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Date : 20150409


Dossier : T-2556-14

Référence : 2015 CF 435

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 9 avril 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

INTERNATIONAL RELIEF FUND FOR THE AFFLICTED AND NEEDY (CANADA)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               L’International Relief Fund for the Afflicted and Needy (Canada) (IRFAN) est une société sans but lucratif dont l’enregistrement comme œuvre de charité a été annulé par le ministre du Revenu national. En avril 2014, l’IRFAN a été inscrite sur la liste des entités terroristes par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 83.05 du Code criminel. Il s’en est suivi que les biens de l’IRFAN ont été bloqués.

[2]               L’IRFAN a ensuite demandé une exemption au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vue de faire débloquer les fonds détenus dans le compte en fiducie de son avocat pour permettre le paiement des frais juridiques qu’elle avait engagés. Elle a de plus demandé une autre exemption du ministre pour qu’il lui soit permis de recueillir des fonds pour payer des avis juridiques relatifs à diverses questions découlant de l’inscription sur cette liste.

[3]               Par lettre datée du 27 novembre 2014, le ministre a accordé une exemption pour permettre le transfert de fonds pour payer des services juridiques qui avaient été fournis à l’IRFAN avant qu’elle ne devienne une organisation inscrite sur la liste des entités terroristes. Le ministre a refusé, toutefois, d’autoriser une exemption pour permettre la collecte de fonds pour payer des avis juridiques.

[4]               IRFAN a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre et elle a soulevé la présente requête par laquelle elle demande une ordonnance enjoignant au procureur général du Canada de payer ses frais juridiques afférents à la demande de contrôle judiciaire. L’IRFAN affirme qu’elle préférerait recueillir des fonds pour payer ses frais juridiques, plutôt que de demander du financement de l’État, mais que le ministre a refusé sa demande en ce sens. Il en résulte que l’IRFAN se trouve dans une situation sans issue où elle cherche à contester le refus du ministre de lui accorder une exemption en vue de recueillir des fonds qui lui permettraient de défendre sa cause en vue d’une désinscription, mais où elle ne peut financer la contestation de ce refus précisément parce que l’exemption a été refusée.

[5]               IRFAN soutient que l’absurdité de cette situation commande une ordonnance de financement de ses frais juridiques par l’État. C’est particulièrement vrai, affirme‑t‑elle, compte tenu des circonstances exceptionnelles de l’espèce, des circonstances jamais vues en droit canadien.

[6]               J’ai conclu que la requête devrait être rejetée parce    que la preuve présentée par l’IRFAN à l’appui de sa requête est déficiente sur au moins deux aspects.

I.                   La nature de la réparation demandée

[7]               Dans son avis de requête, l’IRFAN demande une « ordonnance de type Rowbotham », enjoignant au procureur général du Canada de payer les frais de l’avocat la représentant dans la présente demande, ou, subsidiairement, une ordonnance en provision pour frais.

[8]               L’« ordonnance de type Rowbotham » tient son nom de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Rowbotham, [1988] O.J. No. 271, 41 C.C.C. (3d) 1. Par contre, le pouvoir de rendre une ordonnance de provision pour frais tire son origine de l’arrêtde la Cour suprême du Canada dans Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371.

[9]               Le juge Stratas a parlé des similarités et des différences entre les deux types d’ordonnance dans Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 296, au paragraphe 12, [2012] A.C.F. no 1698. Il a souligné que, même si les deux courants jurisprudentiels se sont développés séparément, ils visent le même objectif : l’obtention d’une ordonnance de financement par l’État de la représentation juridique. Par conséquent, les critères élaborés présentent des caractéristiques communes.

[10]           Les ordonnances de type Rowbotham sont principalement prononcées dans des causes criminelles, dans des situations où l’équité du procès exige qu’un accusé soit représenté par un avocat payé par l’État. Ces ordonnances se fondent sur l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c. 11, qui garantissent à l’accusé un procès équitable en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[11]           Avant qu’une ordonnance de type Rowbotham ne puisse être prononcée, un accusé doit établir qu’il est :

1.                  incapable de payer;

2.                  non admissible à l’aide juridique;

3.                  incapable de se représenter lui‑même adéquatement;

4.                  engagé dans une instance judiciaire comportant des questions graves et complexes intéressant le droit à la liberté de chacun.

[12]           Bien que les ordonnances de type Rowbotham aient principalement été prononcées dans des affaires criminelles, la Cour suprême a accordé une ordonnance de ce type dans une instance non criminelle intéressant le bien‑être d’un enfant, qui faisait entrer en jeu les droits garantis à la mère par l’article 7 de la Charte : Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46, [1999] A.C.S. no 47. La mère a réussi notamment à convaincre la Cour suprême qu’elle n’avait aucun autre moyen d’obtenir une représentation juridique dans une procédure concernant la garde de son enfant.

[13]           Le défendeur allègue qu’une ordonnance de type Rowbotham n’est pas possible en l’espèce, parce que, en tant que personne morale, l’IRFAN ne peut invoquer les protections garanties par l’article 7 de la Charte. Dans le cadre de la présente requête, je vais présumer, et non trancher, que les droits garantis par l’article 7 de la Charte sont en jeu, que ce soit ceux de l’IRFAN elle-même ou les droits dérivés de ses membres.

[14]           Par opposition au critère de l’arrêt Rowbotham, la Cour suprême du Canada a établi trois facteurs auxquels il doit être satisfait pour justifier une ordonnance de provision pour frais : Okanagan, précité, au paragraphe 40. En d’autres termes, il incombe à la partie qui demande l’ordonnance de démontrer que :

1.                  Elle n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal – bref, elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance.

2.                  La demande vaut prima facie d’être instruite, c’est‑à‑dire qu’elle paraît au moins suffisamment valable et, de ce fait, il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir en justice parce qu’il n’en a pas les moyens financiers.

3.                  Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

[15]           La Cour suprême a ensuite fait observer que, même si ces conditions sont remplies, la Cour peut toujours exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice que l’ordonnance soit rendue : au paragraphe 41. Cette observation est cohérente avec l’article 400 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106, qui confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de trancher les questions liées aux dépens.

[16]           Par ailleurs, comme le juge Stratas l’a souligné dans Mahjoub, précité, une ordonnance de provision pour frais présuppose « l’exercice exceptionnel de ce pouvoir discrétionnaire » : au paragraphe 24. Qui plus est, comme la Cour l’a souligné dans Bande indienne d’Hagwilget c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et Nord canadien), 2008 CF 574, au paragraphe 1, 328 F.T.R. 215, les décisions de la Cour suprême dans Okanagan et Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Commissaire des Douanes et du Revenu), 2007 CSC 2, [2007] 1 R.C.S. 38, ainsi que le bon sens et la prudence élémentaire, dictent d’user de la plus grande prudence dans l’exercice de ce pouvoir.

[17]           Forte de ces enseignements sur les critères applicables, je vais maintenant examiner la preuve présentée par l’IRFAN à l’appui de sa requête. Compte tenu de leur chevauchement, je vais considérer ensemble les éléments connexes des critères des arrêts Rowbotham et Okanagan.

II.                La situation financière de l’IRFAN

[18]           D’entrée de jeu, je conviens que, si l’IRFAN voulait utiliser ses propres ressources pour financer le litige, elle devrait d’abord obtenir une exemption du ministre pour lui permettre de le faire. Comme nous l’avons vu précédemment, le ministre lui a déjà accordé une exemption pour lui permettre de payer ses frais juridiques. La question qui se pose donc est celle de savoir si l’IRFAN a établi qu’elle ne dispose plus d’aucun actif.

[19]           Les critères élaborés dans les arrêts Rowbotham et Okanagan exigent tous les deux que la partie qui demande le financement des frais par l’État ne soit pas en mesure de payer ses propres frais juridiques. En d’autres termes, la partie requérante doit démontrer qu’elle est incapable de payer et qu’elle n’est pas admissible à l’aide juridique (Rowbotham) ou qu’elle n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et qu’elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance (Okanagan).

[20]           Même si ces conditions sont formulées un peu différemment, au bout du compte, il incombe à la partie qui demande une ordonnance de type Rowbotham ou une ordonnance de provision pour frais de démontrer que sa situation financière est telle qu’elle ne peut pas payer ses propres frais juridiques.

[21]           La Cour suprême a affirmé dans Little Sisters qu’une partie qui demande une ordonnance de provision pour frais doit d’abord explorer diverses options de financement telles que le financement privé, la collecte de fonds et les demandes de prêt : au paragraphe 40. J’accepte qu’ en raison de son inscription sur la liste des entités terroristes, ces avenues ne s’offrent pas à l’IRFAN. D’ailleurs, comme l’a souligné l’avocat de l’IRFAN à l’audience, c’est la décision du ministre de refuser d’accorder une exemption pour lui permettre de procéder à une collecte de fonds qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[22]           Ajoutant foi à l’affidavit produit à l’appui de la requête présentée par l’IRFAN, je conviens également que l’organisation ne peut avoir droit à l’aide juridique en l’espèce.

[23]           Cela dit, comme la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans Al Telbani c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 188, au paragraphe 9, 441 N.R. 173, le justiciable qui demande à l’État de subventionner les frais engagés pour un litige qui l’oppose à ce dernier doit faire la démonstration de son incapacité financière «  en déposant, à tout le moins, un état détaillé de ses revenus et dépenses et un bilan financier complet ». De simples déclarations selon lesquelles le justiciable est incapable de payer ne suffisent pas : Metrolinx (GO Transit) c. Office des Transports du Canada, 2010 CAF 45, au paragraphe 10, [2010] A.C.F. no 192.

[24]           La seule preuve présentée à la Cour relativement à la situation financière de l’IRFAN est une déclaration contenue dans l’affidavit souscrit par un assistant juridique travaillant au cabinet de Me Yavar Hameed, l’avocat qui prête son assistance à l’IRFAN dans la présente instance. Sur la foi des renseignements obtenus de M. Hameed, l’assistant juridique a déclaré que [traduction] « la demanderesse ne dispose d’aucune somme ni d’aucun bien en sa possession ou détenu par la GRC qui serait suffisant pour payer les frais juridiques, même si une exemption ou une ordonnance judiciaire de libération des biens actuellement détenus par la demanderesse était accordée » : au paragraphe 29. L’affidavit n’indique pas comment M. Hameed a été mis au courant de la situation financière de l’IRFAN.

[25]           L’IRFAN reconnaît que la preuve qu’elle a fournie à la Cour sur sa situation financière comporte des lacunes et qu’elle [traduction« pourrait être plus détaillée et spécifique ». L’IRFAN soutient toutefois que, en raison de son inscription sur la liste des entités terroristes, la loi l’oblige à déclarer tous ses actifs et que la GRC est donc parfaitement au courant de la situation financière de l’IRFAN. Compte tenu du fait que la GRC relève du ministre dont la décision est visée par la présente demande de contrôle judiciaire, l’IRFAN affirme que je devrais accepter la preuve qu’elle a présentée concernant sa position financière, malgré ses lacunes. Elle soutient de plus que je devrais tirer une conclusion défavorable du fait que le ministre n’a pas présenté d’éléments de preuve pour contester l’affirmation de l’assistant juridique voulant que l’IRFAN soit dépourvue de ressources.

[26]           Je rejette ces arguments de l’IRFAN.

[27]           Le critère jurisprudentiel qui prévoit que le demandeur doit fournir les renseignements concernant sa situation financière lorsqu’il sollicite une ordonnance de type Rowbotham ou une ordonnance de provision pour frais est conçu pour faire en sorte que la Cour obtienne tous les renseignements nécessaires pour déterminer si le demandeur a établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient que pareille ordonnance soit prononcée. Le fait que l’IRFAN ait pu communiquer des renseignements financiers à la GRC n’est d’aucune utilité pour décider si une ordonnance de type Rowbotham ou une ordonnance de provision pour frais devrait être accordée en l’espèce.

[28]           Qui plus est, en alléguant qu’elle devrait être exemptée de l’obligation de fournir le genre de renseignements financiers détaillés envisagé dans Al Telbani parce que la GRC possède déjà des renseignements concernant sa situation financière, l’IRFAN tente essentiellement de faire retomber sur les épaules du défendeur le fardeau de prouver qu’elle n’est pas dépourvue de ressources. Cette façon de faire est inappropriée, puisque la jurisprudence indique clairement qu’il incombe à la partie qui demande une ordonnance de type Rowbotham ou une ordonnance de provision pour frais de démontrer qu’une réparation extraordinaire de cette nature est justifiée.

[29]           J’ajouterais également que, en s’appuyant uniquement sur la preuve par affidavit souscrite par l’assistant juridique du cabinet de l’avocat de l’IRFAN, qui n’a apparemment pas eu directement connaissance de la situation financière de celle‑ci, le défendeur n’est pas en mesure de vérifier la fiabilité de la preuve limitée présentée de façon valable.

[30]           Par conséquent, l’IRFAN ne s’est pas acquittée de l’obligation de démontrer qu’elle était incapable de payer au sens du critère de l’arrêt Rowbotham et elle n’a pas démontré non plus qu’elle n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige, si bien qu’on devrait lui accorder une ordonnance de provision pour frais.

[31]           Ma conclusion sur ce point est suffisante pour rejeter la requête de l’IRFAN. Toutefois, le cas advenant qu’elle décide de présenter une autre requête de cette nature dans le futur, je vais formuler de brèves observations sur d’autres lacunes du dossier dont j’ai été saisie.

III.             La disponibilité de la représentation

[32]           Suivant le critère de l’arrêt Rowbotham, la partie qui demande un avocat rémunéré par l’État doit également démontrer qu’elle est incapable de se représenter elle‑même convenablement. Dans une requête en provision pour frais, la partie requérante doit établir qu’elle ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal.

[33]           Comme le juge Stratas l’a fait remarquer dans Mahjoub, précité, au paragraphe 16, les tribunaux ont à maintes reprises insisté sur « la nécessité que l’accusé demandant une ordonnance de type Rowbotham établisse que des efforts importants ont été déployés pour obtenir autrement une représentation juridique ou du financement », citant, à titre d’exemple, R. v. Rain, 1998 ABCA 315, au paragraphe 88, 223 A.R. 359; R. v. Malik, 2003 BCSC 1439, [2003] B.C.J. No. 2167; R. v. Dew (E.J.), 2009 MBCA 101, aux paragraphes 22 et 98, 245 Man.R. (2d) 211; R. v. Rushlow, 2009 ONCA 461, aux paragraphes 28 à 30, 96 O.R. (3d) 302.

[34]           L’article 120 des Règles des Cours fédérales prévoit que la personne morale doit être représentée par un avocat à moins que la Cour, à cause de circonstances particulières, ne l’autorise à se faire représenter par l’un de ses dirigeants. L’assistant juridique affirme dans l’affidavit qu’il a souscrit que les [traduction« membres du conseil de direction » de l’IRFAN, non désignés nommément, sont [traduction« âgés et souffrent de problèmes de santé graves [inconnus] » et qu’ils n’ont pas la formation ou les connaissances juridiques nécessaires pour représenter l’IRFAN dans la présente affaire. Même si j’étais disposée à accepter cette affirmation très générale, on ne m’a pas convaincue que l’IRFAN ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre la présente demande à la Cour.

[35]           Il est mentionné dans l’affidavit de l’assistant juridique que M. Hameed a représenté l’IRFAN de façon bénévole jusqu’à maintenant et qu’il ne serait pas en mesure de continuer à le faire sans ordonnance de financement par l’État. Paul Champ a représenté l’IRFAN pour la requête relative aux frais et avisé la Cour qu’il ne continuerait pas de la représenter à moins qu’un arrangement ne soit conclu pour le paiement de ses honoraires.

[36]           Toutefois, comme M. Champ l’a lui-même fait remarquer durant l’audience, plusieurs autres avocats sont disposés à plaider bénévolement des causes comme celle en l’espèce. Rien ne porte à croire que l’IRFAN a déjà communiqué avec l’un de ces avocats pour leur demander s’ils seraient disposés à la représenter en l’espèce.

[37]           L’examen des trois décisions antérieures intéressant l’IRFAN, qui ont été citées dansles arguments des parties, révèle également qu’au moins trois autres avocats ont agi pour l’IRFAN dans des litiges par le passé. De plus, il ressort clairement du dossier que l’un de ces avocats l’a déjà représentée en l’espèce. Rien ne laisse croire que l’IRFAN a communiqué avec l’une de ces personnes pour voir si elles seraient disposées à la représenter bénévolement dans la présente demande.

[38]           Je reconnais qu’il pourrait être soulevé qu’ en agissant pour une organisation inscrite sur la liste des entités terroristes, un avocat pourrait, du moins en théorie, contrevenir aux dispositions de l’article 83.03 du Code criminel, R.C.S. 1985, c. C-46, en fournissant des services à une organisation inscrite sur la liste des entités terroristes. Toutefois, rien dans la preuve versée devant la Cour n’indique que cela a empêché l’IRFAN de trouver un avocat disposé à la représenter dans la présente affaire.

[39]           Cela dit, j’aimerais formuler une dernière observation à l’intention des avocats que l’IRFAN pourra consulter à l’avenir et qui pourraient se demander s’ils contreviendraient à l’article 83.03 du Code criminel en acceptant de la représenter.

[40]           L’avocat du ministre a clairement expliqué dans le dossier qu’il n’y aurait aucun motif de poursuivre un avocat simplement parce qu’il représente l’IRFAN dans le cadre de la présente demande. S’appuyant sur la décision de la Cour suprême dans R. c. Khawaja, 2012 CSC 69, au paragraphe 53, [2012] 3 R.C.S. 555, il a mentionné que l’intention du Parlement en édictant les infractions de terrorisme du Code criminel n’était pas d’interdire « un acte innocent ou socialement utile qui n’a pas essentiellement pour effet d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter ».

IV.             Conclusion

[41]           Compte tenu des lacunes de la preuve présentée à l’appui de la présente requête, l’IRFAN ne satisfait pas aux conditions applicables pour obtenir une ordonnance de type Rowbotham ou une ordonnance de provision pour frais. Je ne suis pas persuadée non plus que je devrais exercer, en faveur de l’IRFAN, le pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré par l’article 400 des Règles des Cours fédérales.

[42]           Je suis toutefois convaincue que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente intéresse une situation inhabituelle faisant entrer en jeu de nouvelles dispositions législatives dont la validité n’a pas encore été vérifiée. Je suis donc d’avis de rejeter la requête, sans qu’il soit porté atteinte au droit de l’IRFAN de présenter une nouvelle requête en financement des frais par l’État fondée sur une meilleure preuve. En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, je ne prononce aucune ordonnance quant aux dépens.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

1.                  La requête est rejetée, sans qu’il soit porté atteinte au droit de l’IRFAN de présenter une nouvelle requête en financement des frais par l’État fondée sur une meilleure preuve.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2556-14

INTITULÉ :

INTERNATIONAL RELIEF FUND FOR THE AFFLICTED AND NEEDY (CANADA) c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 MarS 2015

ordONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

LE 9 AVril 2015

COMPARUTIONS :

Paul Champ

Champ & Associates

pour la demanderesse

Kirk Shannon

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hameed & Farrokhzad

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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