter de démontrer que Pinnacle, au moment où elle produit sa déclaration d’opposition à la Demande d’enregistrement de la Marque CID en mars 2011, ne possède toujours pas les approbations et permis nécessaires à la production, la fabrication et la commercialisation de ses produits portant la Marque concurrente, notamment ceux émanant de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, et qu’elle ne peut ainsi prétendre, comme le fait M. Crawford, avoir, dans le cours normal de ses affaires, employé la Marque concurrente antérieurement au 26 juillet 2010.

[15]  M. Lasnier nie par ailleurs avoir été informé par M. Gosselin Piette, en mai 2010, de l’existence des produits de Pinnacle portant la Marque concurrente.  Il réitère à cet égard que ce n’est que le 25 septembre 2010 qu’il apprend pour la première fois que Pinnacle serait en voie de développer des boissons alcooliques qu’elle projette de commercialiser sous la Marque concurrente.

[16]  M. Lasnier n’a pas été contre-interrogé par Pinnacle sur ni l’un ni l’autre de ses affidavits.

B.  La décision du Registraire

[17]  Le 26 mai 2014, le Registraire rejette l’opposition de Pinnacle à l’enregistrement de la Marque CID par Vergers.

[18]  D’entrée de jeu, le Registraire note que sa décision repose sur la crédibilité des allégations contenues dans les deux affidavits de M. Crawford, crédibilité qu’il questionne sur la base, d’une part, de ce qu’il perçoit être des contradictions entre les réponses données par M. Crawford lors de son contre-interrogatoire et le contenu desdits affidavits et, d’autre part, de la séquence de production des différents éléments de preuve de Pinnacle.  À ce dernier égard, le Registraire estime que le second affidavit de M. Crawford, en particulier en ce qui a trait aux paragraphes 4 à 15, soumet une version différente ou bonifiée du premier sur certains faits importants, en particulier eu égard à la phase de développement du produit et de l’étiquette portant le logo CID qui précède le 26 juillet 2010.  Il juge d’ailleurs cette preuve supplémentaire contraire au paragraphe 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), en ce qu’elle ne se limite pas, selon lui, « strictement aux matières servant de réponse », comme le requiert cette disposition réglementaire régissant la procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce.  Il estime que cette preuve constitue ainsi, pour Pinnacle, un moyen détourné de scinder sa preuve en fonction de celle que pourrait produire Vergers.

[19]  Le Registraire s’exprime comme suit sur ce point :

[54]  Dans le présent dossier il est apparent que l’Opposante a présenté une première version des événements qui ont mené à la vente de cidre en liaison avec la marque CID le 4 avril 2010 à titre de preuve sous l’article 41 du Règlement. La Requérante a inclus dans sa preuve sous l’article 42 des faits contredisant la version de l’Opposante ou soulevant des doutes sérieux quant à la véracité des faits entourant la date de premier emploi de la marque CID par l’Opposante.

[55]  Les allégations contenues aux paragraphes 4 à 15 de l’affidavit Crawford 2 concernent la date de premier emploi de la marque de commerce CID par l’Opposante.  Ces allégations ne constituent pas proprement dit une preuve ‘se limitant strictement aux matières servant de réponse’.  Il s’agit plutôt d’une nouvelle preuve ou preuve additionnelle se rapportant à la date de premier emploi de sa marque qui nécessitait la permission du registraire avant sa production au dossier.

[56]  Ainsi les paragraphes 4 à 15 inclusivement de l’affidavit Crawford 2 ne seront pas considérés dans le cadre de cette décision.

[20]  Une fois ces balises tracées, le Registraire se prononce d’abord sur le moyen d’opposition fondé sur le paragraphe 30(i) de la Loi.  Il conclut que Pinnacle ne s’est pas déchargé de son fardeau initial de prouver que Vergers était au courant de l’emploi de la Marque concurrente en liaison avec la vente de cidre au moment où elle a déclaré, au soutien de la Demande d’enregistrement de la Marque CID, être convaincue de son droit d’employer cette Marque au Canada en lien avec les services et marchandises spécifiés à ladite Demande.  Le Registraire n’accorde pas de poids à la preuve soumise par Pinnacle à cet égard, la jugeant fondée sur du ouï-dire ou encore trop vague et imprécise.

[21]  Le Registraire rejette ensuite le second moyen d’opposition soulevé par Pinnacle, celui, fondé sur l’alinéa 16(3)(a) de la Loi, relatif à l’emploi antérieur de la Marque concurrente.  Il note à cet égard que les parties se sont attardées aux faits se rapportant à la vente survenue le 4 avril 2010 puisqu’il s’agit, estime-t-il, de la seule vente tendant à démontrer qu’il y a eu emploi de la Marque concurrente antérieurement au 26 juillet 2010, date du dépôt de la Demande d’enregistrement de la Marque CID par Vergers.  À cet égard, bien qu’il ne remette pas en question qu’il y a eu une vente en boutique le 4 avril 2010, le Registraire juge que Pinnacle n’a pas établi qu’il y a eu vente, à cette occasion, de cidre portant la Marque concurrente.

[22]  La conclusion du Registraire sur ce point repose sur les doutes qu’il entretient sur la version des faits de M. Crawford.  Il juge notamment que les affirmations faites par M. Crawford dans son premier affidavit, affirmations réitérées en contre-interrogatoire, voulant que la bouteille de cidre vendue le 4 avril 2010 soit identique à celle illustrée à la pièce CC-1 produite au soutien de cet affidavit, sont incompatibles avec le fait, mis en preuve par Vergers, que la conception de l’étiquette apposée aux bouteilles représentées à ladite pièce CC-1, a été le fruit d’un concours lancé le 23 avril 2010.  Il est dès lors apparu impossible au Registraire que Pinnacle ait pu vendre, le 4 avril 2010, du cidre dans des bouteilles portant les étiquettes illustrées à la pièce CC-1 puisque le travail de conception de celle-ci n’avait pas encore débuté.

[23]  Le Registraire juge aussi peu crédible la preuve de M. Crawford, livrée en contre-interrogatoire, voulant que la mention « Sélections Pinnacle » ait été apposée à l’endos des bouteilles de cidre portant la Marque concurrente vendues le 4 avril 2010 de manière à distinguer les produits de cidre portant la Marque concurrente des produits de Pinnacle vendus sous la bannière « Domaine Pinnacle ».  Il estime cette affirmation incompatible avec le fait, encore là mis en preuve par Vergers, que le nom de domaine « sélectionspinnacle » n’a été créé que le 17 août 2010, faisant en sorte que le cidre portant la Marque concurrente n’a pu être annoncé sur ce site web qu’après cette date, et que la dénomination sociale « Sélections Pinnacle » n’est entrée en vigueur qu’en octobre 2012.

[24]  Finalement, le Registraire note que bien que Pinnacle ait fourni des chiffres sur ses ventes de cidre portant la Marque concurrente pour l’année 2010, ces chiffres sont muets quant aux ventes qui auraient été effectuées avant le 26 juillet 2010, la seule preuve à cet égard étant celle, jugée déficiente, de la vente survenue le 4 avril 2010.

[25]  De manière subsidiaire, le Registraire estime que la prise en compte de la preuve d’emploi antérieur découlant de l’affidavit supplémentaire de M. Crawford, n’aurait rien changé à ses conclusions.  Il estime plus particulièrement que cette preuve décrit « une suite d’événements incompatibles » avec la première version des faits de M. Crawford.  Il se fonde notamment sur le fait que selon ce second affidavit :

  1. L’idée, à la fin de 2009, de mettre en marché un nouveau produit devant porter la Marque concurrente est en lien avec la production de cidre tranquille alors que suivant le contre-interrogatoire de M. Crawford, c’est du cidre pétillant qui aurait été vendu le 4 avril 2010;
  2. Une étiquette portant la marque CID est créée à l’interne en mars 2010 alors qu’il n’en est fait mention ni dans le premier affidavit de M. Crawford, ni lors de son contre-interrogatoire, et que cela contredit le témoignage livré lors dudit contre-interrogatoire voulant que le cidre portant la Marque concurrente ait toujours été représenté par l’étiquette apparaissant sur les bouteilles figurant sur la pièce CC-1 du premier affidavit;
  3. Les inscriptions figurant sur cette étiquette créée à l’interne, dont une photo est reproduite comme pièce CC-1 du second affidavit, contredisent celles apparaissant sur les bouteilles reproduites à la pièce CC-1 du premier affidavit quant à la dénomination sociale à laquelle le produit est associé (« Domaine Pinnacle » au lieu de « Sélections Pinnacle ») et la teneur en alcool du produit (9% au lieu de 11%).

[26]  Les pièces CC-1 produites au soutien des premier et second affidavits de M. Crawford sont reproduites en annexe au présent jugement.

[27]  Enfin, le Registraire rejette le troisième moyen d’opposition de Pinnacle, celui de l’absence de caractère distinctif de la Marque CID, sur la base que Pinnacle n’a pas démontré qu’au moment où elle produit sa déclaration d’opposition le 25 mars 2011, date pertinente aux fins de l’analyse de ce moyen d’opposition, la Marque concurrente est connue jusqu’à un certain point des consommateurs canadiens de telle sorte que la Marque CID ne peut servir à distinguer les produits et services y étant associés des produits et services portant la Marque concurrente.

[28]  Plus particulièrement, le Registraire se dit d’avis que le cidre portant la Marque concurrente n’est pas connu du consommateur ordinaire au 25 mars 2011 puisque, faute des autorisations requises, il n’est pas toujours pas disponible, à cette date, pour vente au grand public.  Quant aux ventes qui auraient été faites en boutique entre le 4 avril 2010 et le 25 mars 2011, le Registraire exprime un sérieux doute sur la véracité des chiffres fournis par M. Crawford et juge que cela doit être interprété au détriment de Pinnacle.

[29]  Pinnacle soutient que la décision du Registraire doit être renversée et son opposition à l’enregistrement de la Marque CID, accueillie.  À cette fin, Pinnacle soumet une preuve nouvelle et invite la Cour, tel que l’entrevoit le paragraphe 56(5) de la Loi, à procéder de novo à l’examen du bien-fondé de son opposition.  Vergers demande le rejet de l’appel de Pinnacle sur la base du dossier qui était devant le Registraire et dans l’éventualité où la Cour devait décider de procéder de novo, elle soumet, elle aussi, une preuve nouvelle.

[30]  À l’audition du présent appel, Pinnacle a limité ses représentations orales au motif d’opposition fondé sur l’emploi antérieur de la Marque concurrente, s’en remettant à son mémoire quant au motif d’opposition fondé sur la connaissance que Vergers a pu avoir, au 26 juillet 2010, de l’emploi, par Pinnacle, de la Marque concurrente.  Quant au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque CID, il n’est pas développé dans ledit mémoire et n’a pas été abordé à l’audition.

III.  Questions en litige

[31]  Cet appel soulève, à mon avis, les deux questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable à l’examen de la décision du Registraire compte tenu de la preuve produite par les parties dans le cadre de la présente instance?
  2. Le Registraire a-t-il erré en rejetant l’opposition de Pinnacle à l’enregistrement de la Marque CID de manière qui justifie l’intervention de la Cour?

IV.  Analyse

A.  La norme de contrôle

[32]  En règle générale, lorsque, comme en l’espèce, le litige mû devant le Registraire soulève des questions de fait et de droit relevant de son expertise, la norme de contrôle applicable à sa décision est celle de la décision raisonnable (Chypre (Commerces et Industries c Les Producteurs Laitiers du Canada, 2010 CF 719, au para 28, 393 FTR 1[Producteurs Laitiers du Canada]; Brasseries Molson c John Labatt Ltée [2000] 3 FC 145 (CA), au para 51, 180 FTR 99 [John Labatt Ltée]; Restaurants La Pizzaiolle Inc c Pizzaiolo Restaurants Inc, 2015 CF 240, au para 41).  Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est produite devant la Cour, celle-ci, suivant le paragraphe 56(5) de la Loi, est habilitée à exercer toute discrétion dont le Registraire est investi.  Dans un tel cas, la Cour pourra tirer ses propres conclusions et appliquer à la décision du Registraire la norme de la décision correcte (Producteurs Laitiers du Canada, au para 28).

[33]  Pour exercer les pouvoirs que lui confère le paragraphe 56(5) de la Loi, la Cour doit cependant être satisfaite que la preuve nouvelle soumise par les parties est substantielle et ajoute à ce qui a été produit devant le Registraire.  En d’autres mots, la Cour doit être convaincue que cette preuve nouvelle aurait pu avoir pour effet de modifier les conclusions du Registraire, si celui-ci avait eu l’occasion de la considérer.  En ce sens, une preuve nouvelle qui n’est que répétitive de ce qui a déjà été soumis au Registraire et qui ne bonifierait pas la force probante de cette preuve, ne suffit pas pour écarter l’application de la norme déférente de la décision raisonnable aux conclusions du Registraire (Producteurs Laitiers du Canada au para 28; John Labatt Ltée au para 51).

[34]  Qu’en est-il ici de la preuve nouvelle soumise par Pinnacle?

[35]  Cette preuve consiste en quatre affidavits, ceux de M. Crawford et de trois employés ou ex-employés de Pinnacle : le directeur des ventes, Frédéric Boucher; le directeur de la production et de la recherche et développement à l’époque pertinente, David Bérubé; et le responsable des ventes à travers le réseau des épiceries au Québec, Sylvain Poirier.

[36]  Dans un court affidavit de cinq paragraphes, M. Crawford introduit deux documents, un premier (CC-1) censé représenter le logo apposé sur les bouteilles de cidre portant la Marque concurrente, tel qu’elles sont vendues depuis le mois d’octobre 2010, et un second représentant « les preuves de promotion des produits CID ».  Ce second document n’est pas daté mais fait référence à la Coupe des Nations 2011.  Cela suppose donc qu’il est de confection postérieure à cet événement tenu en 2011. M. Crawford affirme enfin que les produits portant la Marque concurrente sont, depuis avril 2010, vendus à des prix variant de 6,26 $ à 7,84 $ la bouteille.  Cet affidavit, à mon avis, n’ajoute rien de substantiel à ce qui se trouvait déjà devant le Registraire, notamment aux affidavits déjà produits par M. Crawford.  Comme le fait remarquer Vergers, à juste titre, la simple affirmation, non appuyée de factures ou autres pièces justificatives, que les produits portant la Marque concurrente ont été vendus à partir d’avril 2010 à des prix se situant à l’intérieur d’une fourchette de prix donnée, n’a aucune valeur probante, particulièrement lorsqu’elle a pour objectif d’établir l’antériorité de l’emploi de ladite Marque. Comme le soulignait la Cour dans l’affaire JC Penney Co Inc c Gaberdine Clothing Co Inc, 2001 CFPI 1333, 213 FTR 189 [JC Penney], la preuve d’emploi antérieur d’une marque de commerce nécessite davantage qu’une simple affirmation dans un affidavit; elle requiert, suivant ce qui se dégage du paragraphe 4(1) de la Loi, une preuve directe (JC Penney, aux para 80, 83, 84 et 86; Kamsut Inc c Jaymei Entreprises Inc, 2009 CF 627 au para 36, 347 FTR 1).

[37]  Le paragraphe 4(1) de la Loi stipule ce qui suit :

Note marginale : Quand une marque de commerce est réputée employée

Marginal note: When deemed to be used

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

[38]  Pour sa part, M. Boucher affirme que l’idée de la Marque concurrente, qui émerge à l’automne 2009, émane de M. Poirier, que ladite Marque a été développée et commercialisée d’abord en boutique et par la suite dans les grandes chaînes d’alimentation du Québec.  Il allègue aussi avoir « entendu dire », en juillet 2010, que Vergers sait que Pinnacle vend un produit portant la marque « CID » et qu’elle s’apprête, malgré tout, à commercialiser un produit portant une marque similaire.  Encore là, cet affidavit est répétitif de la preuve soumise au Registraire et constitue lui aussi, eu égard au motif d’opposition relatif à la connaissance que Vergers aurait eu de l’emploi de la Marque concurrente au moment de la production de la Demande d’enregistrement de la Marque CID, une preuve par ouï-dire.  Le recours répété à une preuve par ouï-dire n’en fait pas pour autant une preuve admissible ou probante.

[39]  L’affidavit de M. Bérubé, quant à lui, porte, à toutes fins utiles, sur M. Gosselin Piette mais ce qu’il tend à vouloir démontrer reste nébuleux. Cherche-t-il à démontrer que M. Gosselin Piette aurait informé Vergers, avant le 26 juillet 2010, du fait que Pinnacle s’était lancé dans  le développement de produits portant la Marque concurrente ou encore à insinuer que M. Gosselin Piette aurait sciemment saboté une année entière de production d’un cidre de glace de marque Signature fabriqué et distribué par Pinnacle avant de passer chez Vergers?  Dans le premier cas, cette preuve est purement conjecturelle.  Dans le second, en plus d’être hautement conjecturelle, sa pertinence est loin d’être établie.  À mon avis, la preuve de M. Bérubé, qui est truffée de sous-entendus et qui reprend, en quelque sorte, ce qu’affirme M. Crawford aux paragraphes 18 à 25 de l’affidavit supplémentaire qu’il a produit devant le Registraire, n’a pas davantage de force probante que cette preuve de M. Crawford que le Registraire a écartée au motif qu’elle constituait du ouï-dire.  Elle ne pourrait, en somme, avoir eu pour effet de modifier les conclusions du Registraire.

[40]  Enfin, l’affidavit de M. Poirier n’offre rien de nouveau : il réitère ce qu’affirme M. Boucher quant au développement et à la commercialisation de la Marque concurrente et reprend les insinuations de M. Bérubé relatives à M. Gosselin Piette.

[41]  En somme, je suis d’avis que la preuve produite par Pinnacle au soutien du présent appel ne bonifierait pas la force probante de la preuve soumise au Registraire et ne suffit pas, par conséquent, pour écarter l’application de la norme de la décision raisonnable aux conclusions auxquelles le Registraire en est arrivé en l’espèce.  La Cour limitera donc son analyse à ce qui a été mis en preuve devant le Registraire.  Cela implique qu’elle ne considérera pas davantage la preuve nouvelle produite en l’instance par Vergers.

[42]  Suivant la norme de la décision raisonnable, la Cour n’interviendra que si la décision du Registraire est « clairement erronée » (Producteurs Laitiers du Canada, au para 28).  Vu sous l’angle de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], cela veut dire que la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions tirées par le Registraire et qu’elle n’interviendra, en conséquence, que si celles-ci, d’une part, ne possèdent pas les attributs de la justification, de la transparence ou de l'intelligibilité ou, d’autre part, n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au para 47).

B.  La décision du Registraire est raisonnable

[43]  Selon le paragraphe 16(3) de la Loi, toute personne qui produit une demande d’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit à cet enregistrement à l’égard des produits et services spécifiés dans la demande à moins qu’à la date de production de celle-ci, la marque ainsi projetée n’ait créé de la confusion (a) avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne; (b) avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne ou; (c) avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne. 

[44]  Une marque de commerce est par ailleurs enregistrable, suivant l’article 12 de la Loi, lorsque, notamment, elle ne crée pas de confusion avec une « marque de commerce déposée », c'est-à-dire, suivant l’article 2 de la Loi, une marque de commerce se trouvant au registre établi en vertu de l’article 26 de la Loi, ce qui n’est pas le cas de la Marque concurrente.

[45]  Pour sa part, l’article 30 de la Loi prescrit les exigences de fond et de forme auxquelles doit répondre une demande d’enregistrement de marque de commerce.  Parmi ces exigences, il y a celle prévue au paragraphe 30(i), qui requiert une déclaration du requérant portant qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans la demande.

[46]  Suivant les paragraphes (1) et (2) de l’article 38 de la Loi, toute personne peut, dans le délai prescrit, s’opposer à une demande d’enregistrement au motif (i) que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30; (ii) que la marque de commerce dont l’enregistrement est recherché n’est pas enregistrable au sens de l’article 12; (iii) que le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement suivant ce qu’exige l’article 16; ou encore (iv) que la marque de commerce n’est pas distinctive.

[47]  Les dispositions législatives auxquelles je viens de référer sont aussi reproduites en annexe au présent jugement.

[48]  En l’espèce, comme nous l’avons vu, Pinnacle s’oppose à l’enregistrement de la Marque CID au motif (i) que la demande de Vergers ne satisfait pas à l’exigence du paragraphe 30(i) de la Loi; (ii) que Vergers n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque CID selon ce que prévoit l’alinéa 16(3)(a) de la Loi, puisqu’au 26 juillet 2010, date de production de la Demande d’enregistrement, cette Marque créait de la confusion avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada; et (iii) que ladite Marque n’est pas distinctive de la Marque concurrente au sens de l’article 2 de la Loi.  Ce dernier motif d’opposition, je le rappelle, n’est pas abordé par Pinnacle dans le cadre du présent appel.

[49]  Il est bien établi que bien qu’il appartienne ultimement à la partie qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce de convaincre le Registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la marque est enregistrable, l’opposant(e) à une telle demande porte un fardeau initial, celui de présenter suffisamment d’éléments de preuve étayant, à tout le moins prima facie, ses motifs d’opposition.  Ce n’est qu’une fois cette exigence remplie que le fardeau de preuve se déplace sur le demandeur (John Labatt Ltd c Molson Co (1990), 30 CPR (3d) 293, 36 FTR 70, confirmé en appel (1992), 42 CPR (3d) 495, 57 FTR 159; République de Chypre (Industrie et Commerce) c International Cheese Council of Canada, 2011 CAF 201, aux para 25-28, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 34430 (12 avril 2012).

[50]  En l’espèce, le Registraire a jugé que Pinnacle n’avait pas rencontré son fardeau initial de preuve à l’égard de chacun de ses motifs d’opposition.  Il a par conséquent rejeté son opposition à l’enregistrement de la Marque CID.  Après examen du dossier qui était devant le Registraire et des représentations soumises par les parties dans le cadre du présent appel, je ne vois pas matière à intervenir et à annuler, comme me le demande Pinnacle, la décision du Registraire.

(1)  L’emploi antérieur de la Marque concurrente

[51]  Pinnacle soutient que le Registraire a erré en concluant qu’elle ne s’est pas déchargée du fardeau initial de preuve qui lui incombait de démontrer qu’elle a employé la Marque concurrente en liaison avec du cidre antérieurement au 26 juillet 2010.  Pinnacle soutient plus particulièrement qu’en concédant qu’en l’absence des autorisations gouvernementales requises pour commercialiser son cidre portant la Marque concurrente, rien ne l’empêchait de vendre ce cidre en boutique et qu’en reconnaissant que des ventes avaient effectivement eu lieu avant le 26 juillet 2010, le Registraire se devait de conclure à l’emploi antérieur de la Marque concurrente.  Il s’agissait là, selon Pinnacle, de la seule issue possible en regard des faits et du droit.

[52]  Elle plaide à cet égard qu’à la lumière de la preuve versée au dossier du Registraire, jumelée à celle produite dans le cadre du présent appel pour pallier, notamment, au refus du Registraire de considérer les paragraphes 4 à 15 du second affidavit de M. Crawford, l’emploi antérieur de la Marque concurrente ne fait aucun doute.

[53]  Le problème avec la position de Pinnacle est de trois ordres.

[54]  Premièrement, j’ai déjà décidé que la preuve nouvelle produite par Pinnacle au soutien du présent appel n’était pas de nature à justifier un examen de novo des motifs d’opposition soulevés par Pinnacle devant le Registraire puisqu’elle n’ajoute en rien à la force probante de la preuve soumise à ce dernier.  Deuxièmement, dans la mesure où cette preuve nouvelle avait comme objectif de pallier au traitement réservé par le Registraire aux paragraphes 4 à 15 du second affidavit de M. Crawford, Pinnacle passe sous silence le fait que le Registraire, évoquant l’éventualité où sa décision d’exclure ces éléments de preuve serait erronée, a tout de même considéré ceux-ci aux fins de son analyse et qu’il a jugé que leur prise en compte ne modifiait pas sa conclusion relative au motif d’opposition fondée sur l’allégation d’emploi antérieur de la Marque concurrente.

[55]  L’analyse du Registraire sur ce point est détaillée et il convient de la reproduire :

[70] Dans l’éventualité où je serais dans l’erreur en excluant du dossier le contenu des paragraphes 4 à 15 de l’affidavit Crawford 2, même en les considérant j’arriverais à la même conclusion et ce pour les raisons qui suivent.

[71] Tout d’abord c’est seulement après la production de l’affidavit Lasnier 1 que l’Opposante a tenté de corriger le tir en produisant l’affidavit Crawford 2. M. Crawford décrit alors une suite d’événements incompatibles avec sa première version des faits.

[72] M. Crawford allègue dans son affidavit Crawford 2 qu’à la fin 2009 l’Opposante entrevoyait l’idée de mettre en marché de nouveaux produits pour du cidre tranquille. Je note que M. Crawford ne parle pas de cidre pétillant alors que la première vente datée du 4 avril 2010 concernait un cidre pétillant selon sa version des faits fournie lors de son contre-interrogatoire sur son affidavit Crawford 1.

[73] L’Opposante aurait donc décidé de tester ses nouveaux produits en les vendant dans sa boutique. Ainsi, le 22 mars 2010 l’Opposante aurait conçu une étiquette à l’interne pour ces nouveaux produits. M. Crawford a produit une photo de cette étiquette [pièce CC-1 à Crawford 2] mais aucun document n’a été produit pour supporter cette date du 22 mars 2010.

[74] Or l’étiquette CC-1 à Crawford 2 porte les inscriptions suivantes :

- Cidre Tranquille-Still Cider

- Domaine Pinnacle

- 9% alc./vol.

[75] Bien que cette étiquette porte la mention ‘CID’, toutes les inscriptions ci-haut identifiées sont en contradiction avec sa première version des faits. En premier lieu il avait mentionné que la première bouteille vendue était du ‘cidre pétillant’. M. Crawford n’a pas produit une étiquette pour ce type de cidre. La mention ‘Domaine Pinnacle’ contredit son affirmation à l’effet qu’il voulait dissocier le cidre portant la marque CID de la dénomination sociale Domaine Pinnacle. De plus la référence à ‘9% alc./vol.’ contredit son affirmation à l’effet que le cidre de marque CID a toujours eu qu’une seule teneur en alcool soit 11%.

[76] Finalement lors de son contre-interrogatoire M. Crawford a été formel : le cidre portant la marque CID a toujours porté l’étiquette apparaissant sur les photos produites comme pièce CC-1 à l’affidavit Crawford 1. Jamais au cours de son contre-interrogatoire il a fait référence à une étiquette fabriquée à l’interne qui aurait été employée lors des ventes artisanales conclues au lieu de fabrication de ces cidres. C’est seulement après la production de l’affidavit Lasnier 1, qui mettait en doute la véracité de l’emploi des étiquettes apparaissant sur les photos CC-1 à l’affidavit Crawford 1, que M. Crawford a dévoilé des faits se rapportant à l’emploi d’une autre étiquette portant la marque CID.

[77] Un autre fait qui vient miner la crédibilité de M. Crawford est son affirmation dans l’affidavit Crawford 2 que l’Opposante détenait toutes les autorisations nécessaire pour la vente des produits de marque CID [paragraphe 16 et pièce CC-3 au soutien de l’affidavit Crawford 2]. Or M. Lasnier, dans son affidavit Lasnier 2, a produit une copie d’une requête de l’Opposante présentée devant la RAJQ en date du 23 février 2011 et amendée le 28 mars 2011 [pièce I-2 à Lasnier 2]. Les allégués de l’Opposante dans cette requête contredisent les affirmations de M. Crawford. Au paragraphe 3 de cette requête l’Opposante allègue :

[L’Opposante] est titulaire notamment de deux permis d’alcool soit ‘permis artisanal de cidre’ et permis de ‘Fabricant de cidre’ et ne peut vendre au Québec ses produits sans l’aval de la SAQ… (mes soulignements)

[78] Ainsi il appert de cette requête déposée devant la RAJQ que l’Opposante n’avait toujours pas obtenu l’autorisation de la SAQ pour commercialiser les produits de cidre portant la marque CID.

[79] Toutes ces anomalies, contradictions et éclaircissements après son contre-interrogatoire et la production de documents par la Requérante sèment des doutes sérieux quant à la véracité des faits entourant la première vente de cidre en liaison avec la marque CID par l’Opposante présumée avoir eu lieu le 4 avril 2010. Comme la preuve documentaire réfère qu’à cette seule vente antérieure au 26 juillet 2010, je considère que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de prouver l’emploi de la marque CID avant le 26 juillet 2010.

[80] Pour toutes ces raisons je rejette donc le motif de l’opposition sous l’article 16(3) de la Loi.

[56]  Troisièmement, et surtout, je ne décèle, ni de près ni de loin, dans la décision du Registraire une quelconque reconnaissance qu’il y a eu vente, par Pinnacle, de cidre portant la Marque concurrente antérieurement au 26 juillet 2010, date de production de la Demande d’enregistrement de la Marque CID.  Le paragraphe 60 de la décision du Registraire, à laquelle s’en remet Pinnacle pour soutenir cette prétention, n’a pas la portée que celle-ci lui donne.

[57]  D’une part, ce paragraphe repose sur une hypothèse posée par le Registraire, celle qu’il y aurait eu des ventes de cidre portant la Marque concurrente avant le 26 juillet 2010.  Il ne s’agit pas d’un fait reconnu par le Registraire comme ayant été établi à sa satisfaction.  D’autre part, ce paragraphe s’inscrit dans la discussion portant sur le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 30(i) de la Loi.  Il ne porte donc pas directement sur le motif d’opposition fondé sur l’allégation d’emploi antérieur de la Marque concurrente.  Toutefois, lorsque le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)(a) de la Loi est abordé plus loin dans sa décision, le Registraire note d’entrée de jeu que pour seule preuve de ventes antérieures au 26 juillet 2010, Pinnacle a produit un coupon de caisse daté du 4 avril 2010 et un formulaire interne contenant l’inventaire des produits vendus lors de cette transaction.  S’il reconnaît qu’une vente en boutique a eu lieu le 4 avril 2010, le Registraire juge que Pinnacle n’a pas démontré que cette vente concernait du cidre portant la Marque concurrente.

[58]  Le Registraire soulève à cet égard un certain nombre de déficiences et d’anomalies dans la preuve de Pinnacle.  Il souligne en particulier l’absence de toute référence à la Marque concurrente sur le coupon de caisse et le formulaire interne relatif à la transaction du 4 avril 2010.  Il souligne également les contradictions dans la preuve de M. Crawford.  Sur ce point, il souligne le fait que dans son premier affidavit et dans son contre-interrogatoire, M. Crawford affirme que la bouteille de cidre vendue le 4 avril 2010 est identique à celle illustrée à la pièce CC-1 produite au soutien de cet affidavit, alors que la preuve au dossier révèle que le travail de conception de l’étiquette apposée aux bouteilles représentées à ladite pièce CC-1 n’est même pas amorcé à cette date.

[59]  Le Registraire note aussi que dans son contre-interrogatoire, M. Crawford affirme que l’endos des bouteilles de cidre portant la Marque concurrente vendues le 4 avril 2010 porte la mention « Sélections Pinnacle » alors que cette affirmation est incompatible avec le fait que le nom de domaine « sélectionspinnacle » et la dénomination sociale « Sélections Pinnacle » apparaissent dans la réalité commerciale de Pinnacle bien après le 26 juillet 2010.  Il note enfin que bien que Pinnacle ait fourni des chiffres sur ses ventes de cidre portant la Marque concurrente pour l’année 2010, ces chiffres sont muets quant aux ventes qui auraient été effectuées avant le 26 juillet 2010.

[60]  Même en acceptant, pour fins de discussion, que la preuve d’une seule vente suffise, en toutes circonstances, à établir l’emploi antérieur d’une marque de commerce, encore faut-il que cette preuve rencontre le seuil minimal du fardeau de preuve qui s’impose à l’opposant à l’enregistrement d’une marque de commerce.

[61]  Ici, Pinnacle a tenté de prouver l’emploi antérieur de la Marque concurrente au moyen d’une seule transaction – celle du 4 avril 2010 – et elle a produit à cet effet une preuve documentaire minimaliste et insatisfaisante, ce qui est plutôt étonnant compte tenu de la nature du produit en cause et de la prétention voulant que Pinnacle teste à ce moment l’intérêt des consommateurs avant d’investir davantage dans ce nouveau produit.  Pinnacle a tenté de compléter cette preuve par le témoignage de son président fondateur, M. Crawford.  Toutefois, le Registraire a jugé que ce témoignage, à la lumière de l’ensemble de la preuve, contenait des incohérences et contradictions et qu’il était, ultimement, peu crédible.

[62]  L’analyse effectuée par le Registraire m’apparaît complète, transparente et intelligible et les conclusions qu’il en a tirées, raisonnables dans la mesure où elles appartiennent, selon moi, aux issues possibles acceptables en regard du droit et des faits.  Comme j’ai eu l’occasion de le mentionner plus tôt, je suis aussi d’avis que la preuve nouvelle produite par Pinnacle au soutien du présent appel n’aurait pas eu pour effet d’amener le Registraire à modifier ses conclusions sur ce point.  Elle n’ajoute rien de substantiel à ce que le Registraire avait devant lui.

[63]  J’ajouterais à cet égard que la preuve produite par Pinnacle, tant devant le Registraire que devant cette Cour, suivant laquelle l’idée de produire un cidre portant la Marque concurrente était en gestation et en développement depuis la fin de 2009 ne lui est d’aucun secours dans la mesure où cette preuve ne répond pas aux exigences de l’article 4 de la Loi, lequel requiert, pour qu’une marque de commerce soit réputée employée en liaison avec des produits, un transfert de la propriété ou de la possession desdits produits.  La preuve qu’il y aurait eu transfert de propriété du cidre portant la Marque concurrente préalablement au 26 juillet 2010, n’a pas, je le rappelle, été jugée crédible par le Registraire.  Cette conclusion, je le rappelle également, est raisonnable.

(2)  Le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 30(i) de la Loi

[64]  Pinnacle soutient que le Registraire lui a imposé un fardeau de preuve trop élevé relativement à ce motif d’opposition.  Elle soutient, sur la base de la décision rendue par le Registraire dans l’affaire Canadian National Railway Co v Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC) [Canadian National], que le fardeau applicable à la question de la non-conformité d’une demande d’enregistrement, est relativement léger.  Quoiqu’il en soit, elle plaide qu’elle a comblé, au moyen de la preuve produite dans le cadre du présent appel, les lacunes identifiées dans la décision du Registraire.

[65]  J’ai déjà indiqué que la preuve nouvelle produite par Pinnacle en l’instance n’ajouterait rien, qualitativement, à la preuve déjà produite devant le Registraire en lien avec ce motif d’opposition.  Cette preuve nouvelle est conjecturelle et continue de reposer, sous certains aspects clés, sur du ouï-dire.  Quant au traitement que le Registraire a fait de la preuve qu’il avait devant lui sur ce point, je ne peux dire qu’il est déraisonnable, même en faisant appel au fardeau de preuve qui se dégage de l’affaire Canadian National, précitée, en supposant qu’il soit intégralement applicable au motif d’opposition fondé sur le paragraphe 30(i) de la Loi.

[66]  Tel que mentionné précédemment, le Registraire a observé que toute la preuve produite devant lui par Pinnacle sur la connaissance qu’aurait eu Vergers de son emploi de la Marque concurrente, à l’exception de la rencontre alléguée qu’aurait eu M. Crawford avec le président de Vergers, Michel Lasnier, antérieurement au 26 juillet 2010, reposait sur du ouï-dire.  À mon avis, ce constat m’apparaît le seul que pouvait tirer le Registraire dans les circonstances.

[67]  Quant à la présumée rencontre entre M. Crawford et M. Lasnier, le Registraire a jugé la preuve offerte par M. Crawford vague et imprécise et ne lui a attribué, ce faisant, aucune valeur probante.  Il a noté à cet égard que M. Crawford n’avait pu préciser, en contre-interrogatoire, ni la date, ni l’endroit, ni le nom de l’exposition commerciale où il aurait rencontré Michel Lasnier et lui aurait parlé du nouveau cidre de Pinnacle portant la Marque concurrente.  Il est apparu inconcevable au Registraire que pour un événement de cette importance, la mémoire de M. Crawford lui fasse ainsi défaut alors qu’il avait conservé un souvenir précis de certaines autres rencontres avec des représentants de Vergers.  Cette conclusion, de nature strictement factuelle, était, à la lumière de la preuve au dossier, à la portée du Registraire.  Celui-ci avait aussi devant lui, je le rappelle, la preuve de Vergers voulant que ce ne soit qu’à la fin septembre 2010 qu’elle ait été informée, pour la première fois, que Pinnacle était à développer des boissons alcoolisées qu’elle projetait de commercialiser au moyen de la Marque concurrente.  Au final, je ne vois aucune raison d’intervenir à l’égard de cette conclusion de fait.  

[68]  J’ajouterais que la Commission des oppositions a aussi jugé que le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 30(i) de la Loi n’est généralement reçu que lorsque la mauvaise foi du requérant est démontrée (Sapodilla Co Ltd v Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152, à la p 155 (COMC).  C’est la position que la Cour semble avoir adopté dans l’affaire Advance Magazine Publishers Inc c Farleyco Marketing Inc, 2009 FC 153, au para 121, 342 FTR 224.  Vu sous cet angle, il en fallait bien davantage qu’une preuve par ouï-dire et que des sous-entendus pour établir, même prima facie, que la déclaration de Vergers au soutien de la Demande d’enregistrement voulant qu’elle est droit à l’emploi de la Marque CID était empreinte de mauvaise foi. 

[69]  J’en arrive donc à la conclusion que l’appel de Pinnacle doit échouer et que Pinnacle doit en assumer les dépens.  Vergers soutient à cet égard qu’elle devrait se voir accorder les dépens sur une base avocat-client en raison de l’invraisemblance générale des motifs d’opposition et du fait que Pinnacle a divulgué ses éléments de preuve au compte-gouttes et qu’elle a caché le fait qu’elle n’avait pas les autorisations nécessaires pour commercialiser ses produits portant la Marque concurrente avant au moins le mois de mai 2011.

[70]  Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un cas où l’octroi de dépens sur une base avocat-client soit justifié.  Le fait d’intenter un recours non fondé ne donne pas, en soi, ouverture à l’octroi de tels dépens.  Encore faut-il démontrer que la conduite de la partie qui succombe a été répréhensible, scandaleuse ou outrageante (Young c Young, [1993] 4 RCS 3, au para 255, 108 DLR (4th) 193; Abdelrazik c Canada (Affaires étrangères et Commerce international Canada), 2009 CF 816, au para 23, 180 ACWS (3d) 34).  En l’espèce, Pinnacle a peut-être été téméraire mais je ne saurais conclure que sa conduite a été telle qu’elle justifie l’octroi de dépens sur une base avocat-client.  Toutefois, je suis d’avis que cette témérité justifie que les dépens, tel que le permet la règle 400(5) des Règles des Cours fédérales, SOR/98-106, soient établis en conformité avec la colonne IV du tableau du Tarif B.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté, avec dépens.

« René LeBlanc »

Juge


ANNEXE A

Pièce CC-1 : Affidavit de Charles Crawford – 7 octobre 2011

Pièce CC-1 : Affidavit de Charles Crawford – 17 octobre 2012


ANNEXE B

L.R.C., 1985, ch. T-13

R.S.C., 198, c. T-13

Loi concernant les marques de commencer et la concurrence déloyale

An Act relating to trade-marks and unfair competition

[…]

[…]

Définitions

Definitions

2. Marque de commerce projetée Marque qu’une personne projette d’employer pour distinguer, ou de façon à distinguer, les produits fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou les services loués ou exécutés, par elle, des produits fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou des services loués ou exécutés, par d’autres.

2. Proposed trade-mark means a mark that is proposed to be used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish goods or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others;

[…]

[…]

Marque de commerce enregistrable

When trade-mark registrable

12 (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

12 (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

a) elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

(a) a word that is primarily merely the name or the surname of an individual who is living or has died within the preceding thirty years;

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou de leur lieu d’origine;

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the goods or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’un des produits ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

(c) the name in any language of any of the goods or services in connection with which it is used or proposed to be used;

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

(d) confusing with a registered trade-mark;

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

f) elle est une dénomination dont l’article 10.1 interdit l’adoption;

(f) a denomination the adoption of which is prohibited by section 10.1;

g) elle est constituée, en tout ou en partie, d’une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un vin dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l’indication;

(g) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a wine not originating in a territory indicated by the geographical indication;

h) elle est constituée, en tout ou en partie, d’une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un spiritueux dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l’indication;

(h) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a spirit not originating in a territory indicated by the geographical indication; and

i) elle est une marque dont l’adoption est interdite par le paragraphe 3(1) de la Loi sur les marques olympiques et paralympiques, sous réserve du paragraphe 3(3) et de l’alinéa 3(4)a) de cette loi.

(i) subject to subsection 3(3) and paragraph 3(4)(a) of the Olympic and Paralympic Marks Act, a mark the adoption of which is prohibited by subsection 3(1) of that Act.

Idem

Idem

(2) Une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.

(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

[…]

[…]

Marques projetées

Proposed marks

16 (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

16 (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the goods or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

Contenu d’une demande

Contents of application

30 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

30 An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

a) un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des produits ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque a été employée ou sera employée;

(a) a statement in ordinary commercial terms of the specific goods or services in association with which the mark has been or is proposed to be used;

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

c) dans le cas d’une marque de commerce qui n’a pas été employée au Canada mais qui est révélée au Canada, le nom d’un pays de l’Union dans lequel elle a été employée par le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, et la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs l’ont fait connaître au Canada en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande, ainsi que la manière dont ils l’ont révélée;

(c) in the case of a trade-mark that has not been used in Canada but is made known in Canada, the name of a country of the Union in which it has been used by the applicant or his named predecessors in title, if any, and the date from and the manner in which the applicant or named predecessors in title have made it known in Canada in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

d) dans le cas d’une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l’Union, ou pour un autre pays de l’Union, l’objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l’enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n’a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d’un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l’a employée en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

(d) in the case of a trade-mark that is the subject in or for another country of the Union of a registration or an application for registration by the applicant or the applicant’s named predecessor in title on which the applicant bases the applicant’s right to registration, particulars of the application or registration and, if the trade-mark has neither been used in Canada nor made known in Canada, the name of a country in which the trade-mark has been used by the applicant or the applicant’s named predecessor in title, if any, in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;

f) dans le cas d’une marque de certification, les détails de la norme définie que l’emploi de la marque est destiné à indiquer et une déclaration portant que le requérant ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de produits ou ne se livre pas à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée;

(f) in the case of a certification mark, particulars of the defined standard that the use of the mark is intended to indicate and a statement that the applicant is not engaged in the manufacture, sale, leasing or hiring of goods or the performance of services such as those in association with which the certification mark is used;

g) l’adresse du principal bureau ou siège d’affaires du requérant, au Canada, le cas échéant, et si le requérant n’a ni bureau ni siège d’affaires au Canada, l’adresse de son principal bureau ou siège d’affaires à l’étranger et les nom et adresse, au Canada, d’une personne ou firme à qui tout avis concernant la demande ou l’enregistrement peut être envoyé et à qui toute procédure à l’égard de la demande ou de l’enregistrement peut être signifiée avec le même effet que si elle avait été signifiée au requérant ou à l’inscrivant lui-même;

(g) the address of the applicant’s principal office or place of business in Canada, if any, and if the applicant has no office or place of business in Canada, the address of his principal office or place of business abroad and the name and address in Canada of a person or firm to whom any notice in respect of the application or registration may be sent, and on whom service of any proceedings in respect of the application or registration may be given or served with the same effect as if they had been given to or served on the applicant or registrant himself;

h) sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque;

(h) unless the application is for the registration only of a word or words not depicted in a special form, a drawing of the trade-mark and such number of accurate representations of the trade-mark as may be prescribed; and

i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans la demande.

(i) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the goods or services described in the application.

[…]

[…]

Déclaration d’opposition

Statement of opposition

38 (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

38 (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

Motifs

Grounds

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

(b) that the trade-mark is not registrable;

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

(d) that the trade-mark is not distinctive.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1704-14

INTITULÉ :

DOMAINES PINNACLE INC. c LES VERGERS DE LA COLLINE INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 septembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 11 février 2016

COMPARUTIONS :

Me Rachid Benmokrane

Pour LA DEMANDERESSE

Me Sébastien Roy

Pour LA DÉFERENDRESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brouillette & Associés

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

Pour LA DEMANDERESSE

Fasken Martineau

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

Pour LA DÉFENDRESSE

 

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