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Date : 20150825


Dossier : IMM-7383-14

Référence : 2015 CF 1007

Ottawa, Ontario, le 25 août 2015

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

CLAUDIA PATRICIA SILVA ANDRADE

ALEXANDER NINO CUELLAR

JUAN CAMILO NINO SILVA

demandeurs

et

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Les demandeurs sont tous trois citoyens colombiens.  Alexander Nino Cuellar et Claudia Patricia Silva sont mari et femme (les demandeurs principaux ou les parents); Juan Camilo Nino Silva (Juan Camilo) est leur fils.  Se disant menacés par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (les FARC), ils ont fui la Colombie et demandé la protection du Canada en mai 2006.  Leur demande a été accueillie en mai 2008 et quelques mois plus tard, soit en février 2009, le statut de résident permanent leur a été octroyé.

[2]               Entre temps, soit en octobre 2008, n’ayant pu récupérer leurs passeports des autorités de Citoyenneté et Immigration Canada et disant vouloir voyager aux États-Unis, les demandeurs principaux présentent aux autorités consulaires colombiennes une demande pour l’émission de nouveaux passeports.  Munis de leurs nouveaux passeports, les demandeurs effectuent, entre juin 2009 et décembre 2012, trois voyages en Colombie d’une durée respective de 50, 40 et 25 jours.  Ils effectuent aussi une quinzaine de voyages aux États-Unis.

[3]               En juin 2014, le défendeur saisit la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SPR), aux termes de l’alinéa 108(1)(a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [la Loi], d’une demande de constat de perte d’asile au motif que les demandeurs, en demandant de nouveaux passeports colombiens et en se rendant dans ce pays à trois reprises, se sont réclamé de nouveau et volontairement de la protection du pays dont ils ont la nationalité.

[4]               Le 17 octobre 2014, la SPR accueille la demande du défendeur et conclut que l’asile accordé aux demandeurs en mai 2008 a été, par conséquent, perdu.  La SPR juge, notamment, qu’en demandant de nouveaux passeports colombiens, une présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays s’est créée à l’encontre des demandeurs, présomption qu’ils ne sont pas parvenus, à son avis, à renverser.

[5]               Les demandeurs adressent une série de reproches à la décision de la SPR, la plupart liés à des considérations d’équité procédurale, et demandent à la Cour d’annuler ladite décision.

[6]               Plus précisément, ils estiment que la SPR a : (i) mis à la disposition des parties et de la Cour un Dossier Certifié du Tribunal incomplet; (ii)  refusé de leur communiquer l’ensemble de la preuve qui était devant elle; (iii) fait naître, par le comportement de la Commissaire qui présidait l’audience (la Commissaire), une crainte raisonnable de partialité; (iv) fait défaut de considérer adéquatement, tant sur le fond que sur la procédure, l’intérêt du demandeur, Juan Camilo, qui avait 17 ans au moment où l’audience s’est tenue; et (v) erré dans son évaluation de la crédibilité des explications fournies par les parents en lien avec la demande de nouveaux passeports et les voyages effectués en Colombie.

[7]               À mon avis, le seul argument qui a du mérite est celui, du fait de son exclusion, concernant le traitement dont Juan Camilo a fait l’objet à l’audience.

II.                Analyse

[8]               Il est bien établi que la norme applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte.  Cela signifie qu’en cette matière, la Cour ne doit aucune déférence aux décisions de la SPR (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paras 54, 79 et 87; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au para 44).

[9]               La procureure des demandeurs soutient ici que la Commissaire était tenue, avant que Juan ne soit exclut de la salle d’audience, de vérifier et de déterminer elle-même, compte tenu de l’âge de celui-ci et conformément au chapitre 7 du Guide des procédures de la Section de l’immigration, lequel traite, notamment, de la présence et de la participation des mineurs aux audiences tenues devant la SPR, de l’à-propos de sa présence et, le cas échéant, de son niveau de participation à l’audience.  Elle estime que la Commissaire a complètement ignoré cette consigne, faisant en sorte que Juan n’a pas eu droit à une audience alors que, selon le Guide des procédures, lorsque le mineur est assez âgé pour témoigner, ce qui était le cas de Juan Camilo, il est préférable d’exiger sa présence.

[10]           La procureure des demandeurs plaide, à cet égard, que Juan Camilo avait des intérêts distincts de ceux de ses parents à faire valoir.  Elle soutient plus particulièrement qu’au moment où ceux-ci ont demandé de nouveaux passeports et ont décidé d’aller séjourner en Colombie, il était trop jeune pour formuler une opinion différente de celle de ses parents et qu’il était dès lors impossible de dire, dans son cas, si les conditions pouvant mener à la perte d’asile étaient réunies, notamment celles relatives au caractère volontaire de l’acte reproché et à l’intention de se réclamer de la protection de la Colombie.  Dans un contexte où il a été personnellement ciblé par les FARC lors des incidents ayant mené la famille à fuir la Colombie, ajoute-t-elle, il était raisonnable de penser que Juan Camilo serait susceptible d’avoir une intention différente de celle de ses parents eu égard aux faits et gestes qui sont à l’origine de la demande de constat de perte d’asile.

[11]           Le défendeur rétorque que Juan Camilo a, de son plein gré, quitté la salle d’audience sans témoigner.  De fait, ajoute-t-il, c’est à la demande du conseil qui représentait les demandeurs lors de cette audience, et après que le père de Juan Camilo, qui agissait à titre de représentant désigné, eût été consulté, que Juan Camilo a quitté la salle pour s’occuper du deuxième enfant du couple, alors âgé de trois ans.  Il en conclut que Juan Camilo n’a pas été privé de la possibilité de témoigner.

[12]           Je ne suis pas d’accord.  Les conséquences liées à la perte d’asile sont importantes dans la mesure où celle-ci emporte perte du statut de résident permanent et interdiction de territoire, tel que le prescrivent les paragraphes 46(1)(c.1) et 40.1(2) de la Loi, respectivement.  Cela requiert une vigilance accrue de la part de la SPR dans la mise en œuvre des règles de l’équité procédurale applicables, particulièrement lorsqu’il est question de la présence et de la participation des mineurs à ses audiences.

[13]           Bien que le Guide des procédures de la Section de l’immigration n’ait pas force de loi, il traduit néanmoins, à ce niveau, des préoccupations exprimées par certains membres de la Cour (Mandi c Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 157 FTR 157; Cadena c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 67).  J’estime que la Commissaire ne devait pas se contenter d’accéder à la demande du conseil des demandeurs d’exclure Juan Camilo de la salle d’audience.  Même après avoir sollicité le consentement du père de Juan Camilo à cette demande, elle se devait de vérifier et de déterminer elle-même s’il n’était pas préférable que celui-ci soit présent et s’il n’était pas nécessaire qu’il témoigne.  Comme ce fut le cas dans l’affaire Mandi, précitée, personne ne s’est enquis auprès du principal intéressé de ce que, lui, souhaitait faire alors que rendu à l’âge de 17 ans, il avait certainement acquis la capacité de se former et d’exprimer une opinion quant à son intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays d’origine.

[14]           Dans un contexte où les conséquences d’une perte d’asile pourraient être particulièrement significatives pour lui, notamment parce qu’il a été personnellement ciblé par les FARC, cette vérification, à mon avis, s’imposait et c’est à la Commissaire qu’il revenait de la faire.

[15]           Sur ce plan – et dans cette seule mesure – la décision de la SPR, analysée à l’aulne de la norme de la décision correcte, doit être annulée et le dossier, retourné à la SPR, différemment constituée, pour que Juan Camilo se voie accorder la possibilité de se faire entendre.

[16]           Comme je l’ai indiqué précédemment, sous tous ses autres aspects, la demande de contrôle judiciaire doit échouer.

[17]           Je ne peux, d’une part, accepter l’argument voulant que la décision de la SPR soit irrémédiablement viciée au motif que le Dossier Certifié du Tribunal confectionné par la SPR aux fins des présentes procédures serait incomplet parce qu’on n’y retrouverait pas le dossier de la demande d’asile qui était pourtant, soutiennent les parents, devant la SPR au moment de l’audience.

[18]           Or, comme le fait remarquer le défendeur, si les demandeurs principaux jugeaient le Dossier Certifié du Tribunal incomplet, il leur était loisible de présenter une requête à la Cour pour que la situation soit corrigée, si tant est qu’une correction fût nécessaire et justifiée (Yadav c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 140, au para 23).  Pour une raison ou une autre, ils ne l’ont pas fait.  Mais quoi qu’il en soit, ce moyen ne peut être retenu pour une autre raison : il est clair de la transcription de l’audience que le dossier de la demande d’asile, s’il s’est retrouvé par erreur devant la Commissaire en début d’audience en raison des modes de fonctionnement du greffe de la SPR, du moins à l’époque, a été séparé du dossier de la demande de constat de perte d’asile et n’a pas été considéré dans l’examen de ladite demande.

[19]           La transcription de l’audience révèle en effet que la Commissaire a pris bien soin de préciser aux parties, dès l’ouverture de celle-ci, qu’elle avait devant elle à la fois le dossier de la demande de constat de perte d’asile et celui de la demande d’asile.  Elle a toutefois très clairement avisé les parties qu’elle n’avait par ailleurs aucunement l’intention de lire ou de tenir compte du dossier de la demande d’asile aux fins de la décision qu’elle avait à rendre sur la demande de constat de perte d’asile et que ledit dossier allait être retourné au greffe.  Par « acquit de conscience », elle leur a proposé de leur à montrer le dossier de la demande d’asile, si elles le jugeaient souhaitable.

[20]           Il me paraît donc évident, dans ce contexte, que le dossier de la demande d’asile n’avait pas à faire partie du Dossier Certifié du Tribunal puisque, selon ce que révèle la transcription de l’audience, il a été, comme il se devait, écarté par la Commissaire.  Cette dernière me paraît avoir fait preuve, dans les circonstances, de toute la transparence voulue et à avoir dissipé tout doute quant au matériel qui était pertinent aux fins de l’examen de la demande de constat de perte d’asile.

[21]           De plus, les demandeurs principaux n’ont pas contesté ce modus operandi devant la SPR.  Comme la Cour d’appel fédérale le rappelait encore tout récemment dans l’affaire Maritime Broadcasting System Limited c La Guilde Canadienne des Médias, 2014 CAF 59, au paragraphe 67, une partie doit soulever une allégation de manquement à l’équité procédurale à la première occasion qui lui est donnée, c'est-à-dire, dès qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle soulève l’objection.  Si elle ne le fait pas, elle est considérée comme ayant renoncé à tout droit de soulever la question lors d’un contrôle judiciaire.  C’est le cas en l’espèce.

[22]           Je ne peux davantage faire droit à l’argument voulant que la Commissaire ait manqué aux règles de l’équité procédurale en donnant au conseil des demandeurs 15 minutes pour consulter le dossier de la demande d’asile et choisir les documents à photocopier, au lieu de lui communiquer l’ensemble du dossier.

[23]           Or, encore une fois, ce n’est pas ce qu’il faut comprendre de ce qui s’est déroulé à l’audience.  Cet argument est lié, lui aussi, au dossier de la demande d’asile.  Comme je viens de le mentionner, la Commissaire, par souci de transparence, a offert aux parties de consulter ce dossier avant de le retourner au greffe et d’identifier les documents dont elles voudraient tirer des copies.  Seul le conseil des demandeurs s’est prévalu de cette offre, le représentant du défendeur indiquant d’entrée de jeu qu’il n’avait besoin d’aucun document.  La séance a été suspendue une quinzaine de minutes pour permettre au conseil des demandeurs de consulter le dossier de la demande d’asile.  Au retour de la pause, ce dernier a indiqué n’avoir besoin que d’un document, à savoir la liste des pièces.  Une photocopie dudit document lui a été remise.  Jamais le conseil des demandeurs ne s’est opposé à cette façon de procéder.

[24]           Cet argument est donc sans mérite.  Quoi qu’il en soit, sur la base de l’arrêt Maritime Broadcasting System Limited, les demandeurs sont forclos de le soulever au stade des présentes procédures puisque rien ne les empêchait de faire part à la Commissaire de leur réticence à procéder de la sorte ou encore de lui demander davantage de temps pour consulter le dossier.  Rien de cela n’a été fait.

[25]           Les demandeurs sont également forclos de prétendre à la partialité de la Commissaire.  Comme la Cour l’a rappelé à de nombreuses occasions, une allégation de partialité doit être soulevée sans délai pour que le décideur soit à même de se récuser et pour que soient ainsi ménagées les ressources judiciaires et quasi judiciaires, lesquelles ne sont pas illimitées.  Ce principe est bien ancré dans la jurisprudence et le défaut de s’y conformer entraîne généralement avec lui la forclusion de l’argument de partialité (Acuna, précité au para 35; Fletcher c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 909, au para 17; Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1398, 422 FTR 108, au para 26).

[26]           En l’espèce, les demandeurs, qui étaient pourtant assistés d’un conseil à l’audience, n’ont, lors de celle-ci, ni demandé la récusation de la Commissaire ni même fait part de leurs préoccupations face à ce qu’ils disent être aujourd’hui un comportement répréhensible de sa part.  Sur cette seule base, cet argument doit échouer.  Quoi qu’il en soit, il est dénué de tout fondement.

[27]           Je tiens à rappeler la gravité d’une allégation de partialité puisqu’elle met en doute l’intégrité du décideur.  La jurisprudence nous enseigne qu’une telle allégation ne peut être faite à la légère et doit en conséquence être étayée par des preuves concrètes faisant ressortir un comportement dérogatoire à la norme.  En d’autres termes, elle ne peut reposer sur de simples soupçons, des insinuations ou encore sur de simples impressions d’une partie ou de son procureur (Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, au para 8; Gabor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1162, au para 34; Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 809, au para11; Maxim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1029, au para 30).

[28]           En l’espèce, les reproches adressés à la Commissaire ne tiennent pas la route.  D’une part, les demandeurs s’offusquent du fait qu’on ne leur ait pas permis d’obtenir une copie entière du dossier de la demande d’asile sous prétexte de considérations environnementales.  La question du dossier de la demande d’asile a déjà été discutée et il n’y rien à ajouter.  Le soi-disant « discours écologiste » de la Commissaire était, pour elle, une façon imagée de dire qu’il ne servait à rien de reproduire en entier un dossier s’il n’était pas strictement nécessaire de le faire.

[29]            Il va de soi que cela n’est pas de nature à soulever une crainte raisonnable de partialité aux yeux d’une « personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » (Committee for Justice and Liberty c Canada (L'Office national de l'énergie), [1978] 1 RCS 369, page 394).

[30]           Les demandeurs principaux reprochent aussi à la Commissaire de leur avoir posé – ou permis que leur soit posé – en deux occasions des questions susceptibles de les induire en erreur ou de les confondre davantage.  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les demandeurs sombrent ici dans la micro-analyse ex post facto du déroulement de l’audience.  Je suis aussi d’accord avec le défendeur pour dire que la transcription de l’audience révèle une Commissaire patiente et attentive.  Si la Commissaire est par ailleurs effectivement intervenue pour demander aux parents de cesser de chuchoter entre eux, il faut mentionner que leur conseil a aussi jugé nécessaire de leur dire.

[31]           L’argument de partialité est rejeté.

[32]           Finalement, la prétention voulant que la Commissaire ait erré dans son évaluation de la crédibilité des explications fournies par les deux parents en lien avec la demande de nouveaux passeports et les voyages effectués en Colombie ne justifie pas, à mon avis, l’intervention de la Cour.  Ici, la norme de contrôle change.  Il faut examiner ce moyen sous l’angle de la décision raisonnable puisqu’il soulève des questions mixtes de fait et de droit relevant de l’expertise de la SPR.  Suivant cette norme de contrôle, la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions tirées par la SPR et n’interviendra, en conséquence, que si celles-ci, d’une part, ne possèdent pas les attributs de la justification, de la transparence ou de l'intelligibilité et, d’autre part, n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au para 47).

[33]           Toujours suivant cette norme, il n’appartient surtout pas à la Cour de substituer sa propre appréciation de la preuve au dossier à celle à laquelle s’est livrée la SPR (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au para 59).

[34]           Comme l’a correctement noté la SPR, trois conditions doivent être satisfaites pour pouvoir conclure qu’un acte posé par un étranger à qui le Canada a accordé sa protection emporte perte d’asile : (i) l’acte doit avoir été volontaire; (ii) il doit révéler une intention de se réclamer de la protection du pays d’origine de l’étranger; et (iii) cette protection doit avoir été réellement obtenue.  Par ailleurs, l’intention de se réclamer de la protection de ce pays se présume lorsque l’étranger demande à ce pays de lui délivrer un passeport (Nsende c Canada, 2008 CF 531, 327 FTR 315).

[35]           En l’espèce, la SPR a notamment jugé qu’en retournant à trois reprises en Colombie, pays où ils estimaient leur vie et celle de leur fils en danger, pour y recevoir des soins médicaux (soigner une tendinite, recevoir un traitement d’orthodontie et subir un examen annuel), par ailleurs non-urgents et disponibles au Québec ou ailleurs qu’en Colombie, les demandeurs principaux s’étaient de nouveau volontairement réclamés de la protection des autorités de ce pays au sens du paragraphe 108(1)(a) de la Loi.  La SPR s’est entre autres questionnée sur le fait qu’à chaque occasion, malgré le danger imminent, toute la famille se soit déplacée en Colombie, à Cali par surcroît, soit là où les menaces les ayant poussé à quitter ce pays avaient été proférées, et qu’elle se soit ainsi déplacée pour des raisons visiblement non impératives.

[36]           À la lumière de la preuve au dossier, je ne peux dire que cette conclusion se situe hors du champ des issues possibles acceptables en regard des faits et du droit.  En d’autres termes, elle possède un fondement rationnel, faisant en sorte qu’il n’y a pas davantage lieu, pour la Cour, d’intervenir sur ce point.

[37]           La présente demande de contrôle judiciaire ne sera donc accueillie qu’à l’égard du demandeur Juan Camilo Nino Silva de manière à lui donner l’occasion de se faire entendre.

[38]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a sollicité la certification d’une question pour la Cour d’appel fédérale, tel que le permet le paragraphe 74(d) de la Loi.  J’estime aussi qu’il n’y pas lieu de certifier une question.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie à l’égard du demandeur Juan Camilo Nino Silva;
  2. L’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés, différemment constituée, de manière à donner au demandeur Juan Camilo Nino Silva l’occasion de se faire entendre;
  3. La demande de contrôle judiciaire est rejetée à tout autre égard;
  4. Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7383-14

INTITULÉ :

CLAUDIA PATRICIA SILVA ANDRADE, ALEXANDER NINO CUELLAR, JUAN CAMILO NINO SILVA c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 mai 2015

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 25 AOÛT 2015

COMPARUTIONS :

Me Marie Pierre Labbé

Pour les demandeurs

Me Émilie Tremblay

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William Aguilar et Associés Inc.

Montréal (Québec)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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