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Date : 20150807


Dossier : T‑955‑10

Référence : 2015 CF 956

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 août 2015

En présence du juge Russell

ENTRE :

SHELDON BLANK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 [la Loi], qui vise le refus du ministère de la Justice [le ministère de la Justice] de communiquer certains documents en réponse à la demande de communication déposée par le demandeur en vertu de la Loi.

II.                CONTEXTE

[2]               La présente demande la dernière en date d’une longue liste de demandes déposées par M. Blank en vertu de l’article 41 de la Loi pour obtenir la communication de renseignements qui ne lui ont pas été communiqués lorsqu’il en a fait la demande.

[3]               Le contexte général des demandes de renseignements de M. Blank et de ses demandes en vertu de l’article 41 a été résumé par la Cour d’appel fédérale dès 2004 dans Blank c Canada (Ministre de la Justice), 2004 CAF 287 [Blank CAF 2004] :

[5]        Le 17 octobre 1997, l'appelant a présenté une première demande au Bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels (Bureau) du ministère de la Justice afin d'obtenir tous les documents relatifs aux poursuites intentées contre lui et contre la société Gateway Industries Ltd. (Gateway) pour des infractions réglementaires perpétrées contrairement à la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14 et au Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers, DORS/92-269.

[6]        L'appelant était un dirigeant de Gateway, une société qui exploitait une papeterie à Winnipeg. Treize (13) accusations ont été portées contre lui et contre Gateway en juillet 1995 : cinq accusations reliées à la pollution alléguée de la rivière Rouge et huit accusations pour contravention aux exigences en matière de rapport, conformément à la Loi sur les pêches. Il s'en est suivi une saga judiciaire concernant la poursuite de ces accusations. Résumons en disant que la Cour provinciale du Manitoba a annulé les huit accusations relatives aux exigences en matière de rapport en avril 1997. La poursuite relative aux infractions de pollution punissables sur déclaration sommaire de culpabilité s'est poursuivie, mais la Cour du Banc de la Reine du Manitoba les a annulées le 10 avril 2001. En juillet 2002, la Couronne a porté de nouvelles accusations par voie de mise en accusation. Le procès devait avoir lieu du 19 avril 2004 au 25 juin 2004, mais en février 2004, la Couronne a suspendu la procédure et elle a avisé l'appelant que la poursuite ne serait pas rétablie.

[7]        L'appelant et la société Gateway ont intenté une poursuite en dommages-intérêts contre le gouvernement fédéral en alléguant la fraude, le complot, le parjure et l'abus de pouvoir en matière de poursuite. L'appelant a tenté d'obtenir des documents du gouvernement en conformité avec la Loi tant dans le contexte de la poursuite pénale que de l'action civile.

[4]               La demande de communication sous-jacente à la présente demande en vertu de l’article 41 est datée du 4 juin 2004 et elle a été reçue au ministère de la Justice le 14 juin 2004. On peut y lire le passage utile suivant (dossier du défendeur, page 19) :

[traduction]

Tous les documents ayant trait à la continuation de la poursuite par voie de mise en accusation et tous les documents ayant trait à l’éventuelle décision de suspendre l’instance.

(Dans la poursuite en vertu de la Loi sur les pêches intentée contre moi‑même et mon entreprise Gateway Industries Ltd.)

[5]               La demande a été traitée, et sept cent quatre-vingt‑dix‑huit (798) pages ont été communiquées à M. Blank le 30 mars 2007. Certaines parties des documents demandés n’ont pas été communiquées en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi (renseignements personnels), du paragraphe 21(1) (avis, recommandations, consultations ou délibérations du gouvernement) et du paragraphe 23 (secret professionnel des avocats). Ces parties ont été caviardées. Certains documents n’ont pas été communiqués du tout conformément à ces mêmes exceptions.

[6]               Le 1er août 2007, M. Blank a adressé au Commissariat à l’information du Canada [le Commissariat] une plainte pour [traduction] « caviardage abusif et exceptions non fondées » en invoquant l’article 30 de la Loi. Il s’en est suivi la communication de certains renseignements antérieurement refusés.

[7]               En mai 2010, le Commissariat terminait son enquête sur la plainte du demandeur et concluait que certaines parties de la plainte étaient fondées : le ministère de la Justice n’avait pas respecté les délais prévus par la réglementation, et certains des renseignements communiqués à la suite de la plainte n’auraient pas dû être exclus. Le Commissariat a conclu que des renseignements personnels avaient été dûment retenus conformément à l’article 19 et que le paragraphe 21(1) et les articles 23 et 25 avaient été correctement appliqués.

[8]               En juin 2010, le demandeur a déposé une demande en vertu de l’article 41 pour obtenir de la Cour qu’elle vérifie les documents non communiqués. Le demandeur conteste le recours, par le ministère de la Justice, aux exceptions prévues au paragraphe 21(1) et à l’article 23, ainsi que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les documents et son application de l’article 25 de la Loi (prélèvements).

III.             LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]               Le demandeur soulève les questions suivantes en l’espèce :

1.      La Cour doit‑elle faire preuve de déférence à l’égard des conclusions du Commissariat?

2.      Le ministère de la Justice s’est‑il acquitté de son obligation de prêter assistance, obligation prévue au paragraphe 4(2.1) de la Loi?

3.      Le ministère de la Justice peut‑il invoquer le secret professionnel de l’avocat à l’égard de documents qui dénoncent des abus de procédure et autres conduites répréhensibles?

4.      La poursuite s’est‑elle rendue coupable de comportements blâmables ayant porté atteinte aux droits du demandeur en vertu des articles 7 et 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi sur le Canada de 1982 (R.‑U.), 1982, c 11 [la Charte]?

[10]           Le défendeur fait valoir que la Cour n’est saisie que de deux questions dans une demande déposée en vertu de l’article 41. La première est celle de savoir si l’exception revendiquée a été correctement invoquée et la deuxième, celle de savoir si le pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer un document a été correctement exercé.

IV.             LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Responsable de l’institution fédérale

Responsibility of government institutions

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

a) les citoyens canadiens;

(a) a Canadian citizen, or

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.

[…]

[…]

Droit d’accès

Right to access to records

(2.1) Le responsable de l’institution fédérale fait tous les efforts raisonnables, sans égard à l’identité de la personne qui fait ou s’apprête à faire une demande, pour lui prêter toute l’assistance indiquée, donner suite à sa demande de façon précise et complète et, sous réserve des règlements, lui communiquer le document en temps utile sur le support demandé.

(2.1) The head of a government institution shall, without regard to the identity of a person making a request for access to a record under the control of the institution, make every reasonable effort to assist the person in connection with the request, respond to the request accurately and completely and, subject to the regulations, provide timely access to the record in the format requested.

[…]

[…]

Avis, etc.

Advice, etc.

21. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant :

21. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains

a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;

(a) advice or recommendations developed by or for a government institution or a minister of the Crown,

b) des comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale, un ministre ou son personnel;

(b) an account of consultations or deliberations in which directors, officers or employees of a government institution, a minister of the Crown or the staff of a minister participate,

[…]

[…]

if the record came into existence less than twenty years prior to the request.

[…]

Secret professionnel des avocats

Solicitor-client privilege

23. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

23. The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains information that is subject to solicitor-client privilege.

[…]

[…]

Prélèvements

Severability

25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

25. Notwithstanding any other provision of this Act, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Act by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.

[…]

[…]

Révision par la Cour fédérale

Review by Federal Court

41. La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.

[…]

[…]

Charge de la preuve

Burden of proof

48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée.

48. In any proceedings before the Court arising from an application under section 41 or 42, the burden of establishing that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose a record requested under this Act or a part thereof shall be on the government institution concerned.

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé

Order of Court where no authorization to refuse disclosure found

49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

49. Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Act or a part thereof on the basis of a provision of this Act not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

[…]

[…]

Frais et dépens

Costs

53. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

53. (1) Subject to subsection (2), the costs of and incidental to all proceedings in the Court under this Act shall be in the discretion of the Court and shall follow the event unless the Court orders otherwise.

Idem

Idem

(2) Dans les cas où elle estime que l’objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

(2) Where the Court is of the opinion that an application for review under section 41 or 42 has raised an important new principle in relation to this Act, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.

[12]           Les dispositions suivantes des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles des Cours fédérales] sont applicables en l’espèce :

Contre-interrogatoire de l’auteur d’un affidavit

When cross-examination may be made

84. (1) Une partie ne peut contre-interroger l’auteur d’un affidavit déposé dans le cadre d’une requête ou d’une demande à moins d’avoir signifié aux autres parties chaque affidavit qu’elle entend invoquer dans le cadre de celle-ci, sauf avec le consentement des autres parties ou l’autorisation de la Cour.

84. (1) A party seeking to cross-examine the deponent of an affidavit filed in a motion or application shall not do so until the party has served on all other parties every affidavit on which the party intends to rely in the motion or application, except with the consent of all other parties or with leave of the Court.

Dépôt d’un affidavit après le contre-interrogatoire

Filing of affidavit after cross-examination

(2) La partie qui a contre-interrogé l’auteur d’un affidavit déposé dans le cadre d’une requête ou d’une demande ne peut par la suite déposer un affidavit dans le cadre de celle-ci, sauf avec le consentement des autres parties ou l’autorisation de la Cour.

(2) A party who has cross-examined the deponent of an affidavit filed in a motion or application may not subsequently file an affidavit in that motion or application, except with the consent of all other parties or with leave of the Court.

[…]

[…]

Affidavits du demandeur

Applicant’s affidavits

306. Dans les trente jours suivant la délivrance de l’avis de demande, le demandeur signifie les affidavits et pièces documentaires qu’il entend utiliser à l’appui de la demande et dépose la preuve de signification. Ces affidavits et pièces sont dès lors réputés avoir été déposés au greffe.

306. Within 30 days after issuance of a notice of application, an applicant shall serve its supporting affidavits and documentary exhibits and file proof of service. The affidavits and exhibits are deemed to be filed when the proof of service is filed in the Registry.

[…]

[…]

Dossier du demandeur

Applicant's record

309. (1) Le demandeur signifie et dépose son dossier dans les 20 jours suivant la date du contre-interrogatoire des auteurs des affidavits déposés par les parties ou dans les 20 jours suivant l’expiration du délai prévu pour sa tenue, selon celui de ces délais qui est antérieur à l’autre.

309. (1) An applicant shall serve and file the applicant’s record within 20 days after the day on which the parties’ cross-examinations are completed or within 20 days after the day on which the time for those cross-examinations is expired, whichever day is earlier.

[…]

[…]

Contenu du dossier du demandeur

Contents of applicant's record

(2) Le dossier du demandeur contient, sur des pages numérotées consécutivement, les documents suivants dans l’ordre indiqué ci-après :

(2) An applicant's record shall contain, on consecutively numbered pages and in the following order,

a) une table des matières indiquant la nature et la date de chaque document versé au dossier;

(a) a table of contents giving the nature and date of each document in the record;

b) l’avis de demande;

(b) the notice of application;

c) le cas échéant, l’ordonnance qui fait l’objet de la demande ainsi que les motifs, y compris toute dissidence;

(c) any order in respect of which the application is made and any reasons, including dissenting reasons, given in respect of that order;

d) les affidavits et les pièces documentaires à l’appui de la demande;

(d) each supporting affidavit and documentary exhibit;

e) les transcriptions des contre-interrogatoires qu’il a fait subir aux auteurs d’affidavit;

(e) the transcript of any cross-examination on affidavits that the applicant has conducted;

e.1) tout document ou élément matériel certifié par un office fédéral et transmis en application de la règle 318 qu’il entend utiliser à l’audition de la demande;

(e.1) any material that has been certified by a tribunal and transmitted under Rule 318 that is to be used by the applicant at the hearing;

f) les extraits de toute transcription des témoignages oraux recueillis par l’office fédéral qu’il entend utiliser à l’audition de la demande;

(f) the portions of any transcript of oral evidence before a tribunal that are to be used by the applicant at the hearing;

g) une description des objets déposés comme pièces qu’il entend utiliser à l’audition;

(g) a description of any physical exhibits to be used by the applicant at the hearing; and

h) un mémoire des faits et du droit.

(h) the applicant's memorandum of fact and law.

V.                LES OBSERVATIONS

A.                Le demandeur

[13]           Le demandeur fait valoir que la Cour devrait faire preuve de peu de déférence à l’égard des conclusions du Commissariat. Il dit que l’auteure du rapport était en conflit d’intérêts, parce qu’elle avait auparavant assumé au sein du ministère de la Justice des fonctions dans le cadre desquelles elle s’était occupée de plusieurs des demandes du demandeur. Des documents qu’elle n’avait pas communiqués alors ont ultérieurement été fournis au demandeur. Le demandeur estime donc que l’auteure du rapport était partiale. Selon lui, le délai de communication du rapport est également une preuve de partialité.

[14]           Le demandeur demande également à la Cour de ne pas faire preuve de déférence à l’égard du pouvoir discrétionnaire exercé par le ministère de la Justice. Selon lui, les refus exprimés au cours du contre‑interrogatoire relatif à un affidavit dans la présente instance attestent le fait que le ministère de la Justice n’a pas rempli son obligation de prêter assistance conformément au paragraphe 4(2.1) de la Loi.

[15]           Le demandeur estime également que le ministère de la Justice a indûment invoqué les exceptions prévues à l’alinéa 21(1)b) et à l’article 23 à l’égard de documents protégés uniquement par le privilège relatif au litige, lequel était échu : Blank c Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39 [Blank CSC 2006]. Il dit que les problèmes de divulgation ont persisté depuis la poursuite pénale en dépit des obligations de la Couronne découlant de R c Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326, et de Krieger c Law Society of Alberta, 2002 CSC 65 [Krieger]. La poursuite pénale est terminée depuis longtemps, et ces documents devraient être communiqués.

[16]           Enfin, le demandeur estime que le ministère de la Justice ne peut pas invoquer de privilège à l’égard de documents dénonçant des abus de procédure et autres conduites répréhensibles ayant porté atteinte à ses droits garantis par les articles 7 et 24 de la Charte : R c Nixon, 2011 CSC 34. Selon lui, la Couronne a porté des accusations au criminel contre lui et son entreprise pour des raisons politiques indues. Il estime que la Couronne savait parfaitement qu’elle ne pouvait pas donner suite à ces accusations, mais qu’elle n’en a pas moins prolongé la procédure pendant environ huit ans et demi. Le fait que la Couronne ait proposé de retirer les accusations est la preuve que la procédure avait été entamée à des fins indues : Singh c Montreal (City of), 2014 CAQ 307.

B.                 Le défendeur

(1)               Les questions préliminaires

[17]           Le défendeur soulève deux questions préliminaires. Il estime tout d’abord que la seule question dont la Cour doit être saisie est celle de savoir si les exceptions prévues par la Loi ont été correctement appliquées. Par conséquent, elle n’a pas à tenir compte des arguments du demandeur concernant la façon dont la poursuite s’est déroulée, la partialité présumée du Commissariat et ses plaintes sur la façon dont sa demande d’accès a été traitée. 

[18]           Le défendeur fait également valoir que la Cour ne devrait pas tenir compte des affidavits du dossier du demandeur qui ont été déposés à l’appui des requêtes provisoires, car ils portent atteinte au paragraphe 84(2) et aux articles 306 et 309 des Règles des Cours fédérales.

(2)               La nature de l’instance

[19]           Le défendeur estime que la portée du contrôle de la Cour est circonscrite par l’article 41 de la Loi et que son pouvoir se limite à ordonner l’accès à tel ou tel document si le refus d’y donner accès était contraire à la Loi : X c Canada (Ministre de la Défense nationale) (1990), [1991] 1 CF 670, page 675 (PI) [X c Canada]; Connolly c Société canadienne des postes (2000), 197 FTR 161, paragraphes 8 à 10 [Connolly]. La Cour n’a pas le pouvoir d’examiner la façon dont les institutions gouvernementales répondent aux demandes ni celui d’accorder des réparations lorsqu’elle juge que les institutions ont commis une faute : Connolly c Société canadienne des postes, 2002 CAF 50, paragraphes 3 et 4 [Connolly CAF]. La Cour n’a pas non plus le pouvoir de trancher la question de savoir si une institution gouvernementale s’est effectivement conformée aux dispositions du paragraphe 4(2.1) de la Loi. Les observations du demandeur supposent une interprétation élargie de l’article 41 et ont été rejetées par les tribunaux : Blank c Canada (Ministre de l’Environnement), [2000] ACF no 1620 (QL), paragraphes 9, 15 et 19 (PI) [Blank CF 2000]; Blank CAF 2004, précité, paragraphes 76 et 77; Blank c Canada (Ministre de l’Environnement), 2006 CF 1253, alinéa 33g) [Blank CF 2006], conf. par 2007 CAF 289 [Blank CAF 2007].

[20]           Une demande déposée en vertu de l’article 41 n’est pas un appel à l’égard des conclusions du Commissariat. La Cour examine la décision du ministère de la Justice de ne pas communiquer certains documents et non pas les recommandations du Commissariat : Blank c Canada (Justice), 2009 CF 1221, paragraphe 26 [Blank CF 2009]. La Cour a statué qu’il lui est possible de tenir compte du rapport du Commissariat pour faciliter sa décision : Blank c Canada (Ministre de la Justice), 2005 CAF 405, au paragraphe 12 [Blank CAF 2005]; Blank CF 2009, précité, au paragraphe 26; Blank c Canada (Justice), 2010 CAF 183, au paragraphe 35 [Blank CAF 2010].

(3)               La norme de contrôle

[21]           Selon le défendeur, la décision du ministère de la Justice de considérer qu’un document fait l’objet d’une exception est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Le pouvoir discrétionnaire du ministère de la Justice de ne pas communiquer un document est sujet à révision selon la norme du bien‑fondé. Voir Kelly c Canada (Solliciteur général) (1992), 53 FTR 147, conf par (1993), 154 NR 319 (CAF); Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, pages 457 et 458; Blank CF 2009, précité, aux paragraphes 27 à 31.

(4)               La question de la partialité

[22]           Rien ne permet d’étayer l’allégation de partialité formulée par le demandeur. Par contre, le Commissariat a, en fait, conclu qu’un certain nombre des plaintes du demandeur étaient fondées, à la suite de quoi 600 autres pages d’information ont été communiquées à ce dernier.

(5)               L’article 23 et le secret professionnel des avocats

[23]           Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si un document est protégé est régie par la common law, mais c’est la Loi qui régit le pouvoir discrétionnaire de communiquer un document protégé : Blank CAF 2004, précité, aux paragraphes 13 à 15. Le défendeur explique que les documents en question contiennent des avis juridiques et que le ministère de la Justice a eu raison de conclure que ces documents entraient dans la catégorie des exceptions prévues à l’article 23. La protection des avis juridiques s’applique à toutes les interactions entre le client et l’avocat au sujet de ces avis et protège ces interactions contre toute divulgation : Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, au paragraphe 10 [Blood Tribe]. Les documents non caviardés consistent en des lettres, des notes de service et des communications par courriel contenant des avis juridiques sur les deux décisions judiciaires mentionnées dans la demande du demandeur ou y renvoyant expressément ou implicitement.

[24]           Selon le défendeur, il n’existe pas d’exception reconnue au secret professionnel de l’avocat qui permette de communiquer des documents susceptibles de faire la preuve d’un abus de procédure. Il existe une exception en cas de criminalité (voir Blood Tribe, précité, au paragraphe 10), mais l’abus de procédure n’est pas un acte criminel, de sorte qu’il ne s’y applique pas d’exception : Blood Tribe, précité, au paragraphe 10; Blank CAF 2010, précité, aux paragraphes 19 et 20. Par ailleurs, rien n’indique que les documents faisant l’objet du différend contiennent des communications répréhensibles.

[25]           Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire du ministère de la Justice de ne pas communiquer de documents, la Cour n’est tenue qu’à trancher la question de savoir si ce pouvoir a été exercé de bonne foi. Les documents en question n’ont pas été communiqués en raison de leur caractère confidentiel; aucune allégation n’a été formulée quant au fait que ce pouvoir n’aurait pas été exercé de bonne foi.

(6)               Le paragraphe 21(1) et les avis du gouvernement

[26]           Selon le défendeur, ces documents consistent en consultations et délibérations ayant trait à la poursuite intentée contre le demandeur. Il estime que le ministère de la Justice a eu raison d’estimer que ces documents contiennent des avis du gouvernement et qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi.

(7)               L’article 25 et les prélèvements

[27]           Le défendeur fait valoir que l’article 25 a été correctement appliqué. La divulgation d’autres renseignements aurait révélé des éléments protégés par le secret professionnel des avocats ou aurait donné lieu à la communication de mots ou de phrases sans signification.

VI.             ANALYSE

A.                Introduction

[28]           Comme dans tous les cas où une demande est déposée en vertu de l’article 41, la Cour est invitée à trancher la question de savoir si la procédure de refus de communiquer a été correctement appliquée. En l’espèce, cela suppose de déterminer si les exceptions prévues aux articles 21 et 23 ont été correctement appliquées et si l’on a effectué les prélèvements qui convenaient conformément à l’article 25.  Par ailleurs, le demandeur demande à la Cour de déterminer s’il y a lieu de faire preuve de déférence à l’égard du rapport du Commissariat, si l’obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) a été remplie et si les exceptions invoquées étaient viciées en raison de l’abus de procédure et d’autres comportements au cours de la poursuite, comportements si flagrants qu’ils portent atteinte aux droits garantis au demandeur par les articles 7 et 24 de la Charte.

B.                 Le dossier de la preuve dont dispose la Cour

[29]           Le défendeur conteste deux (2) affidavits déposés par le demandeur (confirmés solennellement le 26 février 2013 et le 11 mars 2013) aux motifs qu’ils ont été souscrits et déposés dans le cadre d’une requête interlocutoire antérieure (pour obtenir des réponses à des questions posées en contre‑interrogatoire) et que leur inclusion violerait le paragraphe 84(2) et les articles 306 et 309 des Règles des Cours fédérales.

[30]           Le demandeur allègue qu’il ne connaît pas les règles applicables et estime que le défendeur ne subira aucun préjudice de l’inclusion des affidavits.

[31]           Le défendeur fait remarquer que le demandeur a fait la même chose dans le cadre de demandes antérieures et qu’il sait parfaitement que ce n’est pas la procédure à suivre. Il ajoute que les affidavits ont été déposés dans le cadre d’une requête interlocutoire qui a été rejetée. En l’occurrence, le défendeur n’a pas eu besoin de contre‑interroger l’intéressé au sujet des affidavits. Ceux‑ci n’ont pas été confirmés solennellement pour l’espèce et ils contiennent des éléments de ouï‑dire irrecevables sur lesquels le demandeur tient à s’appuyer largement.

[32]           Je remarque que, dans sa décision du 15 avril 2015 concernant une autre demande de M. Blank présentée au titre de l’article 41, le juge O’Reilly indique qu’on lui a demandé d’exclure deux affidavits qui avaient été proposés dans le cadre d’une procédure interlocutoire antérieure, mais qu’il n’a pas eu besoin de conclure officiellement à cet égard parce que, après examen de la documentation en question, il a estimé que cela n’avait pas de rapport avec les questions dont il était saisi. Voir Blank c Canada (Justice), 2015 CF 460.

[33]           En l’espèce, je dois dire que M. Blank est un plaideur expérimenté devant la Cour et que la question du dépôt des affidavits confirmés solennellement dans le cadre d’autres instances a déjà été portée à son attention. Il n’a fourni aucune justification au fait qu’il n’a pas tenu compte de la pratique classique de la Cour fédérale et, comme il est susceptible de présenter d’autres demandes, je ne peux pas me permettre d’ignorer qu’il a fait fi des règles, surtout que cela pourrait désavantager le défendeur, comme l’a d’ailleurs fait remarquer ce dernier. Le paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales interdit le dépôt d’un affidavit après un contre‑interrogatoire, et M. Blank a contre‑interrogé les déposants du défendeur en septembre 2012. Les affidavits supplémentaires ont été confirmés solennellement en février et en mars 2013 à l’appui d’une requête visant à obtenir des réponses aux questions posées en contre‑interrogatoire aux déposants du défendeur.  La Cour peut, en vertu de l’article 84(2), accorder le droit de déposer un affidavit après un contre‑interrogatoire, et les facteurs entrant en ligne de compte dans ce cas ont été énoncés dans Pfizer Canada Inc c Rhoxalpharma Inc, 2004 CF 1685. Il est cependant clair que le paragraphe 84(2) vise à traiter de questions soulevées en contre‑interrogatoire et qui n’auraient pas été prévisibles, et ce, malgré une diligence raisonnable. Dans Inverhuron & District Ratepayers' Assn c Canada (Ministre de l’Environnement) (2000), 180 FTR 314, l’autorisation a été refusée après contre‑interrogatoire, parce que l’affidavit portait sur une question envisagée par la partie en cause dès le début. Autrement dit, une partie doit prendre les devants à la première occasion. M. Blank essaie simplement, plusieurs années après le contre‑interrogatoire, d’enrichir son dossier concernant une question qui est au cœur de sa demande depuis le début. Il n’a pas fourni de réelle justification à cela, et le problème a déjà été porté à son attention. Dans les circonstances, si la Cour devait estimer que ces affidavits sont recevables, elle ne servirait pas les intérêts de la justice, surtout que l’affidavit du 26 février 2013 contient, en pièce jointe, l’affidavit de Higgins, sur lequel le demandeur s’appuie largement et qui est une preuve par ouï‑dire à l’égard de laquelle le défendeur n’a pas eu l’occasion de procéder à un contre‑interrogatoire.

[34]           Je rappelle également la récente décision du juge Brown, dans Blank c Canada (Ministre de la Justice), 2015 CF 753, où il a refusé d’accorder à M. Blank le droit de déposer un affidavit dans des circonstances semblables à la présente. Une grande partie de ce qu’a alors déclaré le juge Brown est applicable à l’espèce.

C.                 La principale affirmation

[35]           Au cœur même de la présente demande, il y a l’affirmation de M. Blank selon laquelle la conduite blâmable dont il a fait l’objet de la part de la poursuite dans le passé a été si flagrante que, d’un point de vue juridique, elle viciait les exceptions invoquées en vertu des articles 21 et 23 pour lui refuser certains des documents qu’il avait demandé. En fait, il semble penser que les parties responsables du traitement de sa demande complotent pour lui refuser l’accès aux renseignements qui lui permettraient de faire avancer sa poursuite civile.

[36]           Pour ce qui est du droit, M. Blank est d’avis que la jurisprudence applicable en l’espèce étaye sa position selon laquelle la conduite adoptée par la poursuite à son endroit frappe de vice les exceptions invoquées en vertu des articles 21 et 23 pour lui refuser certains documents, voire frappe de vice le privilège relatif aux avis juridiques. Il invite la Cour à se reporter à un certain nombre de décisions judiciaires à l’appui de son affirmation.

[37]           Il invoque en tout premier lieu l’une de ses propres instances, portée jusque devant la Cour suprême du Canada (Blank CSC 2006, précité), pour étayer la proposition selon laquelle le privilège relatif aux avis juridiques, comme le privilège relatif au litige, est suspendu sur démonstration prima facie d’une conduite donnant matière à poursuite. Il s’appuie sur les paragraphes 45 et 55 à 57 du jugement :

[45]      Même lorsque des documents seraient autrement protégés par le privilège relatif au litige, l’auteur d’une demande d’accès peut en obtenir la divulgation, s’il démontre prima facie que l’autre partie a eu une conduite donnant ouverture à action dans le cadre de la procédure à l’égard de laquelle elle revendique le privilège.  Peu importe que le privilège soit revendiqué dans le cadre du litige initial ou d’un litige connexe, le tribunal peut examiner les documents afin de décider s’il y a lieu d’ordonner leur divulgation pour ce motif.

[…]

[55]      Enfin, nous ne devons pas faire abstraction de la genèse du litige opposant l’intimé et le ministre.  Ce litige est survenu dans le contexte de poursuites pénales intentées par le ministère public contre l’intimé.  En matière pénale, le droit de l’accusé à la communication préalable est garanti par la Constitution. Conformément à l’arrêt Stinchcombe, la poursuite est tenue de permettre à l’accusé d’avoir accès à tous les renseignements pertinents s’il existe une « possibilité raisonnable que la non‑divulgation porte atteinte au droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière » (p. 340).  Cette obligation de divulgation additionnelle est imposée au ministère public en raison de l’énorme avantage dont il jouit sur le plan des ressources et du risque corrélatif que l’accusé soit injustement désavantagé.

[56]      Je me rends bien compte que l’arrêt Stinchcombe n’oblige pas la poursuite à divulguer tout le contenu de son dossier, qu’il soit protégé ou non.  Des documents qui pourraient être protégés par un privilège ou un autre dans une procédure civile seront néanmoins assujettis, dans le contexte pénal, à l’exception relative à la « démonstration de l’innocence » — à tout le moins : voir l’arrêt McClure.  Dans une procédure pénale, ainsi que la Cour l’a signalé dans Stinchcombe :  

Le juge du procès pourrait également, dans certaines circonstances, conclure que la reconnaissance de l’existence d’un droit au secret ne constitue pas une restriction raisonnable du droit constitutionnel de présenter une défense pleine et entière, et ainsi exiger la divulgation malgré le droit au secret.  [p. 340]

[57]      Quel que soit l’angle sous lequel on envisage l’affaire, je pense qu’il serait incongru de conclure que le privilège relatif au litige permet au ministère public de refuser de communiquer des documents en matière civile, alors qu’il était tenu de les divulguer, mais ne l’a pas fait, dans le cadre des procédures pénales qui ont pris fin.

[38]           Comme je l’ai expliqué à M. Blank et en ai discuté avec lui à l’audience, je ne crois pas que ce précédent lui soit utile. Je pense en fait qu’elle est utile au défendeur.

[39]           L’arrêt Blank CSC 2006, précité, renvoie à une demande déposée en vertu de l’article 41, mais il a trait au privilège relatif au litige, et la Cour suprême du Canada a pris la peine de faire une distinction entre le privilège relatif au litige et le privilège relatif aux avis juridiques :

[8]        S’agissant d’une question de fond, et non de simple terminologie, la différence entre le privilège relatif au litige et le secret professionnel de l’avocat est déterminante en l’espèce.  Le premier, contrairement au second, est temporaire.  Il prend fin en même temps que le litige qui lui a donné lieu.  Qualifier le privilège relatif au litige de « composante » du secret professionnel de l’avocat, comme le voudrait le ministre, n’a pas pour effet de lui conférer le même caractère permanent.

[…]

[14]      Le présent pourvoi concerne les tentatives répétées faites par l’intimé pour obtenir certains documents du gouvernement, sans y réussir complètement.  Le gouvernement a soulevé divers motifs, y compris le « secret professionnel de l’avocat », pour rejeter les demandes de renseignements qui lui ont été présentées dans le cadre des procédures pénales et en vertu de la Loi sur l’accès.  La question dont nous sommes saisis touche uniquement les procédures engagées sous le régime de la Loi sur l’accès.  La Cour n’est pas appelée à se prononcer sur la question de savoir si, dans le cadre des procédures pénales, le ministère public s’est correctement acquitté des obligations de divulgation qui lui incombaient selon l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326. De toute façon, nous serions incapables de la trancher au vu du dossier qui nous a été soumis.

[…]

[26]      Ces décisions, parmi d’autres, traitent abondamment de l’origine et du fondement du secret professionnel de l’avocat, fermement établi depuis des siècles.  Il reconnaît que la force du système de justice dépend d’une communication complète, libre et franche entre ceux qui ont besoin de conseils juridiques et ceux qui sont les plus aptes à les fournir.  La société a confié aux avocats la tâche de défendre les intérêts de leurs clients avec la compétence et l’expertise propres à ceux qui ont une formation en droit.  Ils sont les seuls à pouvoir s’acquitter efficacement de cette tâche, mais seulement dans la mesure où ceux qui comptent sur leurs conseils ont la possibilité de les consulter en toute confiance.  Le rapport de confiance qui s’établit alors entre l’avocat et son client est une condition nécessaire et essentielle à l’administration efficace de la justice.

[27]      Par ailleurs, le privilège relatif  au litige n’a pas pour cible, et encore moins pour cible unique, les communications entre un avocat et son client.  Il touche aussi les communications entre un avocat et des tiers, ou dans le cas d’une partie non représentée, entre celle‑ci et des tiers.  Il a pour objet d’assurer l’efficacité du processus contradictoire et non de favoriser la relation entre l’avocat et son client.  Or, pour atteindre cet objectif, les parties au litige, représentées ou non, doivent avoir la possibilité de préparer leurs arguments en privé, sans ingérence de la partie adverse et sans crainte d’une communication prématurée.

[…]

[29]      À l’exception de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans l’arrêt Hodgkinson c. Simms (1988), 33 B.C.L.R. (2d) 129, les juridictions d’appel du pays ont conclu de façon constante que le privilège relatif au litige repose sur un fondement différent de celui sur lequel repose le secret professionnel de l’avocat : Liquor Control Board of Ontario c. Lifford Wine Agencies Ltd. (2005), 76 O.R. (3d) 401; Ontario (Attorney General) c. Ontario (Information and Privacy Commission, Inquiry Officer) (2002), 62 O.R. (3d) 167 (« Big Canoe »); College of Physicians & Surgeons (British Columbia) c. British Columbia (Information & Privacy Commissioner) (2002), 9 B.C.L.R. (4th) 1, 2002 BCCA 665; Gower c. Tolko Manitoba Inc. (2001), 196 D.L.R. (4th) 716, 2001 MBCA 11; Mitsui & Co. (Point Aconi) Ltd. c. Jones Power Co. (2000), 188 N.S.R. (2d) 173, 2000 NSCA 96; General Accident Assurance Co. c. Chrusz (1999), 45 O.R. (3d) 321.

[30]      Les jurisprudences américaine et anglaise vont dans le même sens : voir In re L. (A Minor), [1997] A.C. 16 (H.L.); Three Rivers District Council c. Governor and Company of the Bank of England (No. 6), [2004] Q.B. 916, [2004] EWCA Civ 218, et Hickman c. Taylor, 329 U.S. 495 (1947).  Aux États‑Unis, les communications avec les tiers et les autres documents préparés en vue d’une instance sont protégés par une doctrine semblable relative « aux préparatifs de l’avocat » (« attorney work product »).  La majorité des auteurs adhèrent aussi à cette théorie du « fondement différent » : Sharpe; J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), p. 745‑746; D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (3e éd. 2002), p. 197‑198; J.‑C. Royer, La preuve civile (3e éd. 2003), p. 868‑871; G. D. Watson et F. Au, « Solicitor‑Client Privilege and Litigation Privilege in Civil Litigation » (1998), 77 R. du B. can. 315.  Pour l’opinion contraire, voir J. D. Wilson, « Privilege in Experts’ Working Papers » (1997), 76 R. du B. can. 346 et « Privilege : Watson & Au (1998) 77 Can. Bar Rev. 346 : REJOINDER : “It’s Elementary My Dear Watson” » (1998), 77 R. du B. can. 549.

[…]

[33]      Bref, le privilège relatif au litige et le secret professionnel de l’avocat reposent sur des considérations de principe différentes et entraînent des conséquences juridiques différentes.

[34]      L’objet du privilège relatif au litige est, je le répète, de créer une « zone de confidentialité » à l’occasion ou en prévision d’un litige.  Aussitôt que le litige prend fin, le privilège auquel il a donné lieu perd son objet précis et concret — et, par conséquent, sa raison d’être.  Mais, comme certains le diraient, le litige n’est pas terminé tant qu’il n’est pas terminé : On ne peut pas dire qu’il est « terminé », au vrai sens du terme, lorsque les parties au litige ou des parties liées demeurent engagées dans ce qui constitue essentiellement le même combat juridique.

[35]      Sauf lorsqu’un tel litige connexe persiste, il n’est ni nécessaire ni justifié de protéger contre la communication quelque élément que ce soit qui aurait pu faire l’objet d’une divulgation forcée, n’eût été la procédure en cours ou prévue en raison de laquelle il est protégé.  Lorsque le litige est effectivement terminé, il n’y a pas vraiment lieu de craindre que l’avocat de la partie adverse ou ses clients plaident leur cause en  [traduction] « se servant des capacités intellectuelles de l’adversaire », pour reprendre les termes utilisés par la Cour suprême des États‑Unis dans Hickman, p. 516.

[36]      Je suis donc d’accord avec les juges majoritaires de la Cour d’appel fédérale et ceux qui partagent leur avis pour dire que, en l’absence de procédures étroitement liées, le privilège relatif au litige reconnu en common law prend fin lorsque le litige qui lui a donné lieu est terminé : Lifford; Chrusz; Big Canoe; Boulianne c. Flynn, [1970] 3 O.R. 84 (H.C.J.); Wujda c. Smith (1974), 49 D.L.R. (3d) 476 (B.R. Man.); Meaney c. Busby (1977), 15 O.R. (2d) 71 (H.C.J.); Canada Southern Petroleum Ltd. c. Amoco Canada Petroleum Co. (1995), 176 A.R. 134 (B.R.).  Voir aussi : Sopinka, Lederman et Bryant; Paciocco et Stuesser.

[37]      Ainsi, le principe de la « pérennité des privilèges », si essentiel en ce qui concerne le secret professionnel de l’avocat, ne joue pas dans le cas du privilège relatif au litige.  Ce dernier, contrairement au secret professionnel de l’avocat, n’est ni absolu quant à sa portée, ni illimité quant à sa durée.

[…]

[42]      En l’espèce, l’intimé poursuit le gouvernement fédéral en dommages‑intérêts pour fraude, complot, parjure et exercice abusif des pouvoirs de la poursuite.  Il exige qu’on lui communique, en application de la Loi sur l’accès, tous les documents relatifs à la façon dont le ministère public a mené les poursuites intentées contre lui.  La source de ces poursuites était la prétendue pollution et la violation alléguée des exigences en matière de rapport reprochées à l’intimé et à sa société.

[43]      Le privilège revendiqué par le ministre concerne donc des documents qui avaient pour objet principal des poursuites pénales relatives à la protection de l’environnement et à des exigences en matière de rapport.  Quant à elle, l’action de l’intimé vise essentiellement l’obtention d’une réparation civile pour la manière dont le gouvernement a mené ces poursuites.  Elle procède d’une source juridique différente et, dans ce sens, elle n’est pas liée au litige qui a donné lieu au privilège revendiqué.

[44]      Quoi qu’il en soit, le privilège relatif au litige ne saurait protéger contre la divulgation d’éléments de preuve démontrant un abus de procédure ou une conduite répréhensible similaire de la part de la partie qui le revendique.  Il ne s’agit pas d’un puits sans fond duquel la preuve que l’on s’est mal conduit ne pourra jamais être extraite pour être exposée au grand jour.

[40]           Tout ce qu’a expliqué la Cour suprême du Canada au sujet du privilège relatif aux avis juridiques dans Blank CSC 2006, précité, était, à strictement parler, une remarque incidente, mais il est clair que la Cour suprême était d’avis que le secret professionnel des avocats est un privilège « absolu quant à sa portée » et « illimité quant à sa durée ». La jurisprudence de la Cour suprême directement applicable donne à penser qu’il y a une exception à cette règle générale. Dans Blood Tribe, précité, elle précise cependant au paragraphe 10 que cette exception a une portée limitée :

Dans la présente affaire, la possibilité que l’employeur ait ou non envisagé un procès au moment où il a consulté son avocat n’a aucune importance.  Bien que le privilège du secret professionnel de l’avocat ait d’abord été considéré comme une règle de preuve, il constitue sans aucun doute maintenant une règle de fond applicable à toutes les communications entre un client et son avocat lorsque ce dernier donne des conseils juridiques ou agit, d’une autre manière, en qualité d’avocat et non en qualité de conseiller d’entreprise ou à un autre titre que celui de spécialiste du droit : Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, p. 837; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, p. 885‑887; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263; Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455; Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc., [2004] 1 R.C.S. 456, 2004 CSC 18, par. 40‑47; McClure, par. 23‑27; Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319, 2006 CSC 39, par. 26; Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), [2006] 2 R.C.S. 32, 2006 CSC 31; Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp., [2006] 2 R.C.S. 189, 2006 CSC 36; Juman c. Doucette, [2008] 1 R.C.S. 157, 2008 CSC 8.  Il existe une rare exception, qui ne s’applique pas en l’espèce : aucun privilège ne protège les communications criminelles en elles‑mêmes ou qui tendraient à réaliser une fin criminelle (voir Descôteaux, p. 881; R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565). La nature extrêmement restreinte de cette exception fait ressortir, plutôt que l’atténuer, la suprématie de la règle générale selon laquelle le privilège du secret professionnel de l’avocat est établi et préservé de façon « aussi absolu[e] que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent » (McClure, par. 35).

[41]           Je pense donc qu’on peut dire que la Cour suprême du Canada a clarifié le fait que le secret professionnel des avocats doit être aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent. Le privilège relatif au litige prend fin, à moins d’une procédure étroitement liée, à l’issue du litige qui a donné lieu au privilège. Le privilège relatif aux avis juridiques est cependant absolu dans sa portée et illimité dans sa durée, à moins que les communications en question soient de nature criminelle ou aient des fins criminelles.

[42]           M. Blank a invité la Cour à se reporter à d’autres instances dont il pense qu’elles élargissent l’exception à la portée absolue du privilège relatif aux avis juridiques. Il invoque notamment Goldman, Sachs & Co c Sessions (1999), 38 CPC (4th) 143, [1999] BCJ no 2815 (QL) (CS); Krieger, précité; Dublin c Montessori Jewish Day School of Toronto (2007), 281 DLR (4th) 366, 85 OR (3d) 511 (Cour supérieure de justice) [Dublin]; Bronskill c Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 983 [Bronskill].

[43]           Dans Dublin, précité, le juge Perell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a résumé ce qu’il estime être la jurisprudence utile : 

[traduction]

[28]      Pour garantir la confiance de la population dans le système juridique et l’efficacité du privilège, le secret professionnel des avocats est catégorique et n’est pas loin d’un droit absolu et non pas un privilège dont on décider au cas par cas : R c Lavallée, Rackel & Heintz, [2002] 3 RCS 209 (CSC); R c McClure, [2001] 1 RCS 445 (CSC); Pritchard c Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 RCS 809 (CSC), confirmant (2003), 63 OR (3d) 97 (Cour d’appel de l’Ontario). Les exceptions au secret professionnel des avocats sont possibles, mais elles sont de portée très limitée.

[29]      Aucun privilège n’est absolu, et il existe des exceptions au secret professionnel des avocats et aux autres privilèges : Smith c Jones, [1999] 1 RCS 455 (CSC). Si un client demande conseil à un avocat pour faciliter la perpétration d’un crime ou d’une fraude, la communication ne sera pas protégée, et il importe peu que l’avocat y participe consciemment ou en soit la dupe. 

[30]      L’exemple classique d’une exception au secret professionnel de l’avocat est le cas de R c Cox (1884), 14 QBD 153 (Eng. C.C.R.), un exposé de cause en matière d’instance pénale. Dans cette affaire, après le prononcé du jugement contre lui dans une poursuite civile pour diffamation, Railton a signé un acte de vente de son journal. Il a été reconnu coupable de transfert frauduleux de ses actifs pour se soustraire à son créancier judiciaire, et la preuve cruciale est venue d’un certain M. Goodman, l’avocat lui ayant donné un avis juridique portant que la propriété devait être vendue de bonne foi. Soulignons que l’avis juridique de M. Goodman semble avoir été, en tant que tel, légitime.

[31]      En appel, la question qui était adressée à la Cour dans cette affaire était de savoir si le témoignage de Goodman était effectivement recevable ou s’il aurait dû être exclu en raison du secret professionnel de l’avocat. La cause a tout d’abord été entendue par cinq juges, puis, en raison de son importance, par 10 juges. Au final, le tribunal a confirmé la condamnation et a statué que le témoignage était effectivement recevable.

[32]      Le juge Stephen a conclu que, si un client demande à un avocat des conseils visant à faciliter ou à induire la perpétration d’un crime ou d’une fraude, la communication entre les deux protagonistes n’est pas protégée et peut être révélée par l’avocat. Le juge a déclaré qu’une communication de ce genre n’entre pas dans le champ d’application ordinaire de l’emploi professionnel et n’est pas protégée.

[33]      Pour pouvoir invoquer l’exception applicable aux crimes ou fraudes ultérieurs, il faut faire la preuve que le client avait un objectif illicite en tête et que l’avocat, selon le cas, partageait cet objectif ou a été dupé par son client.  Autrement dit, l’exception s’applique seulement lorsque le client sait ou aurait dû savoir que la conduite envisagée était illicite : R c Shirose, [1999] 1 RCS 565 (CSC), aux paragraphes 55 à 61.

[34]      L’intention du client de commettre un acte répréhensible est le déterminant principal de la question de savoir si la communication est protégée ou non : Goldman, Sachs & Co c Sessions (1999), 38 CPC (4th) 143 (CSCB). Lorsque l’intention du client est répréhensible, l’avocat n’intervient pas à titre professionnel lorsqu’il fournit des conseils visant à faciliter une activité illicite. Par contre, si un avocat communique de bonne foi un avis concernant la légalité de la conduite envisagée, ce qui est une fonction normale et importante dans sa profession, la communication est protégée même s’il appert que l’avocat avait tort de dire que ladite conduite était licite, et le privilège n’est pas annulé si l’opération se révèle illicite : R c Shirose, [1999] 1 RCS 565 (CSC), aux paragraphes 55 à 61.

[…]

[38]      Les auteurs du principal ouvrage sur la preuve, à savoir Sopinka, Lederman et Bryant (The Law of Evidence in Canada, 2e édition, LexisNexis Canada Inc., Markham, 1999), expliquent ceci au paragraphe 14.58 : [traduction] « Il n’y a aucune raison pour laquelle cette exception au secret professionnel des avocats n’incluerait pas aussi les communications facilitant une conduite délictueuse susceptible de donner lieu à une poursuite pénale. »

[39]      À mon avis, il n’y a aucune raison que l’exception n’inclue pas les communications facilitant une conduite délictueuse susceptible de donner lieu à une poursuite civile.

[40]      Dans Goldman, Sachs & Co. v. Sessions (1999), 38 CPC (4th) 143 (CSBC), le juge K.J. Smith a inclus dans les conduites suspendant la protection des communications l’abus de procédure, les violations de règlements, les manquements contractuels et autres délits et manquements aux obligations. Voir aussi Northwest Mettech Corp. c Metcon Services Ltd. (1997), 78 CPR (3d) 86 (CSCB [en cabinet]), où le tribunal a estimé que l’exception pour crime ou fraude peut être invoquée lorsque la conduite illicite alléguée viole l’obligation fiduciale ou constitue un abus de confiance. Rappelons que ces types d’allégations sont présents en l’espèce. 

[41]      Le juge K.J. Smith est parvenu à sa conclusion concernant la portée de l’exception au secret professionnel des avocats en s’inspirant du jugement du juge Binnie dans R. c Shirose, [1999] 1 RCS 565 (CSC), lequel était déjà une interprétation de l’arrêt de principe R c Cox (1884), 14 QBD 153 (Eng. C.C.R.). Aux paragraphes 13 à 15 de son jugement, le juge K.J. Smith analyse le jugement du juge Binnie :

[traduction]

13. Le juge Binnie ajoute, au paragraphe 57, que le professeur Wigmore a exprimé l’avis, dans Wigmore on Evidence (McNaughton Rev., vol. 8, 1961, section 2298, page 573), que l’exception ne s’applique que si le client demande un avis juridique à des fins sciemment illicites. Il poursuit au paragraphe 58 :

Quoique la question n’ait apparemment pas été abordée directement dans la jurisprudence au Canada, le point de vue de Wigmore a été approuvé par les auteurs de «The Future Crime or Tort Exception to Communications Privileges» (1964), 77 Harv. L. Rev. 730, aux pp. 730 et 731:

[TRADUCTION] Le secret professionnel de l’avocat a toujours été subordonné à cette condition : la protection des communications est écartée quand le client consulte l’avocat pour obtenir son aide, sachant que l’acte projeté constitue un crime ou un délit. [Souligné par le juge Binnie.]

La portée de l’exception du «crime projeté» est délimitée selon des raisons de principes d’intérêt public, comme on l’explique à la p. 731:

[TRADUCTION] La condition relative à la connaissance réduit l’effet de l’exception sur des communications légitimes; à défaut de cette condition, le risque que leur objet se révèle illégal et que le privilège soit par conséquent écarté ferait obstacle aux consultations légitimes.  De plus, c’est une partie importante de la fonction de l’avocat de déconseiller les revendications sans fondement et les projets illégaux. [Je souligne.]

14. Après avoir fait remarquer, au paragraphe 59, que cette explication de la règle est cohérente avec l’exposé qui en est fait par le juge Lamer eu égard aux crimes et fraudes dans Descôteaux c Mierzwinski, [1982] 1 RCS.860, page 881, et par Lord Parmoor dans O'Rourke c Darbishire, [1920] A.C. 581 (HL), page 621. Le juge Binnie a expliqué clairement que l’intention du client est la considération primordiale, citant comme suit, en l’approuvant, State ex rel. North Pacific Lumber Co. c Unis, 579 P.2d 1291 (Or. 1978), page 1295 :

[TRADUCTION] Nous approuvons l’exigence selon laquelle, s’il veut invoquer l’exception au privilège, celui qui veut présenter la preuve doit démontrer que le client, lorsqu’il a consulté l’avocat, savait ou aurait dû savoir que l’acte projeté était illégal. Les consultations de bonne foi entre un avocat et un client qui est incertain des conséquences juridiques d’une ligne de conduite envisagée bénéficient de la protection du privilège, même si l’acte est jugé illicite par la suite. [Je souligne.]

15. La conduite en cause dans R c Campbell était de nature criminelle. Cela dit, l’adoption sans réserve, dans l’analyse de la Cour, des expressions « crime ou délit » et « revendications sans fondement ou projets illégaux », empruntées à l’article cité, donne à penser, selon moi, que la Cour avait à l’esprit de délimiter correctement le champ d’application de la règle et qu’elle ne considère pas que la « conduite illégale » se limite strictement aux conduites criminelles et frauduleuses.

[42]      D’après ma compréhension de l’analyse du juge K.J. Smith, il propose que, s’il est possible de prouver que le client a communiqué avec un avocat dans le but de commettre un acte illégal, qu’il s’agisse d’un crime ou d’un délit, parce que le client savait ou aurait dû savoir que la conduite qu’il envisageait était illégale, les communications avec l’avocat ne sont pas protégées. Voir aussi : McIntosh Estates Ltd. c Surrey (City), [1996] BCJ no 2008 (CSCB), confirmé par [1997] BCJ no 2030 (CACB).

[43]      Mais il ne suffit pas d’affirmer que l’avis de l’avocat a été sollicité dans un but illégal; il faut fournir des preuves convaincantes de ce but : O'Rourke c Darbishire (1918), [1919] 1 Ch 320 (Eng. C.A.), confirmé par [1920] A.C. 581 (U.K. H.L.) O'Rourke c Darbishire; Goodman & Carr c Minister of National Revenue, [1968] OJ no 1248 (C.Sup Ont); Blue Line Hockey Acquisition Co. c Orca Bay Hockey Ltd. Partnership, [2007] BCJ no 179 (CSCB); Goldman, Sachs & Co. v. Sessions (1999), 38 CPC (4th) 143 (CSCB); Nanaimo Immigrant Settlement Society c British Columbia, [2003] BCJ no 2305 (CSCB). La partie qui conteste le privilège du secret professionnel des avocats au motif d’une activité frauduleuse ou criminelle doit produire une preuve prima facie case pour que le privilège soit suspendu : O'Rourke c Darbishire (1918), [1919] 1 Ch 320 (Eng CA), confirmé par [1920] AC 581 (U.K. H.L.) O'Rourke c Darbishire; Sperry Corp. c John Deere Ltd. (1984), 82 CPR (2d) 1 (CFPI); Silverman c Morresi (1982), 28 CPC 239 (Ont. Master).

[44]      Selon moi, l’exception relative aux communications visant à faciliter la perpétration d’un crime ou d’une fraude s’applique aux circonstances de l’espèce, qui renvoie à la perpétration de divers délits intentionnels à l’endroit de M. Dublin et son fils.

[44]           Ayant expliqué sa position, le juge Perell a reconnu que les références faisant foi sont contradictoires :

[traduction]

[47]      Je reconnais cependant que ma conclusion peut être controversée. Dans la décision Rocking Chair Plaza (Bramalea) Ltd. c Brampton (City) (1988), 29 CPC (2d) 82 (CSup Ont), qui a été prononcée avant R c Shirose, [1999] 1 RCS 565 (CSC), les plaignants ont demandé que l’exception relative à la fraude s’étende aux communications entre avocat et client visant à faciliter les actes de négligence, les poursuites malveillantes, les abus de procédure et les violations de la Charte. S’appuyant sur une affaire jugée en Angleterre, Crescent Farms (Sidcup) Sports Ltd. c Sterling Officers Ltd., [1967] 1 Ch D 533, le juge O'Driscoll a refusé d’élargir à titre général à tous les types de délit la portée de l’exception relative aux communications visant une conduite illégale.

[48]      Mais, selon le juge O'Driscoll, la fraude englobe tous les types de fraude et de malhonnêteté comme l’abus de confiance frauduleux, le complot en vue de commettre une fraude, la supercherie et les stratagèmes trompeurs. Comme on l’a vu, les Dublin intentaient en l’occurrence une poursuite pour abus de confiance.

[49]      Dans Hallstone Products Ltd. c Canada (Customs & Revenue Agency), [2004] OJ no 496 (Ont. Master), le protonotaire Dash a estimé que l’exception relative aux communications visant une conduite illégale ne s’étendait pas à tous les types de délit, mais qu’elle s’appliquait aux actes représentant un abus de la procédure judiciaire, y compris les abus de la procédure pénale, la suppression délibérée d’éléments de preuve et les poursuites malveillantes à des fins illicites.

[45]           Dans Krieger, précité, la Cour suprême du Canada a conclu qu’un barreau est habilité à examiner une allégation selon laquelle un procureur de la Couronne aurait agi de façon malhonnête ou de mauvaise foi en ne fournissant pas de renseignements utiles, mais que sa compétence se limite à déterminer s’il y a violation de l’éthique. Je ne suis pas en train de procéder à ce genre d’examen, mais, à mon avis, cette affaire n’étaye pas la position de M. Blank dans le contexte de sa demande de révison présentée au titre de l’article 41.

[46]           Dans Bronskill, précitée, mon collègue le juge Noël a formulé des observations générales découlant des faits examinés dans cette affaire et à l’égard de l’exception prévue à l’article 15 de la Loi. Il a déclaré que « la Cour ne doit pas valider les exceptions prévues par la Loi lorsqu’elles sont invoquées pour prévenir des embarras ou pour cacher des actes illégaux (…) », mais cela ne m’aide pas dans l’analyse des exceptions prévues aux articles 21 et 23 et de ce qui pourrait être considéré comme une exception au privilège relatif aux avis juridiques. Autrement dit, quels types d’actes illégaux seraient-ils aptes à suspendre le privilège relatif aux avis juridiques prévu par la Loi?  

[47]           En résumé, dans Dublin, précitée, le juge Perell s’appuie sur la jurisprudence de divers ressorts et de divers niveaux de tribunaux, mais il n’a pas effecué le rapprochement entre cette jurisprudence et celle de la Cour suprême du Canada. Sa décision a été rendue avant Blood Tribe, précité, de sorte qu’il a pu sembler que la Cour suprême du Canada prenait ses distances par rapport au caractère absolu du secret professionnel des avocats, qui avait dégagé dans l’arrêt Blank CSC 2006. Mais la décision en question ne limitait pas, en réalité, l’importance et la large portée que la Cour suprême accorde au privilège relatif aux avis juridiques. Le juge Perell ne réussit pas à concilier le fait qu’il s’appuie sur ces décisions avec sa déclaration préliminaire selon laquelle le secret professionnel des avocats est un privilège quasi‑absolu (au paragraphe 28), à l’égard de laquelle il invoque trois arrêts de la Cour suprême du Canada. Il poursuit en rappelant que diverses ressorts et niveaux de tribunaux donnent à entendre que les exceptions devraient être élargies, et il estime que ce point de vue est convaincant, mais il ne concilie jamais ce constat avec le fait que la Cour suprême du Canada a déclaré que le secret professionnel de l’avocat est un privilège quasi‑absolu. Selon moi, c’est le principe directeur qui doit servir de guide en l’espèce.

[48]           Dans Blank CAF 2010, la Cour d’appel fédérale a estimé que les seules exceptions au secret professionnel des avocats sont les conduites criminelles visant à commettre un délit (paragraphe 20) :

[20]      Par ailleurs, l’« inconduite » ne constitue pas en soi une exception reconnue au privilège que revendique l’intimé sur les trois pages en question. Font exception les [traduction] « communication[s] faite[s] en vue de servir un dessein criminel » ou pour perpétuer un délit (Solosky c. Canada, [1980] 1 R.C.S. 821, aux pages 755 à 757, et Alan W. Bryant, Sidney N. Lederman et Michelle K. Fuerst, The Law of Evidence in Canada, 3e éd. (Markham, LexisNexis Canada, 2009), aux pages 937 à 939). Lorsqu’un client consulte un avocat [traduction] « pour qu’il l’aide à perpétuer un crime ou une fraude, le privilège ne joue pas » (Bryant et autres, précité, à la page 937).

[49]           La décision de la Cour suprême du Canada citée ne prévoit cependant pas d’exception liée aux délits (Solosky c La Reine, [1980] 1 RCS 821, pages 835 et 836, notes de bas de page omises) :

Le privilège connaît des exceptions. Il ne s’applique pas aux communications qui n’ont trait ni à la consultation juridique ni à l’avis donné, c’est-à-dire, lorsque l’avocat n’est pas consulté en sa qualité professionnelle. De même, le privilège ne se rattache pas à une communication qui n’est pas censée être confidentielle, O’Shea v. Woods, à la p. 289. Plus significatif, si un client consulte un avocat pour pouvoir perpétrer plus facilement un crime ou une fraude, alors la communication n’est pas privilégiée et il importe peu que l’avocat soit une dupe ou un participant. L’arrêt classique est R. v. Cox and Railton, où le juge Stephen s’ex­prime en ces termes (p. 167): [TRADUCTION] «Une communication faite en vue de servir un dessein criminel ne «relève pas de la portée ordinaire des services professionnels.»

[50]           Cela donne à penser que la Cour d’appel fédérale a élargi la notion de « fraude » telle qu’elle est employée par la Cour suprême du Canada pour y inclure tous les délits ou que le texte cité en preuve analyse l’exception des communications liées à des délits. On ne peut pas déterminer, à la lecture de l’analyse de la Cour d’appel fédérale, si la notion de « délit » visant la seule conduite frauduleuse ou s’étendait à tous les types de délit :

[21]      Cette exception ne s’applique pas aux trois pages réclamées par l’appelant. Au cours de l’audience, l’appelant a invité la Cour à examiner les trois pages en question, qui ont été annexées à un affidavit confidentiel soumis à notre Cour. L’intimé ne s’est pas opposé à ce que la Cour examine les pages en question. Après les avoir examinées, je conclus qu’il n’existe aucune raison justifiant notre Cour d’infirmer la conclusion de la Cour fédérale suivant laquelle ces trois pages sont protégées par un privilège. De plus, ces pages ne sont pas des [traduction] « communication[s] faite[s] en vue de servir un dessein criminel » ou pour perpétuer un délit, de sorte que les documents demeurent protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat.

[51]           Dans une instance plus récente, la Cour suprême du Canada a, une fois de plus, confirmé que le secret professionnel des avocats est un privilège quasi‑absolu (Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23 [Criminal Lawyers’ Association]). La Cour suprême n’y fait aucune mention d’exceptions pour conduite criminelle, frauduleuse ou délictuelle et y déclare que les seules exceptions sont « la sécurité publique et le droit pour un accusé de présenter une défense pleine et entière » :

[53]      La même analyse s’applique, peut-être de façon encore plus convaincante, à l’exception relative aux documents protégés par le secret professionnel de l’avocat.  L’article 19 de la Loi prévoit qu’une personne responsable « peut refuser de divulguer un document protégé par le secret professionnel de l’avocat.  Il en est de même d’un document élaboré par l’avocat‑conseil de la Couronne, ou pour son compte, qui l’utilise soit dans la communication de conseils juridiques, soit à l’occasion ou en prévision d’une instance ».  Cette exception vise clairement à protéger le secret professionnel de l’avocat, qui a été jugé presque absolu puisqu’il est fortement dans l’intérêt public de maintenir la confidentialité de la relation entre un avocat et son client : Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, p. 836; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, p. 875; Campbell, par. 49; R. c. McClure, 2001 CSC 14, [2001] 1 R.C.S. 445, par. 35 et 41; Lavallée, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 61, [2002] 3 R.C.S. 209, par. 36‑37; Maranda c. Richer, 2003 CSC 67, [2003] 3 R.C.S. 193; Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2004 CSC 31, [2004] 1 R.C.S. 809; Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), 2006 CSC 31, [2006] 2 R.C.S. 32; Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, [2006] 2 R.C.S. 319; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, [2008] 2 R.C.S. 574.  Les seules exceptions reconnues au secret professionnel sont la sécurité publique et le droit pour un accusé de présenter une défense pleine et entière, deux exceptions qui sont jalousement protégées : Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455; R. c. Brown, 2002 CSC 32, [2002] 2 R.C.S. 185.

[52]           Une exception pour inconduite a été expressément rejetée par la Cour d’appel fédérale. Il est difficile de croire qu’il y ait une exception pour communications visant à commettre un délit, compte tenu des termes clairs employés par la Cour suprême du Canada. Celle‑ci n’a pas encore fourni de réponse définitive sur ce qui, exactement, n’est pas protégé par le secret professionnel des avocats. Dans Blood Tribe, précité, elle a déclaré qu’il existe une « rare exception » dans le cas des communications à caractère criminel. Dans Criminal Lawyers’ Association, précité, elle a déclaré que les deux seules exceptions sont la sécurité publique et le droit pour un accusé de présenter une défense pleine et entière. Aucune ne s’applique en l’espèce.

[53]           En fin de compte, et nonobstant le point de vue du juge Perell au sujet de ce qui devrait être exonéré du secret professionnel des avocats (point de vue dont il reconnaît le caractère controversé), je pense que je dois m’appuyer sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Cela fait en sorte qu’il me reste deux arrêts : Blank CSC 2006 et Blood Tribe, précités. Cela veut dire, selon moi, que je dois traiter le privilège relatif aux avis juridiques comme absolu dans sa portée et illimité dans sa durée, à moins que M. Blank puisse prouver que les communications en cause dans sa demande présentée au titre de l’article 41 étaient « criminelles en elles‑mêmes ou qui tendraient à réaliser une fin criminelle »

[54]           M. Blank allègue la conduite blâmable de la poursuite, l’abus de procédure, la conduite délictuelle éventuelle et la conduite criminelle éventuelle (parjure) pour justifier l’annulation des privilèges garantis aux articles 21 et 23 en l’espèce. Compte tenu des orientations données par la Cour d’appel fédérale dans Blank CAF 2010, précité, je me demanderai également si les communications en question visaient à commettre un délit.

[55]           M. Blank demande une réparation que la présente Cour et la Cour d’appel fédérale lui ont antérieurement refusée au motif qu’elle n’est pas prévue à l’article 41 de la Loi. Voir Blank CF 2000; Blank CAF 2004; Blank CF 2006, jugement confirmé par Blank CAF 2007, précités.

[56]           La jurisprudence relative à l’article 41 est claire : le droit de demander le contrôle judiciaire à la Cour est étroitement délimité et il est énoncé aux articles 41 à 53 de la Loi. Pour résumer, le pouvoir de contrôle de la Cour n’entre en jeu que lorsque l’accès à un certain document a été refusé, et la seule réparation qu’elle peut accorder est d’ordonner la communication du document en question si le refus est contraire à la Loi. Voir, par exemple, X c Canada, précitée, au paragraphe 10; Connolly, précitée, aux paragraphes 8 à 10, jugement confirmé par Connolly CAF, précité.

[57]           En fait, la seule aide que la Cour peut apporter à M. Blank en l’espèce est d’examiner les documents qu’on lui a refusés en fonction des exceptions invoquées et de décider s’il doit y avoir accès en totalité ou en partie. Nonobstant le manque de contenu fourni par M. Blank concernant les critères de contrôle, j’ai examiné chaque document tour à tour et conclu que les exceptions ont été dûment invoquées et que le pouvoir discrétionnaire a été raisonnablement exercé. J’ai également conclu que les exceptions n’étaient pas viciées par un quelconque élément répréhensible. La Cour ne peut pas accorder à M. Blank le droit d’obtenir la communication des documents en cause.

[58]           Comme le révèlent les questions soulevées par M. Blank, celui‑ci tente de mélanger les questions relatives à l’information et les questions découlant de son instance civile de longue date concernant la conduite répréhensible au cours de la poursuite. M. Blank estime que le ministère de la Justice a délibérément omis de communiquer des documents concernant la poursuite entamée par Environnement Canada contre M. Blank et son entreprise. Il semble croire que ces documents, s’il y avait accès, lui fourniraient les éléments de preuve dont il a besoin pour l’emporter dans l’instance civile. C’est pourquoi, dans sa demande de divulgation, il a demandé les documents [traduction] « ayant trait à la continuation de la poursuite par voie de mise en accusation » et [traduction] « ayant trait à l’éventuelle décision de suspendre l’instance ». Autrement dit, M. Blank suppose qu’il a le droit d’obtenir des documents qui sont inévitablement protégés par le secret professionnel des avocats. Son hypothèse semble être que ce privilège sert en l’occurrence à dissimuler des preuves d’actes répréhensibles de l’ordre de l’abus de procédure et que cela annule la possibilité d’invoquer l’exception.  

[59]           Ayant examiné les parties non caviardées des documents en question, je dois dire que je suis d’accord avec le défendeur quant aux éléments suivants :

a)      L’exception visée l’article 23 relativement au secret professionnel de l’avocat a été correctement invoquée, parce que les documents en question consistent en des lettres, des notes de service et des communications par courriel qui renvoient explicitement ou implicitement à des avis juridiques ayant trait aux décisions judiciaires auxquelles le demandeur renvoie dans sa demande d’accès à l’information. 

b)      Le secret professionnel de l’avocat n’est pas annulé par un quelconque abus de procédure ou tout autre acte répréhensible et encore moins par une conduite criminelle telle qu’il en est question dans Blood Tribe, précité. Ces communications ne sont pas de nature criminelle, et rien ne permet de penser qu’elles visaient à commettre un crime ou un délit.

c)      Le pouvoir discrétionnaire de refuser l’accès aux documents en vertu de l’article 23 a été exercé raisonnablement et de bonne foi, et conformément à cette disposition.

d)     Quant aux documents (ou parties caviardées de documents) non communiqués en vertu du paragraphe 21(1), la décision selon laquelle l’exception s’y appliquait était correcte, en ce sens qu’il s’agissait de consultations et de délibérations entre fonctionnaires (y compris des avocats) concernant des avis et recommandations ayant trait aux deux décisions judiciaires auxquelles M. Blank renvoie dans sa demande de communication. Les parties caviardées contiennent des avis, des consultations, des délibérations et des recommandations du gouvernement.

e)      L’exception en vertu de l’article 21 a été invoquée raisonnablement et de bonne foi.

f)       Quant aux documents caviardés, les prélèvements ont été effectués conformément à l’article 25 de la Loi et aux directives fournies par la Cour d’appel fédérale dans le cadre de demandes antérieures de M. Blank. Voir Sheldon Blank & Gateway Industries Ltd c Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CAF 374, Blank CAF 2004, précité; Canada (Justice) c Blank, 2007 CAF 87; Blank CAF 2007.

[60]           Compte tenu du caractère étroit du contrôle que la jurisprudence accorde à M. Blank sous le régime de l’article 41 de la Loi, la Cour ne peut tenir compte de l’argument du demandeur à savoir que la réponse à sa demande a été tardive et n’a pas été donnée conformément au paragraphe 4(2.1) de la Loi. Le Commissariat a déjà réglé cette plainte. M. Blank allègue que le Commissariat a fait preuve de partialité, mais il n’existe aucune preuve réelle à l’appui de cette allégation, de sorte qu’il convient en l’espèce de faire preuve de la déférence habituelle à l’égard de la décision du Commissariat. Voir Blank CAF 2005, précité, paragraphe 12; Blank CF 2009, précitée, au paragraphe 26; Blank CAF 2010, précité, au paragraphe 35.

[61]           Le défendeur a déposé un projet de mémoire de frais de 10 850 $ en l’espèce, mais je pense qu’il convient de fixer les dépens à 5 000 $.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur (le ministre de la Justice), dont le montant est fixé à 5000 dollars.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑955‑10

 

INTITULÉ :

SHELDON BLANK c LE MINISTRE DE LA JUSTICE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 15 ET 16 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE :

LE 7 AOÛT 2015

 

COMPARUTIONS :

Sheldon Blank

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

John Faulhammer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sheldon Blank

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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