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Date : 20150626

Dossier : T-1048-07

Référence : 2015 CF 801

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC. et

ELI LILLY AND COMPANY

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

TEVA CANADA LIMITÉE

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L’ORDONNANCE

I.                   Aperçu

[1]               La Cour est saisi d’un appel se rapportant à la requête déposée par Eli Lilly Canada Inc. et al. (Lilly) en vue d’obliger Teva Canada Limitée (Teva) à fournir les documents qu’elle a refusé de produire lors de l’interrogatoire préalable du représentant de Teva, qui a été mené les 13 et 14 novembre 2014 et le 22 décembre 2014. La protonotaire Tabib a accueilli la requête de Lilly en ce qui concerne la production de certains documents consistant en des transcriptions confidentielles du témoignage livré lors du procès tenu dans le cadre des deux instances précédentes, de même que des motifs confidentiels du jugement rendu à l’égard d’une de ces actions antérieures (les documents confidentiels). Teva interjette maintenant appel de l’ordonnance rendue par la protonotaire Tabib le 13 mai 2015.

[2]               Teva présente un certain nombre d’observations afin de contester l’ordonnance rendue par la protonotaire :

         a protonotaire a outrepassé ses compétences en annulant ou en modifiant les ordonnances rendues précédemment par des juges de la Cour fédérale, lesquels avaient désigné certains documents comme étant de nature confidentielle;

         elle a commis une erreur en ne respectant pas les précédents contraignants de la Cour fédérale, qui avaient force obligatoire et dans lesquels les juges ont refusé d’exiger la production des transcriptions et d’autres documents tirés des autres procédures;

         elle n’a pas effectué l’analyse exigée, en vertu de la jurisprudence, en vue d’établir la production des documents confidentiels était nécessaire, une fois les faits pertinents communiqués à Lilly dans le cadre de l’interrogatoire préalable;

           elle n’a pas suivi la procédure appropriée en ordonnant à Lilly de demander réparation pour cet engagement implicite, et elle n’a pas demandé à ce qu’une modification soit apportée aux ordonnances de confidentialité existantes, en enjoignant à Lilly de démontrer que la production de ces documents était dans l’intérêt de la justice, que des « motifs impérieux » en justifiaient la production ou qu’un « changement de situation » démontrait la nécessité d’apporter une modification à l’ordonnance existante;

           elle a commis une erreur en concluant que les documents confidentiels étaient pertinents pour statuer sur les questions en litige dans la présente affaire;

      elle a commis une erreur en ce qui a trait à l’étendue de la divulgation ordonnée.

[3]               La Cour accueille l’appel interjeté par Teva en ce qui a trait à la portée excessive de l’ordonnance rendue par la protonotaire, mais autrement, elle rejette l’appel de Teva pour les motifs exposés ci‑dessous.

II.                Le contexte factuel

[4]               L’action sous‑jacente vise le recouvrement des dommages‑intérêts subis par Teva, en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93­133 (le Règlement). Teva s’est vu interdire le marché canadien avec son produit à base d’olanzapine, le Novo‑Olanzapine (maintenant appelé Teva‑Olanzapine), du mois de février ou mars 2006 jusqu’au mois de juin 2007.

[5]               L’instance en cours fait suite au rejet de la demande de Lilly, en vertu de l’article 6 du Règlement, qui a été prononcé par le juge Hughes le 5 juin 2007 (Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limitée, 2007 CF 596); à la suite de cette décision, Teva (alors appelée Novopharm) a obtenu son avis de conformité et a commencé à vendre des comprimés d’olanzapine au Canada.

[6]               Immédiatement après le rejet de sa demande en vertu du Règlement, Lilly a intenté la présente action, alléguant une contrefaçon de brevet. Teva a introduit une demande reconventionnelle visant à obtenir un jugement déclaratoire confirmant l’invalidité du brevet visé (le brevet 113) et à réclamer des dommages‑intérêts, en vertu de l’article 8 du Règlement.

[7]               L’instruction de la demande en dommages‑intérêts de Teva a été différée (tout comme la réclamation en dommages‑intérêts pour contrefaçon de Lilly) en septembre 2007, en attendant le règlement de la question concernant la validité du brevet 113. La demande en dommages‑intérêts de Teva, en vertu de l’article 8, a été laissée « en suspens » pendant plusieurs années, après qu’elle eut été différée.

[8]               En octobre 2009, le juge O’Reilly a statué que le brevet 113 était invalide et que Teva avait droit à des dommages‑intérêts en vertu de l’article 8 (Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2009 CF 1018 (le jugement d’invalidité)). Le jugement d’invalidité rendu par le juge O’Reilly a été maintenu à la suite de deux appels, d’une nouvelle audience devant le juge O’Reilly et du rejet de la demande d’autorisation d’en appeler devant la Cour suprême du Canada de Lilly.

[9]               Lilly a effectué sa première ronde d’interrogatoire préalable du représentant de Teva concernant la demande en dommages‑intérêts déposée par Teva, en vertu de l’article 8. Teva a présenté ses réponses aux engagements pris et aux questions mises en délibéré le 6 mars 2015.

[10]           La question en litige dans la présente affaire concerne les renseignements portant sur les « dépenses de commercialisation » de Teva fournis dans le cadre de deux autres instances. Les dépenses de commercialisation ont été décrites par le juge Zinn, dans l’une de ces instances, comme étant les ristournes de diverses sortes offertes par les entreprises pharmaceutiques aux acheteurs de produits pharmaceutiques pour les encourager à acheter leurs produits et les remercier lorsqu’ils le font (Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc., 2014 CF 248, au paragraphe 240 (action portant sur la venlafaxine)).

[11]           La protonotaire a entendu les requêtes des parties en vue d’obtenir des réponses aux refus prononcés le 14 avril 2015. Plus précisément, aux fins du présent appel, la requête de Lilly visait à exiger la production des transcriptions confidentielles des procès consignées dans les dossiers de la Cour no T-1161-07 et T-1844-07, soit l’action portant sur la venlafaxine, de même que des motifs confidentiels du jugement rendu dans cette affaire.

[12]           Le dossier de la Cour no T-1161-07 a trait à une action dans le cadre de laquelle Teva a cherché à recouvrer des dommages‑intérêts, au titre de l’article 8 du Règlement, contre Sanofi‑Aventis Canada Inc. et Sanofi‑Aventis Deutschland GmbH en lien avec le médicament désigné sous le nom de ramipril (l’action portant sur le ramipril). L’affaire a été instruite et la juge Snider a rendu son jugement le 11 mai 2012 (Sanofi‑Aventis Canada Inc. c Teva Canada Limited, 2012 CF 552).

[13]           Dans l’action portant sur la venlafaxine, Novapharm cherchait à recouvrer des dommages‑intérêts, en vertu de l’article 8, contre Pfizer Canada Inc. concernant le médicament désigné sous le nom de chlorhydrate de venlafaxine [venlafaxine]. L’affaire a été instruite et le juge Zinn a rendu son jugement le 14 mars 2014 (Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc., 2014 CF 248).

[14]           Dans les documents de sa requête, Lilly décrit le contexte entourant les renseignements qu’elle souhaite obtenir; il s’agit là des éléments factuels, exposés ci-dessous, et sur lesquels la Cour se fonde.

A.            Point 90

[15]           Au point 90, Lilly demande la production de la transcription du témoignage livré lors du procès par Doug Sommerville, dans le cadre de l’action portant sur le ramipril. Dans sa décision, qui a été rendue publique, la juge Snider attire plus précisément l’attention sur le fait que « [d]ans son témoignage, M. Sommerville a décrit la perte de profits sur les ventes d’autres produits de Teva » (Sanofi‑Aventis Canada inc. c Teva Canada limitée, 2012 CF 552, au paragraphe 284). Cette question a été soulevée par Teva dans sa plaidoirie prononcée dans le cadre de la présente procédure.

[16]           M. Sommerville, de même que les autres témoins de Teva, a également abordé la question du taux des dépenses de commercialisation en vigueur, au cours de la période applicable à l’action portant sur le ramipril; cette période correspond, en général, à la période pertinente dans la présente affaire. Comme il a été mentionné précédemment, cette question a également été soulevée par Teva dans sa plaidoirie prononcée dans le cadre de la présente procédure (Sanofi‑Aventis Canada inc. c Teva Canada limitée, 2012 CF 552, au paragraphe 275).

[17]           Lilly fait valoir que le témoignage livré fait état du taux des dépenses de commercialisation en vigueur au cours d’une période correspondant, de façon générale, à la période pertinente dans la présente affaire, et que ce témoignage est donc pertinent en ce qui concerne les questions soulevées par Teva dans sa plaidoirie. La production de la transcription est d’autant plus essentielle, étant donné que Teva a indiqué qu’il n’existait aucune politique écrite en 2006 et en 2007 concernant les dépenses de commercialisation.

B.            Point 181

[18]           Au point 181, Lilly demande la production des motifs confidentiels du jugement rendu dans l’action portant sur la venlafaxine, de même que de la transcription du témoignage livré par Doug Sommerville lors de ce procès. Dans le cadre de cette procédure, le juge Zinn a examiné la question relative aux taux des dépenses de commercialisation du produit pour un marché à un seul fabricant et pour un marché qui en compte plusieurs. M. Sommerville a témoigné concernant les pratiques de Teva et les taux offerts en ce qui a trait à la venlafaxine (Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc., 2014 CF 248 aux paragraphes 208­232).

[19]           La venlafaxine était un produit à fournisseur exclusif, qui a été mis sur le marché au cours de la période visée par la présente affaire. Teva allègue qu’elle aurait eu l’exclusivité de ses produits à base d’olanzapine. À ce titre, Lilly soutient que les pratiques de Teva et les renseignements contenus dans les documents demandés en ce qui a trait aux dépenses de commercialisation sont des plus pertinents.

C.            Point 182

[20]           Au point 182, Lilly ajoute d’autres documents à ceux demandés au point 90 et inclut les transcriptions non seulement du témoignage livré par Doug Sommerville lors du procès, mais également de ceux de tous les témoins convoqués par Teva dans le cadre de l’action portant sur le ramipril. Elle y réitère également sa demande en ce qui concerne la production des documents relatifs à l’action portant sur la venlafaxine.

[21]           Dans sa décision qui a été rendue publique en ce qui concerne l’action portant sur le ramipril, la juge Snider attire l’attention sur ce qui suit :

Dans leurs témoignages, M. Fishman, le Dr Sherman, Mme Decelles et M. Doug Sommerville, qui est le vice-président du marketing et des ventes, ont tous affirmé que les taux des dépenses de commercialisation avaient augmenté au cours des dernières années.

(Sanofi-Aventis Canada inc. c Teva Canada limitée, 2012 CF 552 au paragraphe 275).

[22]           Les témoins de Teva ont été appelés à témoigner, et ce, autant dans le contexte de l’action portant sur le ramipril que de celle portant sur la venlafaxine, en ce qui concerne le taux des dépenses de commercialisation courant offert par Teva, dans les cas où il n’y a qu’un seul fabricant et dans ceux où il y en a plusieurs. Ces deux cas couvrent des périodes qui correspondent, de façon générale, à la période pertinente en l’espèce.

[23]           Teva a refusé de donner suite aux demandes de production de documents précitées concernant les transcriptions confidentielles du procès tenu dans le cadre de deux actions, qui concernent Teva et des parties étrangères à la présente affaire, et la version confidentielle des motifs du jugement rendu à l’égard d’une de ces actions (dans le dossier de requête de Lilly, il est indiqué que les documents confidentiels correspondent aux points 90, 181 et 182). La protonotaire a donc exposé oralement ses motifs (qui ont depuis été transcrits), dans lesquels elle ordonne, entre autres choses, la production des documents confidentiels.

[24]           En ce qui concerne la présente requête, Teva interjette appel de l’ordonnance rendue par la protonotaire Tabib le 13 mai 2015, dans laquelle cette dernière ordonne à Teva de produire les documents confidentiels.

III.             La décision contestée

[25]           L’ordonnance rendue par la protonotaire concernant le point 90 précise également, en ces termes, les motifs qui sous‑tendent les points 181 et 182 :

[traduction]
Point no 90 : Si elle est pertinente, la preuve présentée au procès doit être publique et accessible, sauf en présence d’une ordonnance de confidentialité.
Teva peut révoquer l’ordonnance de confidentialité, et les renseignements seront pertinents en ce qui concerne les questions en litige en l’espèce.

[26]           Devant la protonotaire, Lilly a soutenu que les documents confidentiels étaient pertinents en ce qui concerne les questions en litige relatives : (1) aux « dépenses de commercialisation » et (2) à l’allégation de Teva selon laquelle le fait d’être la seule fournisseuse d’olanzapine aurait stimulé la vente de ses autres produits, et que ses ventes totales auraient augmentées.

[27]           Lilly a prétendu qu’il y a peu de documents, mis à part certaines données globales, qui démontrent les sommes perçues par Teva au cours de la période pertinente grâce à ses ventes d’olanzapine ou de venlafaxine, un autre produit à fournisseur exclusif commercialisé par Teva. Au lieu de cela, un témoin factuel de Teva, identifié comme étant M. Sommerville, a témoigné concernant la façon dont Teva conclut ses ententes à l’égard des dépenses de commercialisation, sans que cette information soit corroborée sur papier.

[28]           Lilly a fait remarquer que la preuve reposait entièrement sur des faits, par opposition à la preuve présentée sous forme de témoignage d’opinion, qui a été invoquée dans les instances où la demande de production de transcriptions est rejetée. Elle a également souligné que le montant des dépenses de commercialisation ne devrait pas varier en fonction du médicament en question.

[29]           Dans l’action portant sur la venlafaxine, le juge Zinn a accepté des dépenses de commercialisation pouvant atteindre 15 p. 100 à 20 p. 100 dans le cas d’un marché à fabricant unique. Il est également venu à la conclusion de fait que lorsqu’un fabricant de génériques est le seul fournisseur d’un générique sur le marché, ses dépenses de commercialisation sont moins grandes que lorsqu’il est en présence de concurrents. Dans l’action portant sur le ramipril, la juge Snider a refusé d’admettre les dépenses de commercialisation supplémentaires.

[30]           Bien que Teva soutienne avoir fourni tous les renseignements dont elle disposait dans le cadre de ces actions concernant les dépenses de commercialisation, elle n’a pas sérieusement contesté l’exposé de Lilly concernant l’absence d’une preuve écrite détaillée ni l’allégation selon laquelle Teva n’a réussi à fournir que des données généralisées. Devant la Cour, il a également été question des difficultés liées à la production de renseignements à partir des ordinateurs; j’estime que cela appuie, de façon générale, l’allégation de Lilly.

[31]           En réponse aux questions de la protonotaire, Teva a admis que Lilly cherchait à obtenir auprès d’elle des éléments de preuve concernant les pratiques auxquelles elle avait recours au cours de cette même période, pour le même type de demande, mais concernant des produits différents. Teva a également reconnu que sans l’ordonnance de confidentialité, tous les renseignements auraient été rendus publics, que la demande concernait des renseignements propres à Teva et que Teva pouvait révoquer l’ordonnance de confidentialité à l’égard de ses propres renseignements.

[32]           La protonotaire a conclu que les documents demandés étaient pertinents et elle a souscrit à la suggestion de Teva selon laquelle son ordonnance devrait se limiter à la production des documents qui continueraient d’être visés par l’ordonnance de confidentialité existante, pour les besoins de la présente affaire seulement.

IV.             Les questions en litige

[33]           La Cour doit trancher les questions suivantes dans le cadre du présent appel :

a.                   Quel est le critère de contrôle applicable?

b.                   La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur en exigeant la production des documents confidentiels?

V.                La norme de contrôle applicable

[34]           L’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit faire l’objet d’un nouvel examen que dans les cas où les questions soulevées dans la requête ont une influence déterminante sur l’issue du principal, ou ceux dans lesquels l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. En outre, l’ordonnance du protonotaire doit faire l’objet d’un nouvel examen si elle est manifestement erronée, en ce sens que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire a été fondé sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits (c.‑à‑d. la décision est fondée sur une erreur de droit; Merck & Co. Inc. c Apotex Inc., 2003 CAF 488 aux paragraphes 17 et 19; Apotex Inc. c Sanofi­Aventis, 2011 CF 52 aux paragraphes 13­14 (Clopidogrel)).

VI.             Analyse

La compétence de la protonotaire

[35]           Teva soutient que la protonotaire a outrepassé sa compétence en modifiant la décision d’un juge et en exigeant que Teva fournisse à Lilly les documents confidentiels demandés. L’alinéa 50(1)g) des Règles des Cours fédérales, DORS/98­106 (les Règles) précise qu’un protonotaire n’a pas la compétence requise afin d’entendre « une requête pour annuler ou modifier l’ordonnance d’un juge ou pour y surseoir, sauf celle rendue aux termes des alinéas 385a), b) ou c) ». Les exceptions à cette règle ont trait aux fonctions de gestion de l’instance.

[36]           En dépit du libellé de l’alinéa 50(1)g) des Règles, je conclus que l’application de cette disposition repose sur une interprétation appropriée des articles 151 et 152 des Règles. À cet égard, je conclus également que la protonotaire n’annule pas l’engagement de confidentialité prévu dans l’ordonnance, au sens du paragraphe 152(3) des Règles, en s’acquittant de ses responsabilités législatives par la voie d’une requête interlocutoire, dans laquelle elle ordonne à l’une des parties d’appliquer la renonciation prévue dans l’ordonnance de confidentialité, en vue d’assurer l’équité procédurale.

[37]           Les articles 151 et 152 des Règles sont ainsi libellés :

151.     (1) La Cour peut, sur requête, ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels.

(2) Avant de rendre une ordonnance en application du paragraphe (1), la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

[…]

b)         la Cour fédérale, à laquelle est assimilé le protonotaire qui agit dans les limites de la compétence conférée par les présentes règles.

152.     […] (3) L’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) demeure en vigueur jusqu’à ce que la Cour en ordonne autrement, y compris pendant la durée de l’appel et après le jugement final.

[38]           Il est indiqué dans le dossier que la protonotaire Tabib a demandé à Teva si elle pouvait renoncer aux droits qui lui sont conférés, en vertu de l’ordonnance de confidentialité, en vue de produire les documents confidentiels de Teva jugés pertinents afin de régler le présent litige. Teva a répondu : [traduction« Je suis certaine que c’est le cas »; la protonotaire a ainsi déduit que ces documents étaient en la possession et sous la responsabilité de Teva et elle a donc ordonné qu’ils soient produits, en demandant à Teva de renoncer à ses droits. Les ordonnances de confidentialité comprennent une clause de renonciation, qui est libellée ainsi : « Aucune des dispositions de la présente ordonnance n’empêche ou ne limite le droit de toute partie : d) de révéler ou d’utiliser ses propres renseignements confidentiels. »

[39]           Une partie peut renoncer à ce que l’ordonnance soit appliquée afin de divulguer ses propres renseignements confidentiels, et je conclus que cela n’a aucune incidence sur l’ordonnance de confidentialité, qui conserve pleine force et effet. D’ailleurs, l’ordonnance de la protonotaire Tabib a été rendue à la condition expresse que l’ordonnance de confidentialité reste en vigueur, et à cela s’ajoute l’engagement de Lilly à s’assurer qu’aucun document confidentiel d’un tiers ne sera divulgué au cours de la procédure, si ses représentants sont contactés à cette fin.

[40]           Afin de déterminer l’interprétation appropriée du paragraphe 152(3) des Règles, la Cour doit s’appuyer sur le principe que les objectifs décrits à l’article 3 des Règles doivent être remplis. Cette disposition précise que les Règles doivent être « interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ».

[41]           En examinant les politiques qui sous‑tendent les articles 151 et 152 des Règles, il est clair que l’ordonnance de confidentialité constitue une exception à la présomption de transparence des procédures et qu’il convient de ne pas rendre une telle ordonnance lorsque l’incidence des éléments pris séparément crée une injustice pour les autres parties. Le paragraphe 151(2) des Règles met l’accent sur le fait qu’aucune ordonnance de confidentialité ne doit être rendue, à moins que la Cour soit convaincue que cette mesure est appropriée, « étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires ».

[42]           Par conséquent, aux articles 151 et 152 des Règles, l’accent est mis sur la nécessité d’agir avec circonspection au moment de rendre l’ordonnance de confidentialité, sans égard aux pouvoirs discrétionnaires prévus dans l’ordonnance, afin de s’assurer que celle‑ci puisse demeurer en vigueur sans créer d’injustice. En outre, tout comme les juges, les protonotaires ont le pouvoir d’accorder des ordonnances de confidentialité et de les modifier, dans les limites de la compétence que leur confèrent les Règles. Dans la pratique, comme c’est le cas en l’espèce, l’ordonnance initiale est rendue par le protonotaire et est ensuite approuvée par le juge de première instance, qui étend la portée de cette dernière au procès et à la décision.

[43]           Aux paragraphes 52 et 53 de l’arrêt Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227, [2014] 1 RCF 766 (Leahy), la juge Dawson, au nom de la Cour d’appel fédérale, a précisé que le « principe de la publicité des débats en justice » est un principe fondamental selon lequel les instances qui se déroulent devant les tribunaux canadiens doivent être ouvertes et accessibles au public. Elle soutient également qu’une allégation de confidentialité trop générale est incompatible avec le devoir d’équité procédurale :

[52] Premièrement, un principe fondamental veut que les instances qui se déroulent devant les tribunaux canadiens soient ouvertes et accessibles au public. Le principe de la publicité des débats en justice s’étend à la preuve par affidavit et aux observations écrites soumises dans le cadre des contrôles judiciaires. Toute restriction à ce principe n’est permise qu’aux conditions suivantes :

a)         elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;

b)         ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de chaque partie à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.

(Vancouver Sun [Re], 2004 CSC 43, [2004] 2 R.C.S. 332, aux paragraphes 22 à 31)

Aucune raison ne justifie l’inclusion d’observations ou de renseignements non confidentiels dans un document confidentiel. Cela revient à violer le principe de la publicité des débats en justice.

[53]      Deuxièmement, l’équité exige qu’une partie connaisse les arguments invoqués contre elle. Une allégation de confidentialité trop générale qui empêche la partie adverse d’en savoir autant que possible sur la preuve et les observations présentées à la Cour, affecte indûment sa capacité à défendre sa cause. En termes simples, une telle allégation est incompatible avec le devoir d’équité procédurale.

[Non souligné dans l’original.]

[44]           L’objectif non formulé, mais qui sous‑tend l’ordonnance de la protonotaire Tabib, est celui de garantir qu’il n’y ait aucun manquement à l’équité procédurale, tout en respectant la portée des dispositions de renonciation prévues dans les ordonnances de confidentialité. Il est conforme aux politiques qui sous‑tendent le paragraphe 152(3) des Règles d’introduire une certaine souplesse dans l’ordonnance, en appliquant un des termes permissifs de celle‑ci, sans porter atteinte à l’objet et à l’effet de l’ordonnance. Reconnaître que la protonotaire a compétence pour intervenir en ce qui concerne le droit d’une des parties de renoncer à l’application d’une ordonnance de confidentialité rejoint donc les objectifs qui sous‑tendent l’interprétation appropriée du paragraphe 152(3) des Règles. Selon cette interprétation, l’ordonnance de la protonotaire « n’annule » en aucune façon l’effet de l’ordonnance de confidentialité. Cette interprétation rejoint également la présomption allant à l’encontre des ordonnances de confidentialité trop générales et de la nature exceptionnelle de ces dernières.

[45]           En ce qui concerne l’interprétation qui permet « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible », l’effet totalement contraire sera observé si Teva a vu juste dans ses observations. Lilly serait forcée de se présenter d’abord devant un juge afin de plaider sa cause, en regard de ce qui constitue avant tout une requête aux fins de production comme les autres, en fonction des conclusions tirées quant à la pertinence de l’information et du besoin manifeste que celle‑ci soit divulguée. Ces tâches se trouvent au cœur même de l’expertise du protonotaire et de l’analyse raisonnée voulant que les requêtes de ce genre soient mieux gérées en première instance par le protonotaire.

[46]           Dans la plupart des cas, les litiges portant sur la production de documents protégés initialement par une ordonnance de confidentialité se règlent dans le bureau du protonotaire, ce qui démontre « l’efficacité de l’administration de la justice ».

[47]           Au lieu du processus informel et efficace engagé en l’espèce en vue de résoudre les objections concernant les questions touchant la production de documents, la partie requérante sera tenue de présenter une requête officielle et d’y joindre un mémoire des faits et du droit à l’appui, ainsi que tous les autres documents qui accompagnent habituellement une requête devant un juge.

[48]           Le juge sera également perdant, puisqu’il ne profitera pas de l’expertise du protonotaire dont il aurait bénéficié si l’affaire avait été portée en appel. Une fois que la question de la confidentialité d’un document a été tranchée, de même que tout appel pouvant résulter de cette dernière, le reste de la requête aux fins de communication préalable est renvoyée au protonotaire pour qu’il y donne suite et pour qu’un autre appel puisse être interjeté devant un juge, au besoin.

[49]           Cela devrait être comparé à une interprétation raisonnable de la transcription. La protonotaire a donné suite aux objections concernant la production de documents de façon logique et très expéditive. Elle a examiné la pertinence des documents, la nécessité de produire ces derniers, le droit de renonciation de Teva prévu dans les ordonnances et la confirmation de l’avocat de Teva que les ordonnances de confidentialité resteront en vigueur et continueront à remplir leur objectif, comme l’a prévu le juge qui les a rendues.

[50]           En outre, le droit d’appel garantit qu’un juge peut être appelé à statuer sur l’ordonnance rendue par le protonotaire dans le cadre d’une nouvelle instance, s’il est établi que le protonotaire est manifestement dans l’erreur.

[51]           Pour conclure, interpréter les articles 151 et 152 des Règles sans reconnaître que le protonotaire a le pouvoir d’ordonner à une partie d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de renoncer à appliquer l’ordonnance de confidentialité en vue de produire les documents pertinents, en faveur de l’équité procédurale, donnera lieu à une multitude d’instances et mènera à une solution au litige qui sera loin d’être expéditive et économique. Il s’agit là d’une interprétation arbitraire des articles 151 et 152 des Règles, qui va à l’encontre du but premier de ces dispositions.

L’examen de novo

[52]           Même si mon interprétation de la compétence de la protonotaire est incorrecte, la teneur des principales questions en litige dans sa décision était manifestement exacte, selon un examen de novo. Toutefois, dans son ordonnance, la protonotaire n’aurait pas dû exiger la production de renseignements non pertinents tirés des documents confidentiels.

(i)   Les précédents dans lesquels la production de documents a été refusée

[53]           Teva allègue qu’il existe une pratique à la Cour fédérale qui consiste à refuser d’exiger la production des transcriptions d’autres instances, même lorsque celles‑ci semblent pertinentes. Cependant, les précédents invoqués dans les renvois de Teva peuvent facilement être écartés et n’ont rien à voir avec les circonstances en l’espèce.

[54]           Teva s’appuie sur la décision Clopidogrel et cite le juge de Montigny comme précédent à l’appui. La partie de la décision à laquelle elle fait référence repose entièrement sur une opinion d’expert. Cependant, les renseignements demandés en l’espèce sont tous de nature factuelle.

[55]           En outre, dans Clopidogrel, le juge de Montigny s’est fondé sur les paragraphes 47 à 50 de la décision Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2007 CF 1195, en ce qui a trait aux ordonnances de communication des opinions d’expert. Toutefois, dans cette affaire, la protonotaire Tabib a ordonné la production de documents relatifs à l’état de la technique produits dans l’action aux États‑Unis, appuyant ainsi l’allégation de Lilly selon laquelle les éléments de preuve qui reposent sur des faits feront l’objet d’une ordonnance de communication, même dans un ressort étranger.

(ii)  La règle de l’engagement implicite

[56]           Le prononcé d’une ordonnance de confidentialité n’est pas une forme de droit implicite, comme le soutient Teva dans ses observations lorsqu’elle affirme que [traduction« les ordonnances de confidentialité et les ordonnances conservatoires se veulent une extension de la règle de l’engagement implicite ». Teva cite la protonotaire Milczynski dans Abbott Laboratories c Canada (Minister of Health), 2005 CF 1368 (Abbott Laboratories) à l’appui de cet argument. Toutefois, les remarques de la protonotaire sur ce point ne portent que sur les documents à communiquer au préalable. Elle formule des commentaires à l’effet contraire en ce qui concerne les renseignements divulgués lors des procès. Ceux‑ci se rapprochent étroitement de ceux formulés dans la décision Leahy précitée, comme le démontre le paragraphe 6 des motifs de la protonotaire :

[traduction]
En ce qui concerne les accords ou les ententes de ce genre, les parties peuvent s’entendre et la Cour peut rendre une ordonnance de non‑divulgation à l’égard des documents et des renseignements échangés lors de la production et de la communication préalable.
Ce type d’ordonnance conservatoire se veut une extension de la règle de l’engagement implicite. Toutefois, demander à la Cour de rendre une ordonnance pour mettre sous scellé les documents déposés devant la Cour et empêcher que le public y ait accès n’est pas la même chose. Une ordonnance de confidentialité rendue en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales est une mesure extraordinaire, même si l’application de telles ordonnances est plus courante dans ce type de dossier que dans les autres.

[Non souligné dans l’original.]

[57]           Il serait contraire à l’objet fondamental d’une ordonnance de confidentialité de déplacer le fardeau de la preuve, de manière à ce qu’il incombe à Lilly de démontrer que les renseignements sont nécessaires, dans la mesure où ils n’ont pu être obtenus lors de la communication préalable, une fois qu’il a été établi que les documents sont pertinents dans le cadre d’une procédure où il est question d’un litige dans lequel Teva est intéressée. Une telle interprétation deviendrait une façon de permettre à Teva d’obtenir un avantage sur Lilly, ce qui irait à l’encontre du droit de cette dernière à un procès équitable, fondé sur l’ensemble de la preuve pertinente.

(iii)             La pertinence

[58]           Teva allègue que Lilly s’est lancée dans une [traduction« recherche à l’aveuglette ». Je ne suis pas de cet avis, étant donné que nul ne conteste le fait que des passages indéterminés des transcriptions et des motifs sont pertinents et devraient être produits en ce qui concerne les questions en litige relatives aux dépenses de commercialisation au sens large du terme.

[59]           Honnêtement, je trouve difficile de concevoir comment Teva a pu s’engager dans une démarche visant à établir des dépenses de commercialisation importantes en l’absence de lignes directrices ou de protocoles écrits, qui décrivent la procédure à suivre au moyen de formules, de facteurs et d’objectifs d’une quelconque nature, ainsi que de documents historiques faisant état des négociations et des discussions internes entretenues à ce sujet. Il est inconcevable qu’un témoin se présente en cour et décrive cette démarche sans documentation à l’appui. Certes, Lilly a le droit de savoir comment cette « capacité » à fixer le montant des dépenses de commercialisation est exploitée, comme il est décrit dans la jurisprudence, compte tenu de l’absence inhabituelle de documents à l’appui.

[60]           Même s’il existait une surabondance de documents à l’appui, les passages pertinents des documents devraient être produits, compte tenu de l’importance que revêt la nature de cette preuve à l’égard d’un point en litige déterminant.

(iv)              La portée excessive

[61]           Teva allègue qu’une bonne partie des renseignements qui sont contenus dans les transcriptions et qui ont été caviardés dans les motifs sont sans pertinence et qu’elle ne devrait pas être obligée de les produire. La protonotaire n’a pas tenu compte de cet argument, ce qui s’explique, selon moi, par le fait que si les renseignements sont généralement censés être accessibles, mais qu’ils ne le sont pas en raison d’une ordonnance de confidentialité rendue en vertu d’une règle de procédure applicable en audience publique, alors ils devraient être produits.

[62]           Je ne crois pas que cette approche tienne compte du raisonnement suivi par les cours lorsqu’elles accordent des ordonnances de confidentialité en premier lieu. Je comprends que ces dernières sont accordées dans le but d’empêcher la divulgation de renseignements confidentiels aux concurrents des parties, dans les cas où ces dernières auraient autrement été forcées de rendre cette information publique afin d’en arriver à résoudre le litige faisant l’objet du procès.

[63]           Par conséquent, je conviens avec Teva que les renseignements confidentiels de Teva, qui sont sans pertinence et qui sont contenus dans les transcriptions et les motifs visés par l’ordonnance de confidentialité, ne devraient pas être divulgués. Dans le même ordre d’idées, conformément au principe général voulant que seuls les documents pertinents soient produits, Teva ne devrait pas être forcée de divulguer des passages non pertinents des documents, qu’ils soient ou non de nature confidentielle.

[64]           Par conséquent, j’ordonne aux parties d’établir une certaine forme de processus, qui permettra la divulgation des documents en question à l’avocat de Lilly, en accordant à ce dernier [traduction] « un accès exclusif aux documents », dans le but de parvenir à un certain consensus concernant les passages pertinents des documents confidentiels, qui devraient être communiqués. Il est possible de faire appel au protonotaire pour résoudre les divergences d’opinion sur cette question.

[65]           Autrement, les ordonnances de confidentialité demeurent pleinement en vigueur. Lilly devra respecter la procédure décrite dans sa plaidoirie, procédure selon laquelle elle a la responsabilité d’aviser les mis en cause, et ce, dans le but de s’assurer que leurs droits sont pleinement protégés, conformément aux ordonnances de confidentialité toujours en vigueur à l’égard des documents communiqués à Lilly.

VII.          Conclusions

[66]           L’appel interjeté par Teva est accueilli en ce qui concerne la portée excessive de l’ordonnance, comme il a été décrit ci-dessus, mais autrement, la Cour rejette l’appel de Teva en ce qui a trait à toutes les autres questions en litige.

[67]           La Cour ordonne aux parties de s’entendre sur les dispositions d’une ordonnance appropriée que la Cour pourra signer. Toute difficulté à rédiger cette ordonnance peut être portée à l’attention de la Cour, par la voie d’une conférence téléphonique, au besoin. L’ordonnance définitive sera ajoutée aux présents motifs, une fois qu’elle aura fait l’objet d’un règlement.

[68]           Étant donné que les deux parties ont, en quelque sorte, gain de cause et que je juge légitimes les observations de Teva concernant la compétence de la protonotaire pour ce qui est de modifier les ordonnances de confidentialité, aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE

La Cour ordonne :

1.      que l’appel soit rejeté, exception faite de l’obligation de caviarder les renseignements non pertinents des documents confidentiels que Teva est tenue de produire;

2.      que les dispositions de l’ordonnance définitive, notamment la procédure à suivre pour cibler les documents confidentiels non pertinents, soient établies devant la protonotaire ou approuvées par cette dernière;

3.      qu’aucuns dépens ne soient adjugés.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


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