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Date : 20151126


Dossier : IMM-1511-15

Référence : 2015 CF 1316

Montréal (Québec), le 26 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

JOHANN NICKEL

ANNA NICKEL

JOHANN NICKEL

EPHRAIM NICKEL

JOSUA NICKEL

EVA NICKEL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[1]               En 2005, les demandeurs ont visité le Canada et ont été attirés par le pays et le potentiel qu’il offre; au point qu’en 2009, ils sont devenus résidents permanents dans la catégorie de l’immigration économique. Les demandeurs sont restés au Canada un mois en 2009, mais ne pouvant se trouver un emploi au Canada, les demandeurs ont été obligés pour des raisons financières de retourner vivre en Allemagne. Les demandeurs sont revenus au Canada en 2012 pour une période d’un mois. En 2013, le demandeur principal a résidé au Canada pendant une période d’une semaine pour se trouver un emploi. Durant la même période de temps, les demandeurs ont reçu une offre d’achat sur leur maison en Allemagne et la vente s’est concrétisée en mars 2014.

[2]               Le 7 avril 2014, les demandeurs étaient de retour au Canada. Cette même journée, une mesure de renvoi a été ordonnée à leur encontre puisque ceux-ci n’étaient présents au Canada que pour 180 jours durant la période de référence qui s’étendait du 1er août 2009 au 2 août 2014.

[3]               La Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, dans son appréciation de la demande des demandeurs, a pris en considération une liste de facteurs semblables à ceux énoncés dans l’arrêt Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD No 4 [Ribic]. Il est de jurisprudence constante que la SAI peut employer les facteurs de l’arrêt Ribic dans son appréciation de la preuve afin de déterminer si des motifs d’ordre humanitaire justifient un manquement à l’obligation de résidence à l’article 28 de la LIPR (Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 RCS 84, 2002 CSC 3 aux para 40 et 41; Tai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 248 aux para 36 et 47; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Wright, 2015 CF 3 aux para 76-78).

II.                Introduction

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la SAI, datée du 11 mars 2015, dans laquelle la SAI a conclu que les demandeurs n’ont pas respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], et que leur situation personnelle ne soulève pas de considérations d’ordre humanitaire suffisantes pour rendre inopposable l’inobservation de l’obligation de résidence.

III.             Faits

[5]               Le demandeur principal, Johann Nickel (39 ans), sa conjointe Anna Nickel (37 ans), ainsi que leurs enfants, Johann Nickel (17 ans), Josua Nickel (14 ans), Ephraim Nickel (11 ans) et Eva Nickel (5 ans) sont citoyens de l’Allemagne. Tous les demandeurs, sauf Eva (née en 2010), sont des résidents permanents du Canada et ont obtenu ce statut en août 2009. Devant la SAI, les demandeurs ont convenu qu’Eva Nickel n’était pas demanderesse dans cette instance puisqu’elle n’a pas le statut de résidente permanente au Canada.

[6]               Les demandeurs ont fait appel de la mesure de renvoi devant la SAI. La SAI, dans une décision datée du 11 mars 2015, a rejeté l’appel des demandeurs trouvant que ceux-ci n’avaient pas démontré que des circonstances d’ordre humanitaire, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, justifiaient le maintien de leur statut de résidents permanents. Devant la SAI, les demandeurs n’ont pas contesté la validité de la mesure de renvoi ni qu’ils n’avaient pas respecté l’obligation d’être effectivement présents au Canada pendant au moins 730 jours pendant la période de référence.

IV.             Position des parties

[7]               Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAI est déraisonnable pour deux raisons. Premièrement, la SAI a erré en faisant une analyse déficiente de la preuve au dossier puisque cette dernière a minimisé les explications des demandeurs qu’ils avaient manqué à l’obligation de résidence pour des raisons financières. Deuxièmement, la SAI n’a pas pris en considération l’intérêt supérieur des enfants dans sa prise de décision.

[8]               Le défendeur soutient de son côté que la décision de la SAI est raisonnable et que les demandeurs n’ont pas soulevé d’arguments pouvant mettre en doute la raisonnabilité de la décision de la SAI. Ainsi, le défendeur soutient que l’argument des demandeurs selon laquelle la SAI n’a pas pris en considération leurs difficultés financières est sans mérite. De plus, le défendeur soumet que les demandeurs demandent à cette Cour de reconsidérer la preuve; ce qui n’est pas le rôle de cette Cour. Finalement, le défendeur soutient que la SAI a bel et bien pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant dans sa décision et a trouvé qu’aucun motif de considérations d’ordre humanitaire n’était applicable en l’espèce.

V.                Analyse

[9]               La Cour considère que la seule question que la demande soulève est de déterminer si la décision de la SAI est raisonnable quant aux considérations d’ordre humanitaire.

[10]           La norme de la décision raisonnable est applicable aux déterminations de fait et mixte de fait et de droit de la SAI (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 58). Il ressort du domaine d’expertise de la SAI, en tant que tribunal spécialisé, de déterminer si des considérations d’ordre humanitaire, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, justifient le maintien du statut de résident permanent. Ce faisant, la Cour a un devoir de déférence élevé envers les conclusions de la SAI sur cette détermination (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Hammoudeh, 2015 CF 298 au para 27; Samad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2015 CF 30 au para 20 [Samad]).

[11]           En l’espèce, la SAI a reconnu que bien que les demandeurs pouvaient avoir eu de très bonnes raisons pour quitter le Canada et retourner en Allemagne afin de vendre leur maison, ils n’avaient pas démontré de preuve justifiant pourquoi ils avaient dû quitter le Canada pour une si longue période de temps (décision de la SAI, para 9). Ainsi, la SAI a pris pour acquis que les demandeurs n’étaient pas retournés au Canada dès que raisonnablement possible (décision de la SAI, para 9) et même compte tenu des raisons pour lesquelles ils ne pouvaient vendre leur maison sans être physiquement présents en Allemagne.

[12]           La SAI a aussi considéré le niveau d’établissement au Canada des demandeurs. La SAI a reconnu que depuis leur arrivée au Canada en avril 2014, les demandeurs mineurs vont à l’école; le demandeur principal a créé sa propre entreprise; et, les demandeurs ont des actifs au Canada. De plus, les demandeurs se sont intégrés dans leur communauté et participent à des activités sociales.

[13]           Quant à l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs, la SAI a considéré qu’il était mieux pour ceux-ci de vivre avec leurs parents et qu’ils avaient de la parenté en Allemagne. La SAI a reconnu qu’une période d’adaptation, ainsi que de la déception, surviendront de la perte du statut de résident permanent canadien, cependant, un retour en Allemagne aura un impact minimal sur l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs.

[14]           En somme, il appert que la SAI, contrairement aux prétentions des demandeurs, a bel et bien analysé l’intérêt supérieur des enfants. Deuxièmement, la SAI a apprécié les considérations d’ordre humanitaire soumises par les demandeurs avec des facteurs similaires à ceux énoncés dans l’arrêt Ribic. Troisièmement, la SAI a apprécié l’ensemble des facteurs avec la preuve soumise par les demandeurs. Quatrièmement, après avoir soupesé les différents facteurs, la SAI a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’une exception à l’obligation de résidence devait leur être accordée.

[15]           Rappelant qu’il n’est pas du rôle de cette Cour de réévaluer la preuve ainsi que le poids accordé aux différents facteurs par la SAI (Samad, ci-dessus), la Cour conclut que la décision de la SAI est raisonnable puisque cette dernière entre dans les issues possibles acceptables.

VI.             Conclusion

[16]           Pour les motifs énoncés précédemment, la Cour conclut que la décision de la SAI est raisonnable. Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1511-15

INTITULÉ :

JOHANN NICKEL, ANNA NICKEL, JOHANN NICKEL, EPHRAIM NICKEL, JOSUA NICKEL, EVA NICKEL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 novembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

LE 26 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Fanny Cumplido

Pour les demandeurs

Anne-Renée Touchette

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nexus Legal Services

Montréal (Québec)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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