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Date : 20150515


Dossier : IMM-6436-14

Référence : 2015 CF 637

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 mai 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

SAID OMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent d’immigration [l’agent] a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR] du demandeur. Le pays dont il est question est la Somalie. Une injonction interlocutoire contre le renvoi a été prononcée par le juge Manson.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur, un citoyen de la Somalie, a quitté le pays en 1992 à l’âge de six ans. Par la suite, il a passé sa vie d’abord au Kenya, puis aux États‑Unis pendant 10 ans jusqu’en 2013 et maintenant au Canada. Il n’a aucun statut juridique au Kenya ni aux États‑Unis. Il ne parle pas couramment la langue de la Somalie, il ne la lit pas et ne l’écrit pas non plus. Sa langue maternelle est l’anglais et sa langue seconde est le swahili.

[3]               Monsieur Omar est membre du sous-clan Tunni, un petit groupe minoritaire en Somalie. En 1992, à la suite d’une série d’attaques visant la maison familiale, le demandeur et une de ses tantes se sont rendus à la frontière kényane et finalement à Nairobi, où il a passé 10 ans.

[4]               En septembre 2003, à l’âge de 17 ans, le demandeur est entré aux États‑Unis et a obtenu un visa de travail annuel. Éventuellement, sa demande d’asile aux É.‑U. a été rejetée au motif que personne ne le reconnaîtrait ou ne le connaîtrait s’il retournait en Somalie. Toutefois, il n’a pas été renvoyé en raison de la politique américaine de non-renvoi en Somalie en raison des conditions du pays dangereuses.

[5]               Monsieur Omar est ensuite venu au Canada; toutefois, il a été renvoyé aux États‑Unis en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Il est entré de nouveau au Canada illégalement et a été en mesure de présenter une demande d’ERAR.

[6]               L’agent a conclu que le demandeur avait une PRI à Mogadishu, en Somalie, parce qu’il était raisonnable pour lui de demander refuge dans cette partie du pays puisqu’il ne serait pas en danger là‑bas.

[7]               Plus particulièrement, l’agent a écarté la menace qu’un jeune Somalien, non accompagné, occidentalisé, anglophone et minoritaire soit recruté par le groupe Al‑Shabaab. Tout risque auquel serait exposé le demandeur faisait partie du risque généralisé auquel sont exposés tous les Somaliens. Enfin, l’agent a conclu que la décision de la Cour fédérale (Yahya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1207, 235 ACWS (3d) 776 [Yahya]), ainsi que les documents sur la situation au pays faisant état de la violence, ne constituaient pas une preuve suffisante pour réfuter la présomption de l’existence d’une PRI viable à Mogadishu.

III.             Analyse

[8]               La norme de contrôle applicable à cette décision discrétionnaire est celle de la décision raisonnable (Serrano Lemus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1274, 221 ACWS (3d) 966).

[9]               La décision issue de l’ERAR est visiblement déraisonnable. Cette décision s’élève (ou tombe) au niveau de la norme désormais obsolète de la « décision manifestement déraisonnable ».

[10]           Il existe plusieurs décisions récentes de la Cour fédérale qui remettent en question le caractère raisonnable d’une PRI lorsqu’une personne : vient d’un clan minoritaire ou ne peut établir son appartenance à un clan, et serait donc très visible; n’a jamais vécu dans la région qui offre une PRI et n’a pas non plus de famille là-bas; ne parle pas la langue; n’a pas vécu en Somalie pendant des années et n’a aucune expérience en tant qu’adulte là-bas; n’a aucune perspective d’emploi ou de résidence et a vécu pendant 10 ans en Amérique du Nord (voir les décisions Abdulla Farah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1149, 223 ACWS (3d) 183; Abubakar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 887, 67 FTR 313; Yahya, précitée). L’agent a ignoré en grande partie ces facteurs.

[11]           Dans ses motifs, l’agent n’a également pas indiqué de manière raisonnable que le demandeur n’est pas comparable à la population générale de la Somalie ou, plus particulièrement, de Mogadishu. Par conséquent, la conclusion quant au risque généralisé n’a pas été examinée à juste titre. La situation unique du demandeur devait être examinée pleinement.

[12]           Compte tenu de la preuve sur la situation au pays, des antécédents d’Al‑Shabaab et des circonstances générales entourant le demandeur, il est difficile de concevoir un cas plus évident de personne ayant qualité de réfugié et de personne à protéger.

IV.             Conclusion

[13]           Par conséquent, le présent contrôle judiciaire sera accueilli, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvel examen.

[14]           Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvel examen.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6436-14

 

INTITULÉ :

SAID OMAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 MAI 2015

 

COMPARUTIONS :

Aris Daghighian

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Company, société d’avocats

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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