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Date : 20151215


Dossier : T‑2543‑14

Référence : 2015 CF 1385

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2015

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE : 

CAROL LOVERNE SHELDON

demanderesse

et

MINISTRE DE LA SANTÉ (CANADA)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de révision fondée sur l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 [la Loi], concernant des dossiers d’inspection d’un produit de santé relevant du ministère de la Santé du Canada (Santé Canada).

II.  Contexte

[2]  Il y a environ 10 ans, la demanderesse, ainsi que plusieurs autres personnes, a commencé à commercialiser et distribuer des produits de santé naturels sous la dénomination sociale NorthRegentRx. À cette fin, NorthRegentRx détenait une licence de Santé Canada pour vendre ses produits, y compris Libidus, un de ses principaux produits, qui était commercialisé comme un remède contre les symptômes de dysfonction érectile.

[3]  Le 4 août 2006, Santé Canada a enjoint à NorthRegentRx de cesser la vente de Libidus au motif que ce produit contenait une substance non déclarée, soit de l’acétildénafil, qui est analogue au sildénafil (Viagra). NorthRegentRx s’est conformée à la demande de Santé Canada, mais au cours des six années suivantes, elle a tenté de convaincre Santé Canada que le Libidus ne contenait pas d’acétildénafil.

[4]  La décision de Santé Canada d’enjoindre à NorthRegentRx de cesser la vente de Libidus a amené la demanderesse, ainsi que ses associés dans la société NorthRegentRx, à intenter une action en dommages‑intérêts contre Santé Canada. Dans cette instance, les demandeurs ont accusé les employés de Santé Canada d’avoir commis une faute lourde, d’avoir pris une décision arbitraire et d’avoir fait preuve de mauvaise foi et de malveillance. Les demandeurs ont également allégué que Santé Canada avait comploté avec l’industrie pharmaceutique afin de mettre fin à la distribution de Libidus. Dans un jugement rendu le 22 janvier 2014, la Cour a radié la déclaration des demandeurs au motif qu’elle ne révélait aucune cause d’action valable (voir Swarath c Canada, 2014 CF 75).

[5]  Quelques semaines avant d’intenter cette action, soit le 9 mars 2012, la demanderesse a déposé une demande d’accès à l’information sur le fondement de la Loi, dans laquelle elle demandait l’obtention de [traduction] « toute la correspondance » (elle a ensuite précisé qu’il s’agissait seulement des courriels et des notes de service) entre Paul Gustafson, un inspecteur de Santé Canada de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments, et tous les autres agents et directions générales de Santé Canada concernant Libidus et NorthRegentRx au cours de la période allant de juillet 2006 à janvier 2012 (la demande d’accès).

[6]  Aux termes de la Loi, Santé Canada devait répondre à la demande d’accès au plus tard le 8 avril 2012. Le 4 avril 2012, Santé Canada a demandé une prorogation de 120 jours, reportant la date d’échéance de la réponse à la demande d’accès au 7 août 2012. Toutefois, il ne pouvait respecter cette échéance. Santé Canada affirmait qu’il avait besoin de plus de temps pour traiter la demande d’accès, car cette demande exigeait le traitement et l’examen de 3 000 pages de documents, ainsi que des consultations externes auprès de trois organismes gouvernementaux. Selon le dossier, ces consultations ont commencé en mai 2013 et ont été achevées en mars 2014. À cette date, le dossier de la demanderesse avait changé de mains cinq fois au sein du Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de Santé Canada.

[7]  Le 3 avril 2014, la demanderesse a déposé une plainte auprès du Commissaire à l’information du Canada (CIC), alléguant que Santé Canada n’avait pas répondu à la demande d’accès dans les délais prévus par la Loi et que, par conséquent, ce défaut valait décision de refus de communication. Le 23 octobre 2014, le CIC a rendu compte de son enquête au sujet de la plainte, concluant que Santé Canada n’avait pas respecté son [traduction] « obligation de prêter assistance » aux termes du paragraphe 4(2.1) de la Loi et qu’il était réputé avoir refusé la communication au sens de l’alinéa 10(3) de la Loi puisqu’il n’avait pas répondu à la demande d’accès dans les délais prévus par la Loi. Toutefois, le CIC a également conclu que suivant son intervention, Santé Canada a accepté de répondre à la demande d’accès au plus tard le 31 octobre 2014, ce que le CIC a considéré comme un engagement raisonnable compte tenu des circonstances de l’affaire.

[8]  En raison de difficultés techniques imprévues, l’échéance du 31 octobre 2014 n’a pu être respectée. La date de l’engagement a tout d’abord été reportée au 18 novembre 2014, puis à la mi‑décembre et finalement au 7 janvier 2015.

[9]  Le 15 décembre 2014, la demanderesse a intenté la présente demande dans laquelle elle sollicitait une ordonnance de la Cour enjoignant à Santé Canada, dans le contexte d’une présomption de refus de traiter la demande d’accès, de communiquer les documents demandés. Le 29 janvier 2015, Santé Canada a répondu à la demande d’accès en communiquant à la demanderesse une version expurgée de ces documents.

[10]  La demanderesse a déposé son mémoire des faits et du droit en juin 2015 à l’appui de la présente demande de révision dans lequel elle demandait à la Cour d’ordonner la production d’une version non expurgée des documents demandés. La demanderesse avait auparavant déposé une autre plainte auprès du CIC concernant la décision de Santé Canada d’exclure certains renseignements des documents communiqués. Toutefois, aucune preuve confirmant à quelle étape en était la plainte n’a été versée au dossier.

[11]  Le défendeur soutient qu’étant donné que Santé Canada a répondu à la demande d’accès en janvier 2015, la présente demande de révision est théorique et doit être rejetée. Il soutient également que, si la Cour décide que des exceptions peuvent s’appliquer aux documents communiqués dans le cadre de la présente instance, ladite instance est prématurée.

III.  Questions en litige

[12]  La principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la divulgation des documents demandés en janvier 2015 a eu pour effet de rendre théorique la demande de révision présentée par la demanderesse, même si les dossiers ont été communiqués sous une forme expurgée.

[13]  Subsidiairement, si je devais juger que des exceptions s’appliquent aux documents communiqués dans le cadre de la demande de révision présentée par la demanderesse, ce que semble maintenant préconiser cette dernière, la question qui se pose est celle de savoir si la demande de révision est prématurée.

[14]  Malheureusement pour la demanderesse, compte tenu de l’état actuel du droit sur ces deux questions, la demande de révision doit être rejetée.

IV.  Analyse

[15]  L’article 41 de la Loi prévoit qu’une personne qui s’est vu refuser communication peut exercer un recours en révision du refus devant la Cour. Dans l’arrêt Statham c Société Radio‑Canada, 2010 CAF 315, [2012] 2 RCF 421 (CAF) [Statham], la Cour d’appel fédérale a déterminé que trois conditions doivent être réunies avant qu’une personne puisse exercer un recours devant la Cour aux termes l’article 41 de la Loi :

a. Le demandeur doit s’être vu « refuser communication » d’un document demandé;

b. Le demandeur doit avoir déposé une plainte au sujet de ce refus devant le commissaire;

c. Le commissaire doit avoir rendu compte au demandeur des conclusions de son enquête conformément au paragraphe 37(2) de la Loi.

[16]  Ces exigences tiennent compte des principes de common law selon lesquels, en l’absence de circonstances exceptionnelles, il faut avoir épuisé tous les autres recours appropriés avant de recourir à une demande de révision judiciaire (Whitty c Canada (Procureur général), 2014 CAF 30 [Whitty], au paragraphe 8). Le dépôt d’une plainte auprès du CIC correspond à un autre recours approprié.

[17]  La compétence que l’article 41 de la Loi confère à la Cour a été interprétée de manière étroite de façon à ce qu’une fois que les renseignements ont été fournis, « la Cour ne peut accorder aucune autre réparation » (Frezza c Canada (Défense Nationale), 2014 CF 32, 445 FTR 299 [Frezza], au paragraphe 56).

[18]  Dans la décision Canada (Commissaire à l’Information) c Canada (Défense nationale), 2014 CF 205, inf. pour d’autres motifs par [2015] 2 FCR 786, inf. pour d’autres motifs par 2015 CAF 56 [Commissaire à l’information du Canada], la juge Catherine Kane a fourni, aux paragraphes 63 à 73, un aperçu utile du fonctionnement du régime établi par la Loi. Bien que cette décision ait été infirmée pour d’autres motifs, l’aperçu de la Loi présenté par la juge Kane demeure valide :

[63] L’objet de la Loi est énoncé à l’article 2. L’article 6 précise la procédure à suivre pour présenter une demande de communication de documents.

[64] Aux termes de l’article 7 de la Loi, le responsable de l’institution fédérale à qui est faite une demande de communication a l’obligation, dans les 30 jours suivant sa réception et sous réserve des articles 8 à 10, d’aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce qu’il sera donné ou non communication totale ou partielle du document et, le cas échéant, de donner communication totale ou partielle du document.

[65] L’article 9 de la Loi permet au responsable d’une institution fédérale de proroger le délai imparti à l’article 7 « d’une période que justifient les circonstances » soit en raison du grand nombre de documents demandés, soit si l’observation du délai entraverait de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution ou si les consultations nécessaires pour donner suite à la demande rendraient pratiquement impossible l’observation du délai ou, enfin, si l’avis de la demande a été donné en vertu du paragraphe 27(1).

[66] L’article 10 régit les refus de communication d’un document et le paragraphe 10(3) prévoit que le défaut de communication totale ou partielle de documents dans les délais prévus par la Loi vaut décision de refus de communication. En d’autres termes, lorsqu’il n’y a pas eu avis de refus catégorique de communication, le défaut de communication des documents demandés dans le délai de 30 jours ou avant l’expiration du délai prorogé en vertu de l’article 9, vaut décision de refus de communication.

[67] L’article 30 régit les plaintes, en précisant qui peut présenter une plainte et pour quels motifs.

[68] Les articles 32 à 36 portent sur les enquêtes menées par le commissaire à l’information, et notamment sur son obligation d’aviser le responsable de l’institution fédérale concernée, la procédure qu’il doit suivre dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions, le secret des enquêtes et le droit des personnes visées de présenter leurs observations.

[69] L’article 37 énumère les pouvoirs dont dispose le commissaire à l’information au sujet des résultats ou des conclusions de son enquête. Le commissaire à l’information peut présenter les conclusions de son enquête au responsable de l’institution fédérale, formuler des recommandations et demander une réponse. Il doit également rendre compte des conclusions de son enquête au plaignant et lui fournir la réponse de l’institution fédérale concernée.

[70] L’article 38 oblige le commissaire à l’information à présenter un rapport annuel au Parlement. Le commissaire à l’information doit également soumettre des rapports spéciaux conformément à l’article 39 sur toute question relevant de ses pouvoirs et fonctions et dont l’urgence ou l’importance sont telles qu’il serait contre‑indiqué d’en différer le compte rendu jusqu’à l’époque du rapport annuel suivant.

[71] Les articles 41 et 42 prévoient que la personne qui s’est vue refuser communication ou le commissaire à l’information peuvent, à la suite d’une enquête, exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour.

[72] En 2006, la Loi a été modifiée par adjonction du paragraphe 4(2.1), qui impose au responsable de l’institution fédérale l’obligation de prêter assistance à la personne qui fait une demande en s’assurant notamment que le document lui soit communiqué « en temps utile ».

[73] Le commissaire à l’information n’a pas compétence pour rendre des ordonnances.

[19]  En l’espèce, la plainte au CIC qui a donné lieu au dépôt de la demande de révision fondée sur l’article 41 de la Loi concernait précisément et uniquement le refus présumé de Santé Canada de répondre à la demande d’accès. Toutefois, Santé Canada a depuis répondu à la demande d’accès. Comme il est bien établi en droit, la Cour est habilitée à refuser d’instruire une affaire lorsque sa décision n’aura pas d’effets pratiques sur les droits des parties (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, au paragraphe 15, 57 DLR (4th) 231 [Borowski]). Ce sera généralement le cas lorsque le différend qui a donné lieu aux procédures judiciaires n’existe plus. L’élément essentiel qui consiste en un différend actuel, concret et tangible doit être présent non seulement quand les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision (Borowski, au paragraphe 15).

[20]  Dans la présente affaire, le refus présumé de répondre à la demande d’accès est la seule question qui faisait l’objet d’une enquête et d’un rapport par le CIC, et il s’agit de la seule question dont est saisie la Cour et la seule qui peut être examinée à cette étape‑ci. Le litige actuel qui a amené la demanderesse à déposer une plainte devant le CIC et qui a donné lieu à la révision subséquente – l’absence de réponse à la demande d’accès – n’existe plus maintenant qu’une réponse à la demande d’accès a été fournie à la demanderesse. Dans un tel contexte, accueillir la demande de révision, dans la mesure où elle porte sur le refus présumé de répondre à la demande d’accès, n’aurait pas d’effets pratiques sur les droits des parties.

[21]  La demanderesse soutient que la demande de révision n’est pas théorique puisque Santé Canada a seulement répondu en partie à la demande d’accès en divulguant une version expurgée des documents demandés. Elle affirme qu’elle a droit à la version non expurgée des documents et qu’elle sollicite une ordonnance en ce sens dans le cadre de la présente demande. Toutefois, la jurisprudence établit clairement que, à défaut d’une enquête préalable menée par le CIC concernant la façon dont Santé Canada a répondu à la demande d’accès, la Cour n’est pas compétente pour examiner la nature et le contenu de la réponse, aussi imparfaite et incomplète soit‑elle aux yeux de l’auteur de la demande d’accès (Statham, précité, aux paragraphes 23 et 24, 28 à 30; Dagg c Canada (Industrie), 2010 CAF 316 [Dagg], au paragraphe 13; Commissaire à l’information du Canada, précité, au paragraphe 47).

[22]  Aux termes du régime établi par la Loi, la demande par laquelle la demanderesse sollicitait une ordonnance enjoignant à Santé Canada de divulguer une version non expurgée des documents demandés est par conséquent prématurée. Dans le cadre d’une demande de révision présentée en vertu de l’article 41 de la Loi sur le fondement d’une plainte portant sur un refus présumé de communication, la Cour ne peut statuer sur l’application de toute dérogation ou exception invoquée en vertu de la Loi tant que le commissaire n’a pas enquêté et rendu compte de ses conclusions au sujet de la dérogation ou de l’exception revendiquée (Statham, précité, au paragraphe 55; Whitty, précité, aux paragraphes 8 et 9, Lukács c Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, 2015 CF 267, au paragraphe 31).

[23]  En l’espèce, le CIC a limité son enquête, comme il était tenu de le faire en raison de la nature de la plainte de la demanderesse, en exigeant que Santé Canada réponde à la demande d’accès pour que la demanderesse puisse ensuite examiner le bien‑fondé de la réponse fournie. Si elle n’était pas satisfaite de la réponse, la demanderesse pouvait en retour déposer une autre plainte devant le CIC, ce qu’elle semble avoir fait, pour que celui‑ci examine le bien‑fondé des dérogations ou exceptions invoquées au titre de la Loi par Santé Canada. Comme je l’ai indiqué précédemment, je ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant que cette autre plainte a fait l’objet d’une enquête et d’un rapport par le CIC. À l’audience, la demanderesse n’a pas été en mesure de confirmer à quelle étape en était cette plainte.

[24]  Par conséquent, je n’ai d’autre choix que de conclure qu’il n’a pas été satisfait à la troisième condition préalable au dépôt d’une demande fondée sur l’article 41 de la Loi concernant les dérogations et les exceptions appliquées par Santé Canada aux documents demandés, soit la délivrance d’un rapport du CIC (Statham, précité, au paragraphe 64). Par conséquent, il est prématuré pour la demanderesse de contester la décision de Santé Canada de ne pas communiquer « l’ensemble » des documents. Ma conclusion est conforme à la logique du régime établi par la Loi, aussi imparfaite et contraignante soit‑elle aux yeux de certaines personnes.

[25]  La demande de révision de la demanderesse étant théorique ou prématurée, elle doit, pour ce motif, être rejetée.

[26]  Les deux parties réclament des dépens. Bien que l’avis de demande de la demanderesse ne fait aucune mention des dépens, il est bien établi en droit qu’une partie peut demander des dépens en tout temps au cours de l’instance, même durant l’audience (Balogun c Canada, 2005 CAF 350, au paragraphe 2). C’est ce que la demanderesse a fait en demandant des dépens dans les observations écrites qu’elle a déposées à l’appui de sa demande de révision et en réitérant cette demande à l’audience.

[27]  Aux termes du paragraphe 53(1) de la Loi, les dépens de toutes les instances devant la Cour sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal. Le paragraphe 53(2) de la Loi prévoit qu’il est loisible à la Cour d’adjuger des dépens au demandeur, même si cette personne a été déboutée, si elle estime que la demande de révision « a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi ». Il ne fait aucun doute que la présente affaire est importante pour la demanderesse, mais elle ne soulève pas un principe important et nouveau quant à la présente Loi au sens du paragraphe 53(2).

[28]  Ceci étant dit, j’estime que chaque partie doit assumer ses frais vu les circonstances particulières de la présente affaire. D’une part, comme c’était le cas dans l’arrêt Dagg, précité, la demande de révision n’était ni théorique ni prématurée lorsqu’elle a été déposée en décembre 2014. Les trois conditions préalables au titre de l’article 41 de la Loi étaient toutes réunies. La demande de révision est devenue théorique lorsque Santé Canada a répondu à la demande d’accès après que la demande ait été introduite. Cette réponse a été donnée près de trois ans après le dépôt de la demande d’accès. Dans l’arrêt Dagg, la Cour d’appel fédérale a conclu que, dans les circonstances, la Cour aurait dû statuer que M. Dagg avait droit à ses dépens.

[29]  Santé Canada soutient que l’adjudication des dépens en faveur de la demanderesse n’est pas justifiée en l’espèce, car il a déployé d’importants efforts pour communiquer les documents demandés avant le 31 octobre 2014, date de son engagement, et avant l’introduction de la demande de révision. Il affirme que l’importance de la demande d’accès, le grand nombre de documents à recueillir aux fins d’examen et de traitement, la complexité des documents, la nécessité de tenir de nombreuses consultations et les difficultés techniques internes ont nui à ses efforts.

[30]  Toutefois, la preuve démontre également que la demande d’accès a changé de mains au moins cinq fois au sein du Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, et le CIC a conclu que Santé Canada n’avait pas rempli son [traduction] « obligation de prêter assistance » aux termes du paragraphe 4(2.1) de la Loi. De plus, la date de son engagement initial ‑ le 31 octobre 2014 ‑ a été modifiée à deux reprises avant que la demanderesse décide finalement de déposer la demande de révision. Dans ces circonstances, la décision n’était pas déraisonnable, abusive ou vexatoire. Comme dans l’arrêt Dagg, lorsque sa demande de révision est devenue théorique à la fin de janvier 2015, la demanderesse avait droit à des dépens.

[31]  En revanche, contrairement à l’arrêt Dagg, où le demandeur a admis que sa demande fondée sur l’article 41 de la Loi était devenue théorique et qu’il souhaitait poursuivre sa demande uniquement dans le but d’obtenir des dépens (Dagg, aux paragraphes 5 et 13), la demanderesse a insisté pour aller plus loin en sollicitant une ordonnance enjoignant à Santé Canada de communiquer une version non expurgée des documents demandés. Il s’agissait d’une mauvaise décision, car cette démarche, pour les motifs précités et à supposer que la demanderesse voulait bien en saisir la Cour, était vouée à l’échec, et c’est ce qui s’est produit.

[32]  Dans les circonstances, conformément au pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 53(1) de la Loi confère à la Cour, je conclus qu’aucune partie ne devrait bénéficier d’une adjudication de dépens. La demande de révision de la demanderesse devrait donc être rejetée sans frais.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de révision judiciaire est rejetée, sans frais.

« René LeBlanc »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de juillet 2020.

 

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2543‑14

INTITULÉ :

CAROL LOVERNE SHELDON c MINISTRE DE LA SANTÉ (CANADA)

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 NOVEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 15 DÉCEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Carol Loverne Sheldon

POUR LA DEMANDERESSE

POUR SON PROPRE COMPTE

Dhara Drew

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Carol Loverne Sheldon

Gonor (Manitoba)

POUR LA DEMANDERESSE

POUR SON PROPRE COMPTE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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