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Date : 20151021


Dossier : T-677-14

Référence : 2015 CF 1185

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 21 octobre 2015

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

COLONEL BERNARD OUELLETTE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le Colonel Bernard Ouellette sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 28 février 2014, par laquelle le Chef d’état‑major de la Défense [le CEMD], agissant à titre d’autorité initiale, a rejeté son grief.

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, la Cour conclut que le CEMD a commis une erreur en rendant sa décision à titre d’Autorité initiale et accueillera par conséquent la demande du Colonel Ouellette.

I.                   Le contexte

A.                Survol concernant le commandement en Haïti.

[3]               Le Colonel Ouellette est un officier d’expérience avec plus de 30 ans de service au sein des Forces canadiennes. Il a été déployé en Haïti le 28 juillet 2009 à titre de commandant de la Force opérationnelle canadienne à Port-au-Prince [la Force opérationnelle], laquelle relevait de l’État‑major du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada [le COMFEC], à Ottawa. À ce titre, son rôle était de superviser l’administration, la discipline et le déploiement opérationnel des membres des Forces canadiennes, dont le nombre variait entre 4 et 9.

[4]               Le Colonel Ouellette était aussi le principal représentant militaire du Canada appuyant la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti [MINUSTAH], à titre de chef d’État-major [CEM]. Il n’était pas aux commandes de la force de l’ONU; en fait, il coordonnait le travail d’environ 8 432 personnes et il était appuyé par un personnel de soutien d’environ 150 personnes.

[5]               Son déploiement devait prendre fin le ou vers le 21 juillet 2010.

[6]               Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre d’une grande ampleur a frappé Haïti. Ce tremblement de terre a fait environ 300 000 morts et a entraîné un environnement chaotique, ce qui a occasionné des difficultés ainsi qu’une quantité de travail considérable à la Force opérationnelle. Le Colonel Ouellette a perdu la totalité de son personnel de la MINUSTAH à l’exception de son adjointe administrative, Mme Vlora Merlaku.

[7]               À la fin de janvier 2010, le Colonel Ouellette a hébergé Mme Merlaku dans sa chambre à la Maison du Canada no 1, soit le local sécuritaire loué par le personnel des Forces canadiennes, parce que l’appartement de Mme Merlaku n’était plus sécuritaire. Certains membres de la Force opérationnelle ont soulevé des préoccupations à propos d’une relation personnelle préjudiciable entre le Colonel Ouellette et Mme Merlaku, et ils se sont plaints à propos des répercussions de cette relation sur la disponibilité de leur commandant ainsi que sur leur moral et leur cohésion. Le 10 avril 2010, Mme Merlaku a quitté la Maison du Canada no 1 pour se réinstaller dans un autre endroit. Les deux parties ont nié l’existence d’une relation personnelle préjudiciable et l’enquête n’a pas permis de conclure à l’existence d’une telle relation ou d’une inconduite.

B.                 Le retrait de commandement

[8]               Le 28 juin 2010, le Commandant du COMFEC a retiré au Colonel Ouellette le commandement quant à ses deux postes en Haïti et l’a rapatrié au Canada. La décision était fondée sur la conclusion du Commandant de la COMFEC selon laquelle, malgré l’existence d’une certaine incertitude en ce qui concerne la relation personnelle préjudiciable, la majorité des membres de la Force opérationnelle avait l’impression que cette relation existait, et le Colonel Ouellette n’avait rien fait pour dissiper cette impression, laquelle avait une incidence défavorable sur le moral et sur la cohésion des membres de la Force opérationnelle. Cette omission a entraîné une perte de confiance au sein de la hiérarchie en la capacité du Colonel Ouellette à exercer de manière efficace les fonctions de commandement.

[9]               L’avis de retrait a été signé par le Commandant du COMFEC. Cependant, il semble évident que des discussions avec le CEMD avaient eu lieu quant aux possibles mesures à prendre, et que le CEMD aurait enjoint au vice‑chef d’état‑major de retirer le commandement au Colonel Ouellette, ou qu’il aurait, à tout le moins, souscrit à la décision de retirer le commandement au Colonel Ouellette. Quoi qu’il en soit, il ne semble faire aucun doute que le CEMD a eu son mot à dire dans la décision.

C.                 Le grief et le processus de grief

[10]           Le 4 novembre 2010, le Colonel Ouellette a présenté un grief, en passant par sa chaîne de commandement, en ce qui concerne le retrait de son commandement, conformément au paragraphe 29(1) de la Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N-5 [la Loi].

[11]           Le Colonel Ouellette a fait valoir que la décision de lui retirer son commandement était prématurée et qu’elle reposait sur des allégations non fondées. Il a fait valoir que cette décision lui a occasionné un grand préjudice et qu’il a été traité de manière déraisonnable par le commandement du COMFEC. Il a demandé que : 1) les Forces canadiennes rétablissent sa réputation; 2) son travail et ses réussites en Haïti entre le 28 juillet 2009 et le 28 juin 2010, soit reconnu par les Forces canadiennes, surtout pendant le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et dans la période suivant ce tremblement de terre, et 3) la considération appropriée soit accordée à sa famille, qui a passé de durs moments.

[12]           Le 13 décembre 2010, le grief du Colonel Ouellette a été renvoyé au Directeur général de l’Autorité des griefs des Forces canadiennes [l’AGFC]. En fait, l’officier d’administration de l’Unité de soutien des Forces canadiennes [l’USFC] à Ottawa a conclu que le commandant de l’USFC ne pouvait pas agir à titre d’Autorité initiale dans l’affaire, conformément à l’article 7.06 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [ORFC], et a envoyé la question à l’AGFC pour qu’elle établisse qui pouvait agir à tire d’Autorité initiale.

[13]           Le 21 décembre 2010, le Directeur général de l’AGFC a envoyé deux lettres au Colonel Ouellette. L’une de ces lettres confirmait que son grief avait été reçu au palier de l’Autorité de dernière instance, et l’autre lui mentionnait que le grief avait été renvoyé, de manière discrétionnaire, au Comité des griefs des Forces canadiennes ([le Comité], tel était alors son nom) conformément à l’article 7.12 des ORFC. Le 11 janvier 2011, le Comité a informé le Colonel Ouellette qu’il avait reçu son grief, qu’il lui fournirait ses conclusions et recommandations, ainsi qu’à l’Autorité de dernière instance qui rendrait sa décision.

[14]           Le Colonel Ouellette s’est opposé au processus le privant du palier de l’Autorité initiale du processus de règlement des griefs. Cependant, le Comité a expliqué que le CEMD était le seul qui avait compétence pour examiner la décision visée par le grief et qu’aucune décision ne pouvait être rendue au palier de l’Autorité initiale à ce moment‑là.

[15]           Des arguments ont été présentés relativement au grief du Colonel Ouellette le 24 mars 2011, ainsi qu’en juin 2011 et en janvier 2013.

[16]           Le 29 décembre 2011, le Comité a publié son document intitulé « Conclusions et recommandations » afin d’aider le CEMD dans sa prise de décision à titre d’Autorité de dernière instance, et il a recommandé que le grief soit accueilli.

[17]           Le Comité a déclaré avoir été choqué par le traitement réservé au Colonel Ouellette, après avoir conclu, entre autres, qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante lui permettant de conclure que sa conduite pouvait, de quelque manière que ce soit, avoir justifié la perte de confiance de ses supérieurs, le retrait de son commandement ainsi que son rapatriement au Canada.

[18]           Le Comité a aussi conclu en outre que le grief aurait dû être renvoyé obligatoirement, plutôt que renvoyé suivant l’exercice du pouvoir discrétionnaire, parce qu’il visait une décision du CEMD, conformément au paragraphe 29.12(1) de la Loi et au paragraphe 7.12(2) des ORFC, et que le CEMD lui‑même avait donc décidé d’agir à titre d’autorité de dernière instance.

[19]           Les lettres adressées au Colonel Ouellette entre novembre 2010 et août 2013 désignaient toutes le CEMD à titre d’autorité de dernière instance.

[20]           Cependant, le 4 septembre 2013, le directeur général de l’AGFC a informé le Colonel Ouellette que son grief avait été examiné par l’un des analystes de l’AGFC avant que le CEMD rende une décision à titre d’autorité initiale.

[21]           Le Colonel Ouellette a réagi à l’utilisation de cette analyse par le CEMD lorsque ce dernier a rendu sa décision à titre d’autorité de dernière instance.

D.                La décision contestée

[22]           Le 28 février 2014, le CEMD a rejeté le grief présenté par le Colonel Ouellette, avec motifs, à titre d’Autorité initiale dans le processus de règlement des griefs. Le CEMD a déclaré qu’il était en désaccord avec le Comité et qu’il avait l’obligation d’agir à titre d’Autorité initiale, puisqu’il n’avait pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard au titre du paragraphe 7.06(2) des ORFC. Il a aussi mentionné que les paragraphes 7.07(2) et 7.07(3) des ORFC envisageaient la possibilité que le CEMD agisse à titre d’Autorité initiale et que les circonstances ne permettaient pas au plaignant de soumettre son grief à l’Autorité de dernière instance à cette étape‑là.

[23]           Le CEMD a mentionné, à la page 9 de sa décision, qu’il était incapable d’effectuer un examen valable quant à la question de savoir si le Colonel Ouellette s’était ou non engagé dans une relation inappropriée, mais il croyait qu’il n’était pas nécessaire de le faire pour trancher la question de savoir si son retrait constituait une réponse appropriée. La perception à l’égard de la relation inappropriée et l’inaction du Colonel pour dissiper cette perception a entraîné la perte de confiance justifiant le retrait.

[24]           Le Colonel Ouellette a été invité à demander à l’Autorité de dernière instance du processus de règlement des griefs de réexaminer l’affaire. En l’espèce, c’était le CEMD qui agissait en cette qualité.

[25]           Le 18 mars 2014, le Colonel Ouellette a présenté une demande à la Cour en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision rendue par le CEMD le 28 février 2014.

II.                Les positions des parties

A.                Le Colonel Ouellette

[26]           Le Colonel Ouellette fait valoir que le CEMD a commis une erreur à six égards en arrivant à sa décision, en ce sens qu’il (1) a agi sans compétence; (2) n’a pas respecté un principe de justice naturelle, du fait que le Colonel Ouellette avait une attente légitime selon laquelle il participait à un processus qui allait conduire à une décision prise par le CEMD à titre d’Autorité de dernière instance; (3) a contrevenu aux règles de justice naturelle et à l’équité procédurale quant à cinq autres aspects; (4) a fondé sa décision sur quatre conclusions de fait erronées; (5) lui a causé un grand préjudice, et (6) a omis de tenir compte des faits de la cause.

[27]           Le Colonel Ouellette craint que le CEMD ait modifié son rôle d’Autorité de dernière instance pour prendre celui de l’Autorité initiale, en vue de supprimer l’incidence des conclusions et recommandations du Comité.

(1)               L’absence de compétence

[28]           Le Colonel Ouellette soutient que le CEMD n’avait pas compétence pour agir à titre d’Autorité initiale, puisque l’affaire avait été renvoyée au Comité conformément au paragraphe 7.12(2) des ORFC. Cette disposition se trouve à la section 3 du chapitre 7 des ORFC, qui porte le titre « Autorité de dernière instance en matière de grief », ce qui avait donc pour effet de faire en sorte que le renvoi était celui d’une personne agissant à titre d’Autorité de dernière instance.

[29]           De plus, le Colonel Ouellette soutient que le CEMD a aussi outrepassé sa compétence en rendant une décision quant à une question qui ne faisait pas l’objet de son grief.

(2)               Les attentes légitimes

[30]           Le Colonel Ouellette ne relève pas moins de 11 documents qui désignaient le CEMD à titre d’Autorité de dernière instance dans la correspondance officielle qui lui a été envoyée par le ministère de la Défense nationale entre novembre 2010 et août 2013. Par conséquent, il avait l’attente légitime selon laquelle il participait à un processus conduisant à une prise de décision par le CEMD à titre d’Autorité de dernière instance et il aurait par ailleurs contesté ce processus s’il avait su ou cru que son grief était examiné par le CEMD au palier de l’Autorité initiale.

(3)               Les manquements à l’équité procédurale

[31]           Le Colonel Ouellette soutient que son droit à l’équité procédurale n’a pas été respecté avant qu’on lui retire le commandement, puisque (1) il n’avait pas eu la possibilité de répondre aux allégations; (2) il n’avait pas connaissance de l’intention de lui retirer le commandement; (3) le CEMD a appuyé ses conclusions sur une question qui ne faisait pas l’objet du grief; (4) le CEMD a admis l’existence de lacunes en matière procédurale, et (5) un examen de novo n’est pas autorisé en droit.

(4)               Les conclusions de faits erronées

[32]           Le Colonel Ouellette soutient que le CEMD a commis une erreur, et ce, sur quatre aspects, soit (1) en concluant que le moral des troupes était perturbé de manière importante par les actions qu’il avait commises, puisque cet énoncé n’a aucun fondement logique; (2) en commettant des erreurs importantes et graves, notamment en ce qui a trait à la chronologie des faits; (3) en dégageant une interprétation erronée de la preuve en ce qui concerne la transmission de courriels par les membres de la Force opérationnelle, et (4) en concluant que la perception de l’existence d’une relation inappropriée constituait une violation d’un ordre pertinent.

(5)               Occasionné un préjudice important

[33]           Le Colonel Ouellette prétend que cela lui occasionnerait un préjudice important si l’on devait accepter que le CEMD a rendu une décision à titre d’Autorité initiale, puisque ce dernier examinerait subséquemment sa propre décision et qu’il serait alors dispensé d’accorder l’importance appropriée aux conclusions et recommandations du Comité.

[34]           Effectivement, lorsqu’une affaire est renvoyée au Comité, le CEMD doit adopter le raisonnement du Comité ou donner les motifs pour lesquels il s’en écarte. En outre, il serait préjudiciable pour le Colonel Ouellette que le prononcé d’une décision définitive quant à son grief soit encore retardé, puisqu’il serait exposé à la perte définitive des avantages de certaines des recommandations substantielles formulées par le Comité en ce qui a trait à sa carrière, puisqu’il est censé prendre sa retraite avant que la décision finale ne soit rendue.

(6)               L’omission de tenir compte des faits de la cause

[35]           Le Colonel Ouellette soutient que le CEMD a omis de tenir compte des difficultés extraordinaires et terribles auxquelles il a été confronté après le tremblement de terre, particulièrement après qu’il eut perdu presque la totalité de son personnel des Nations Unies. Le Colonel Ouellette a reconnu que Mme Merlaku avait dormi à son lieu de résidence, puisqu’il y avait des problèmes de sécurité à l’endroit où elle logeait temporairement. Le 3 mars 2010, le navire de croisière « Old Esmeralda » est arrivé au port temporaire de Port‑au‑Prince et a offert l’hébergement à tout le personnel des Nations Unies qui en faisait la demande. Cependant, Mme Merlaku est restée à la résidence du Colonel Ouellette jusqu’au 10 avril 2010, puisque cela était justifié par des facteurs liés aux ressources, à la logistique, aux opérations, au leadership et aux coûts.

[36]           En dernier lieu, les membres de la Force opérationnelle qui se sont plaints à propos du Colonel Ouellette après environ une semaine passée sur le théâtre d’opérations n’ont pas transmis leur plainte directement au colonel ou à leur supérieur immédiat en Haïti, comme cela aurait normalement été requis selon la procédure normale, mais plutôt au Bureau des affaires publiques du COMFEC à Ottawa, ce qui démontrait que leurs motifs n’étaient ni sincères ni authentiques.

B.                 L’intervenant, le Comité externe d’examen des griefs militaires

[37]           Le Comité (tel est maintenant son nom) a eu la permission de présenter des observations sur deux points : (1) son rôle dans le processus de règlement des griefs et sa compétence pour examiner les dossiers et  rendre des conclusions et recommandations au CEMD en sa capacité d’Autorité initiale, conformément à la Loi et aux ORFC, et (2) l’incidence sur les décisions rendues à l’avenir dans le cadre du processus de règlement des griefs des Forces canadiennes et, possiblement, sur les décisions antérieures rendues dans le cadre de ce même processus que le CEMD se soit écarté de la pratique antérieure et qu’il ait agi à titre d’Autorité initiale dans un cas qui avait déjà été renvoyé au Comité et examiné par ce dernier.

(1)               Les conclusions et recommandations formulées au CEMD à titre d’Autorité initiale

[38]           Le Comité fait valoir que, selon le régime législatif qui est en vigueur depuis 2000, il n’a pas et n’a jamais eu compétence pour examiner le grief pour le compte du CEMD à titre d’Autorité initiale. Il s’ensuit que le CEMD ne peut pas agir à titre d’Autorité initiale après la délivrance de ses conclusions et recommandations.

[39]           Dans ses observations, le Comité passe en revue le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes, son propre rôle et ses propres pouvoirs, ainsi que les faits particuliers en l’espèce.

[40]           Le Comité fait tout d’abord remarquer que la Cour a constaté l’intention du législateur d’« accélérer le règlement des griefs par l’élimination de certains niveaux de prise de décision et par l’établissement d’un organisme externe impartial, le CGFC [Comité] qui présenterait des conclusions et recommandations au CEMD » (Gabriel c Canada (Procureur général), 2008 CF 1254, au paragraphe 35 [Gabriel]). Lorsque le législateur a simplifié le processus en éliminant un palier de décision, il n’a pas ajouté un examen externe indépendant par le Comité dans l’intention que celui‑ci multiplierait ses interventions, à diverses étapes, ce qui entraînerait la perte des améliorations en matière d’efficacité qui ont été adoptées en 2000. Son intention était plutôt d’accorder au CEMD, à titre d’Autorité de dernière instance, l’opinion externe d’un expert quant à la question, et ce, avant qu’il ne rende une décision définitive (Rifai c Canada (Procureur général), 2014 CF 529, aux paragraphes 71 à 74).

[41]           De plus, le processus de règlement des griefs en deux paliers a été décrit par la Cour, à diverses occasions; la Cour a alors mentionné que le Comité formulerait les recommandations au CEMD, qui est l’Autorité de dernière instance (MacLellan c Canada (Attorney General), 2014 NSSC 280, au paragraphe 38, et Riach c Canada (Procureur général), 2011 CF 1230, aux paragraphes 13 à 15).

[42]           Le Comité souligne qu’il n’est pas contesté que le CEMD ou son délégué doit agir à titre d’Autorité de dernière instance, ou que le CEMD peut, dans certains cas, agir à titre d’Autorité initiale.

[43]           Cependant, le Comité ne souscrit pas à l’affirmation du défendeur selon laquelle le régime législatif impose au CEMD l’obligation d’agir à titre d’Autorité initiale lorsqu’aucun autre officier ne peut le faire. Le Comité fait valoir que les articles 7.06 et 7.07 des ORFC donnent plutôt des directives quant à savoir qui doit agir à titre d’Autorité initiale et les délais que cette dernière doit respecter. Il s’ensuit que, selon cette thèse, un grief peut, dans certains cas, être envoyé directement à l’Autorité de dernière instance sans qu’une décision  soit rendue au palier de l’Autorité initiale.

[44]           Le Comité soutient aussi que, même si la loi ne précise pas que l’Autorité de dernière instance renvoie les cas Comité, cela ne fait aucun doute, à la lecture des dispositions de la Loi dans leur contexte global. En fait, l’article 29.11 de la Loi énonce que le CEMD est l’autorité de dernière instance en matière de griefs et la disposition suivante, soit le paragraphe 29.12(1), prévoit que le CEMD le renvoie au Comité ou qu’il peut le renvoyer, selon le type de grief.

[45]           En outre, les Directives et ordonnances administratives de la Défense [DAOD], qui sont les directives internes des Forces canadiennes, énoncent les fonctions rattachées au processus d’Autorité initiale et à celui de l’Autorité de dernière instance. La DOAD 2017-1 prévoit expressément que c’est l’Autorité de dernière instance qui détermine s’il s’agit d’un type de grief à transmettre au Comité pour que celui-ci formule ses conclusions et recommandations.

[46]           Le Comité convient que le CEMD pourrait examiner sa propre décision qu’il a rendue au palier de l’Autorité initiale. Cependant, si le CEMD décide d’agir à titre d’Autorité initiale, la Loi exige de lui qu’il fasse une telle chose avant que le dossier soit renvoyé au Comité. En fait, l’article 29.12(2) de la Loi impose des obligations en matière de transmission de certains documents, notamment en ce qui a trait à la décision rendue par chaque autorité relativement au grief. Il s’ensuit que le CEMD devrait renvoyer au Comité sa propre décision rendue au palier de l’Autorité initiale.

[47]           De plus, la Loi précise que le CEMD doit fournir des motifs s’il s’écarte des conclusions et recommandations du Comité des griefs (paragraphe 29.13(2) de la Loi). Il s’ensuit que ces motifs sont cruciaux dans le processus au dernier palier, compte tenu du caractère définitif de la décision rendue par le CEMD et du fait que le recours suivant dont disposent les membres des Forces canadiennes soit la présentation d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour.

(2)               Incidence sur la décision en l’espèce et, possiblement, sur les décisions antérieures

[48]           En dernier lieu, le Comité fait valoir qu’avant que cette question soit soulevée, le rapport des conclusions et recommandations était fourni au CEMD ou à son délégué au dernier palier du processus de règlement des griefs. Il s’ensuit que si la Cour conclut que le CEMD doit effectivement agir à titre d’Autorité initiale dans certains dossiers, et qu’il peut le faire après l’examen du Comité, la question à savoir si les dossiers antérieurs peuvent être rouverts se pose. En fait, dans ces dossiers où le CEMD aurait été l’Autorité initiale appropriée, la décision finale qui suivait les conclusions et recommandations du Comité ainsi que la décision du CEMD pourrait éventuellement ne plus être définitive.

C.                 Le Procureur général du Canada

[49]           Le défendeur soutient que la demande devrait être rejetée, tout d’abord parce qu’elle est prématurée, et deuxièmement, à titre subsidiaire, parce que la décision du CEMD est raisonnable.

(1)               La demande est prématurée

[50]           Le défendeur soutient que la demande du Colonel Ouellette est prématurée, puisque seules les décisions rendues par l’Autorité de dernière instance sont assujetties au contrôle judiciaire de la Cour, et que le CEMD a agi, à juste titre, comme Autorité initiale.

[51]           Sur le premier point, le défendeur prétend que le Colonel Ouellette conteste une décision rendue au palier de l’Autorité initiale, lequel est le premier palier d’un processus de règlement des griefs militaires en deux paliers, et que le colonel n’avait donc pas épuisé les recours à sa disposition, et qu’il ne peut donc pas demander à la Cour d’intervenir.

[52]           Le défendeur soutient aussi que l’affirmation du Colonel Ouellette selon laquelle il serait inapproprié de la part du CEMD d’agir à titre d’Autorité initiale et, ensuite, à titre d’Autorité de dernière instance lors de l’examen de sa propre décision antérieure n’est pas fondée. En fait, le régime législatif envisage cette situation et la permet (Zimmerman c Canada (Procureur général), 2011 CAF 43, au paragraphe 4).

[53]           Le défendeur décrit tout d’abord le processus de règlement des griefs en deux paliers des Forces canadiennes et il renvoie en particulier la Cour aux paragraphes 7.07(2) et (3) des ORFC, dans leur ancienne version, lesquels envisagent expressément que le CEMD puisse agir à titre d’Autorité initiale dans certaines circonstances. En outre, le défendeur soutient que le CEMD a le pouvoir discrétionnaire de renvoyer des griefs au Comité pour examen, et que, conformément au paragraphe 29.12(1) de la Loi, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas expressément ou implicitement limité au palier auquel il agit.

[54]           Quant au deuxième point, le défendeur soutient que la conclusion du CEMD selon laquelle il était obligé d’agir à titre d’Autorité initiale est inadéquate.

[55]           En fait, puisque la décision de retirer le commandement au Colonel Ouellette a été signée et initiée par le Commandant du COMFEC, le CEMD était l’agent supérieur suivant dans la hiérarchie et il avait donc l’obligation d’agir à titre d’Autorité initiale, d’examiner le grief et de rendre une décision quant à celui‑ci. De plus, selon la version des ORFC qui était en vigueur à ce moment‑là, seules deux circonstances permettaient au grief d’être renvoyées directement à l’Autorité de dernière instance, lorsque le plaignant le demandait : (1) lorsqu’une Autorité initiale, autre que le CEMD, n’avait pas rendu une décision quant à un grief dans les 60 jours de la réception (article 7.07 des ORFC) et (2) lorsqu’un plaignant n’est pas satisfait du redressement qui lui a été octroyé (article 7.10 des ORFC), et aucune de ces exceptions ne s’appliquaient en l’espèce.

[56]           En outre, le défendeur soutient que le Colonel Ouellette s’était opposé à ce que son grief soit renvoyé directement à l’Autorité initiale, au motif qu’il avait droit aux avantages d’une décision rendue par l’Autorité initiale. Ce n’est qu’après que le Colonel Ouellette eut présenté une plainte au sujet de l’absence de décision rendue au stade de l’Autorité initiale, et que le Comité eut fait des commentaires quant à cette question, que le CEMD a avisé le Colonel Ouellette qu’il agirait à titre d’Autorité initiale. Comme le Colonel Ouellette a eu l’occasion de présenter des observations quant à cette question, son allégation selon laquelle il y a eu violation d’une attente légitime est sans fondement. Quoi qu’il en soit, la théorie de l’attente légitime ne s’applique uniquement qu’aux observations qui sont de nature procédurale et elle ne peut pas supplanter les régimes établis par la loi. En l’espèce, le CEMD avait l’obligation légale d’agir à titre d’Autorité initiale.

[57]           Le défendeur soutient que rien dans la loi ne prévoit que le CEMD ne pouvait pas renvoyer un grief au Comité alors qu’il agit à titre d’Autorité initiale. Si le législateur avait l’intention de limiter des renvois au Comité seulement lorsque le grief est instruit devant l’Autorité de dernière instance, il l’aurait fait de manière expresse. Quoi qu’il en soit, si le CEMD n’avait pas compétence pour renvoyer l’affaire au Comité, cette erreur alléguée n’a aucune incidence sur son obligation d’agir à titre d’Autorité initiale. La seule incidence serait celle selon laquelle le Comité n’avait pas compétence pour examiner le grief et que ses conclusions et recommandations n’ont pas à être examinées. Rien ne démontre que la décision serait différente sans les conclusions et recommandations, lesquelles n’ont, pour la plupart, pas été acceptées par le CEMD.

(2)               La décision du CEMD est raisonnable

[58]           Le défendeur soutient, à titre préliminaire, que le dossier du Colonel Ouellette renferme des éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur. En fait, le Colonel Ouellette se fonde sur un affidavit contenant des documents et des renseignements dont le CEMD ne disposait pas. Son mémoire des faits et du droit comprend aussi des documents et des renseignements qui ne sont pas en preuve devant la Cour, et l’ensemble de ces nouveaux renseignements devrait donc être radié du dossier et ne pas être examiné par la Cour.

[59]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité.

[60]           Subsidiairement, le défendeur soutient (1) que la décision de retirer le commandement au Colonel Ouellette constituait une réponse appropriée; (2) que les conclusions du CEMD sont appuyées par la preuve; (3) que le processus de règlement des griefs a bel et bien réglé le manquement à l’équité procédurale antérieur; (4) que le CEMD a effectué un examen adéquat des conclusions et recommandations du Comité et qu’il a donné les motifs pour lesquels il les a rejetées, et (5) que le CEMD a agi de manière raisonnable en rejetant les objections relatives au retard dans le traitement du grief.

III.             Les questions en litige

[61]           La question, telle que formulée par le défendeur, est déterminante en l’espèce. Si la Cour conclut que le CEMD avait l’obligation d’agir à titre d’Autorité initiale, et qu’il pouvait effectivement agir en une telle capacité même après avoir renvoyé le grief au Comité, la demande est alors bel et bien prématurée, au titre de l’article 29.15 de la Loi. D’un autre côté, si la Cour conclut que le CEMD n’avait pas l’obligation d’agir à titre d’Autorité initiale et qu’il ne pouvait pas dans les faits agir ainsi dans le contexte, la Cour doit alors renvoyer l’affaire  au CEMD pour qu’il rende une nouvelle décision quant au grief, et ce, à titre d’Autorité de dernière instance. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas nécessaire que la Cour examine la question de savoir si la décision est, sur le fond, raisonnable ou non.

IV.             La norme de contrôle applicable

[62]           Le présent litige a trait à l’interprétation, par le CEMD, de « sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie », au regard des faits en l’espèce. La Cour doit donc faire preuve de retenue dans son contrôle judiciaire, et la question en litige, soit celle de savoir si le CEMD a agi à titre d’Autorité initiale ou à titre d’Autorité de dernière instance, sera examinée selon la norme de la raisonnabilité (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association), 2011 CSC 61, au paragraphe 34; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54; Moodie c Canada (Procureur général), 2015 CAF 87, aux paragraphes 51 et 52).

V.                Analyse

[63]           Pour les motifs exposés ci‑dessous, compte tenu des faits particuliers de l’espèce, je conclus que le CEMD devait rendre une décision à titre d’Autorité de dernière instance, puisque l’affaire avait été renvoyée au Comité, et ce, même si aucune décision au stade de l’Autorité initiale n’avait été rendue. J’accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

[64]           En rendant cette décision, la Cour a uniquement examiné les renseignements dont disposait le CEMD au moment de sa décision et qui, par conséquent, étaient contenus dans le dossier certifié du Tribunal. Aucune circonstance ne  justifie de s’écarter du principe général selon lequel les contrôles judiciaires se déroulent généralement sur la foi du dossier présenté au décideur (Callaghan c Canada (Directeur général des élections), 2011 CAF 74, au paragraphe 82).

[65]           La Cour souhaite mettre une fois de plus l’accent sur le contexte factuel particulier de la présente affaire, puisque le CEMD a eu son mot à dire dans la décision de retirer au Colonel Ouellette son commandement, qu’il aurait été l’Autorité initiale et qu’il a été l’Autorité de dernière instance. Le CEMD avait donc pris part à la décision de retirer au Colonel Ouellette le commandement, et il est le décideur, aux deux paliers, lors du contrôle de cette décision. Il va donc de soi qu’un examen indépendant du Comité semblait donc encore plus nécessaire.

[66]           Le processus de règlement des griefs militaires est régi par la Loi, par les ORFC et par les DOAD. Cela est bien documenté et la Cour va donc uniquement en souligner les aspects essentiels de manière succincte.

[67]           Le droit de présenter un grief est énoncé à l’article 29 de la Loi, dont le libellé est reproduit à l’annexe.

[68]           Le processus de règlement des griefs comprend deux paliers. L’article 29.1 de la Loi prévoit que les autorités qui sont initialement saisies d’un grief et qui peuvent ensuite en connaître sont désignées par règlements du gouverneur en conseil, et l’article 29.11 énonce que le CEMD est l’Autorité de dernière instance dans le processus.

[69]           La réglementation, qui se trouve au chapitre 7 des ORFC, régit les conditions dans lesquelles le grief peut être présenté. Le processus de règlement des griefs militaires s’amorce lorsqu’un plaignant soumet un grief à son commandant, qui agit à titre d’Autorité initiale s’il peut accorder le redressement sollicité, ou qui le transmet à l’agent responsable s’il ne peut pas. Un plaignant qui n’est pas satisfait de la décision rendue par l’Autorité initiale peut demander une révision auprès de l’Autorité de dernière instance, qui est le CEMD, ou, dans certains cas, son délégué.

[70]           Le renvoi au Comité est prévu à l’article 29.12 de la Loi, donc immédiatement après la désignation du CEMD à titre d’Autorité de dernière instance, et il doit être effectué par le CEMD. Le renvoi est obligatoire ou discrétionnaire, selon les circonstances. Même si l’article 29.12 de la Loi est explicite quant au fait que le CEMD doit procéder au renvoi, il ne limite pas expressément le renvoi aux cas où le CEMD agit à titre d’Autorité de dernière instance, et le défendeur prétend donc que le CEMD peut aussi renvoyer un grief au Comité lorsqu’il agit à titre d’Autorité initiale.

[71]           La Cour ne souscrit pas à la thèse du défendeur. La structure et les objectifs des dispositions pertinentes de la Loi et des ORFC mènent à la conclusion selon laquelle le CEMD doit renvoyer l’affaire au Comité uniquement lorsqu’il agit à titre d’Autorité de dernière instance. La thèse du défendeur selon laquelle le renvoi au Comité peut être effectué autant au palier de l’Autorité initiale qu’à celui de l’Autorité de dernière instance semble incompatible avec les objectifs poursuivis par les modifications à la Loi et aux ORFC, c’est-à-dire, l’accélération du processus de règlement des griefs (Gabriel, au paragraphe 35).

[72]           Cette interprétation est aussi compatible avec le Tableau du processus de grief de la DAOD 2017-1, lequel prévoit que l’Autorité de dernière instance doit trancher la question de savoir si un grief sera renvoyé au Comité et que l’Autorité de dernière instance rendra une décision quant au grief dès la réception des conclusions et recommandations du Comité.

[73]           De plus, la jurisprudence de la Cour mène aussi à la conclusion selon laquelle le CEMD renvoie l’affaire au Comité lorsqu’il agit à titre d’Autorité de dernière instance, et non à titre d’Autorité initiale. Dans l’examen de la question de savoir si le CEMD avait fourni des motifs suffisants pour rejeter les conclusions et recommandations du Comité, le juge Mandamin a énoncé que ces dernières constituent « l’avantdernier examen qui a eu lieu avant que le CEMD n’examine luimême le grief » (Smith c Canada (Chef d’état-major de la défense), 2010 CF 321 au paragraphe 26). En outre, le juge Simon Noël a fait remarquer que les décisions du Comité sont envoyées au CEMD pour décision définitive (Bernath c Canada, 2007 CF 104, au paragraphe 87).

[74]           Dans la présente affaire, compte tenu du fait que le CEMD a pris part à la prise de décision ainsi que, possiblement, aux deux paliers du processus d’examen, la Cour est convaincue que la prise d’une décision au stade de l’Autorité initiale n’était pas obligatoire et qu’il était déraisonnable de tirer une autre conclusion.

[75]           En outre, le Colonel Ouellette a fait ressortir que dans toute la correspondance officielle qu’il avait reçue du ministère de la Défense nationale de novembre 2010 à août 2013 au sujet de son grief, le CEMD était désigné à titre d’Autorité de dernière instance. Je suis convaincue que le Colonel Ouellette avait l’attente légitime que le CEMD agisse en conséquence. La correspondance consiste en des affirmations claires, nettes et explicites à propos du processus administratif qui sera adopté (Canada (Procureur général) c Mavi, [2011] 2 RCS 504, au paragraphe 68).

[76]           Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire en l’espèce sera accueillie et l’affaire sera renvoyée au CEMD pour que ce dernier rende une décision à titre d’Autorité de dernière instance, en se fondant sur les conclusions et recommandations produites par le Comité en décembre 2011.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
  2. La décision rendue le 28 février 2014 est annulée.
  3. L’affaire est renvoyée au Chef de l’état‑major de la Défense pour une nouvelle décision à titre d’Autorité de dernière instance, conformément aux présents motifs.
  4. Le montant de 6 000 $ est accordé au demandeur à titre de dépens.

« Martine St-Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


ANNEXE

29. (1) Tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi.

(2) Ne peuvent toutefois faire l’objet d’un grief :

a) les décisions d’une cour martiale ou de la Cour d’appel de la cour martiale;

b) les décisions d’un tribunal, office ou organisme créé en vertu d’une autre loi;

c) les questions ou les cas exclus par règlement du gouverneur en conseil.

(2.1) Le juge militaire ne peut déposer un grief à l’égard d’une question liée à l’exercice de ses fonctions judiciaires.

(3) Les griefs sont déposés selon les modalités et conditions fixées par règlement du gouverneur en conseil.

(4) Le dépôt d’un grief ne doit entraîner aucune sanction contre le plaignant.

(5) Par dérogation au paragraphe (4), toute erreur qui est découverte à la suite d’une enquête sur un grief peut être corrigée, même si la mesure corrective peut avoir un effet défavorable sur le plaignant.

29. (1) An officer or non-commissioned member who has been aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Canadian Forces for which no other process for redress is provided under this Act is entitled to submit a grievance.

(2) There is no right to grieve in respect of

(a) a decision of a court martial or the Court Martial Appeal Court;

(b) a decision of a board, commission, court or tribunal established other than under this Act; or

(c) a matter or case prescribed by the Governor in Council in regulations.

(2.1) A military judge may not submit a grievance in respect of a matter that is related to the exercise of his or her judicial duties.

(3) A grievance must be submitted in the manner and in accordance with the conditions prescribed in regulations made by the Governor in Council.

(4) An officer or non-commissioned member may not be penalized for exercising the right to submit a grievance.

(5) Notwithstanding subsection (4), any error discovered as a result of an investigation of a grievance may be corrected, even if correction of the error would have an adverse effect on the officer or non-commissioned member.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIeR :

T-677-14

 

INTITULÉ :

COLONEL BERNARD OUELLETTE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUIN 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 21 OctobRe 2015

COMPARUTIONS :

Michel W. Drapeau

Joshua M. Juneau

POUR LE DEMANDEUR

Max Binnie

POUR LE DÉFENDEUR

Barbara McIsaac

POUR L’INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet juridique Michel Drapeau

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

Borden Ladner Gervais

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTERVENANT

 

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