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Date : 20150326


Dossier : T-1440-14

Référence : 2015 CF 388

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 mars 2015

En présence de monsieur le protonotaire Roger R. Lafrenière

ENTRE :

BAYER INC. ET

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

demanderesses

et

PHARMACEUTICAL PARTNERS

OF CANADA INC. ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La Cour est saisie d’une requête en radiation de certaines parties de la demande, fondée sur l’alinéa 6(5)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [le Règlement MBAC].

INTRODUCTION

[2]               L’instance sous-jacente est une demande présentée par les demanderesses Bayer Inc. et Bayer Intellectual Property GmbH [ci-après appelées collectivement « Bayer »] au titre du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets et de l’article 6 du Règlement MBAC. Bayer veut obtenir une déclaration portant que la lettre datée du 8 avril 2014 que lui a adressée la défenderesse, Pharmaceutical Partners of Canada Inc. [PPC], ne constitue pas un avis d’allégation ni un énoncé détaillé aux fins du Règlement MBAC et qu’elle n’a aucun effet juridique. Subsidiairement, Bayer sollicite une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à PPC relativement à son produit pour injection proposé, le chlorhydrate de moxifloxacine, et ce, jusqu’à l’expiration des trois brevets de Bayer, y compris le brevet canadien no 2 378 424 [le brevet 424].

[3]               PPC a demandé en application de l’alinéa 6(5)b) du Règlement MBAC une ordonnance radiant certaines parties de la demande de Bayer au motif que celle-ci est, pour autant qu’elle se rapporte au brevet 424, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou qu’elle constitue autrement un abus de procédure. PPC soutient que la preuve soumise par Bayer ne peut tout simplement pas étayer une conclusion de contrefaçon directe ou d’incitation à la contrefaçon de sa part.

[4]               PPC n’a déposé aucune preuve à l’appui de sa requête et s’appuie seulement sur la preuve par affidavit signifiée par Bayer dans l’instance principale relative à la contrefaçon ou à l’incitation à la contrefaçon du brevet 424 et, plus particulièrement, sur les affidavits de deux experts, Mme Linda Dresser et le Dr Roland Grossman. Comme Bayer n’a déposé aucun autre élément de preuve en réponse à la requête et que ses deux déposants n’ont pas été contre-interrogés, les faits liés à la présente requête ne sont pas contestés.

LES FAITS

[5]               PPC a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle [PADN] afin d’obtenir un avis de conformité [AC] pour le chlorhydrate de moxifloxacine en solution pour injection intraveineuse qui sera commercialisé au Canada sous le nom de PPC-Moxifloxacin. PPC compare PPC-Moxifloxacin à AVELOXMD I.V., la version de Bayer du chlorhydrate de moxifloxacine en solution pour injection intraveineuse.

[6]               Trois brevets concernant AVELOXMD I.V. sont inscrits au registre des brevets, en l’occurrence, le brevet canadien no 1 340 114, le brevet canadien no 2 192 418 et le brevet 424. Comme je l’ai mentionné, la présente requête porte uniquement sur le brevet 424. Le brevet 424 est intitulé « composition de sel de cuisine à base de moxifloxacine ». Le brevet divulgue et revendique une formulation de moxifloxacine pour administration parentérale, dont une formulation pour administration intraveineuse. Les quarante‑neuf revendications du brevet 424 requièrent l’ajout de moxifloxacine et de chlorure de sodium dans des concentrations précises.

[7]               La revendication indépendante 1 du brevet 424 vise en particulier :

Une formulation aqueuse composée de :

0,04 % à 0,4 % (p/v) de chlorhydrate de moxifloxacine, en fonction de la quantité de moxifloxacine,

0,4 % à 0,9 % (p/v) de chlorure de sodium.

[8]               PPC-Moxifloxacin XXXXXXXXXXXXXXXXXXX. Les ingrédients non médicinaux de PPC-Moxifloxacin sont les suivants : XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX.

[9]               Mme Dresser, l’un des experts de Bayer, est une pharmacienne d’hôpital qui possède plus de 25 ans d’expérience. Elle sait comment administrer en concomitance AVELOXMD I.V. et les solutions de chlorure de sodium et a prodigué des recommandations aux médecins sur la façon de l’administrer. Le Dr Grossman, l’autre expert de Bayer, est un médecin faisant partie du personnel du Credit Valley Hospital et est professeur de médecine à l’Université de Toronto. Il est un expert de renommée mondiale sur l’utilisation des antibiotiques, dont le moxifloxacine, dans le traitement des infections respiratoires comme la pneumonie d’origine communautaire.

[10]           La preuve de Mme Dresser concerne l’interprétation du brevet 424 et de ses revendications. Mme Dresser a examiné la monographie de produit de PPC et fait la démonstration de la façon dont ce document pourrait être compris et utilisé. Elle fait observer que la monographie de produit indique que, dans le cadre d’une administration concomitante, PPC-Moxifloxacin est compatible avec les six mêmes solutions intraveineuses qu’AVELOXMD I.V.. L’extrait pertinent est rédigé comme suit :

Le moxifloxacine pour injection est compatible avec les solutions intraveineuses suivantes dans une proportion variant de 1 :10 à 10 :1 :

0,9 % de chlorure de sodium pour injection, USP

1M chlorure de sodium pour injection

5 % de dextrose pour injection, USP

Eau stérile pour injection, USP

10 % de dextrose pour injection, USP

Lactate de Ringer pour injection

[11]           Mme Dresser et le Dr Grossman ont expliqué comment PPC-Moxifloxacin sera ou sera probablement utilisé et commercialisé si PPC obtient un AC pour PPC-Moxifloxacin. Selon Mme Dresser, pour vendre PPC-Moxifloxacin, PPC devra présenter des soumissions en vue de fournir les hôpitaux et voir à ce que ces hôpitaux stockent et administrent PPC-Moxifloxacin au lieu d’AVELOXMD I.V. Elle a affirmé que si PPC obtient un AC pour PPC-Moxifloxacin :

(a)                PPC-Moxifloxacin et une solution saline de chlorure de sodium à 0,9 % seront administrés en concomitance dans une certaine proportion à l’aide d’un raccord“Y”.

(b)               La formulation qui sera administrée aux patients contrefera certaines revendications du brevet 424.

(c)                La formulation résultante administrée au patient contiendra de la moxifloxacine et du chlorure de sodium et contrefera les revendications 1, 2, 5, 8, 9, 11, 37, 38 et 49 du brevet 424.

[12]           Bayer a admis que rien n’indique que PPC contrefait directement le brevet 424. Elle affirme, toutefois, que les professionnels de la santé contreferont le brevet 424 en conséquence directe des renseignements que PPC communiquera dans sa monographie de produit et de ses tentatives à faire remplacer AVELOXMD I.V. par PPC-Moxifloxacin.

[13]           L’avocat de Bayer a convenu durant l’audition de la requête que la preuve concernant l’incitation à la contrefaçon par PPC se résume au paragraphe 42 de l’affidavit de Mme Dresser, qui se lit comme suit :

[traduction] Compte tenu de la monographie de produit de PPC, si le produit de PPC était vendu au Canada, en tant que pharmacien, j’informerais les médecins que le produit de PPC peut être prescrit, utilisé et administré de la même manière qu’AVELOXMD I.V. Donc, à mon avis, selon les directives des monographies de produit de PPC, les médecins prescriraient et utiliseraient le produit de PPC de la même manière qu’AVELOXMD I.V., notamment l’administration en concomitance du produit de PPC et d’une solution saline normale dans les contextes pour lesquels le médecin traitant établit que ce produit est recommandé.

[14]           PPC fait valoir que, dans le meilleur des cas, la preuve produite par Bayer ne peut absolument pas établir de contrefaçon directe ni d’incitation à la contrefaçon du brevet 424 par PPC, et que la demande, dans la mesure où elle se rapporte au brevet 424, devrait être rejetée.

ANALYSE

[15]           La présente requête a été instituée par PPC, la seconde personne au sens du Règlement MBAC, au titre de l’alinéa 6(5)b), qui prévoit :

6. (5) Sous réserve du paragraphe (5.1), lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter tout ou partie de la demande si, selon le cas …

b) il conclut qu’elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement, à l’égard d’un ou plusieurs brevets, un abus de procédure.

6. (5) Subject to subsection (5.1), in a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application in whole or in part …

(b) on the ground that it is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process in respect of one or more patents.

[16]           L’objet du paragraphe 6(5) est de permettre à la Cour de statuer rapidement sur les demandes sans fondement présentées par des premières personnes n’ayant aucune d’avoir gain de cause à l’audience. Les parties conviennent que le rejet d’une demande au titre de l’alinéa 6(5)b) est un redressement extraordinaire qui ne sera accordé que si la demande est « manifestement futile » ou qu’il est « évident et manifeste » qu’elle n’a aucune chance d’être accueillie : Sanofi-Aventis Canada Inc. c Novopharm Ltd, 2007 CAF 163 [Sanofi-Aventis], aux paragraphes 28 et 36. C’est la partie qui présente la requête fondée sur l’alinéa 6(5)b) qui assume seule le fardeau de la preuve : Pfizer Canada Inc. c Apotex Inc., 2009 CF 671, au paragraphe 33.

[17]           La seconde personne peut demander le rejet de la demande de la première personne en vertu de l’alinéa 6(5)b) au motif que la preuve par affidavit présentée par cette dernière ne suffit pas à prouver que les allégations de contrefaçon de la seconde personne sont injustifiées : Novopharm Limited c Sanofi-Aventis Canada Inc., 2007 CAF 167 [Novopharm], au paragraphe 13. Pour rendre une telle décision, le juge des requêtes doit pouvoir tirer les conclusions de fait nécessaires, en les considérant de la manière la plus favorable à la première personne, et appliquer le droit aux faits.

[18]           La requête en rejet ne sera accueillie que s’il est évident qu’il n’existe aucune cause défendable, eu égard au fond de la demande. La démarche de la Cour ne doit ressembler en rien à l’instruction de l’action liée aux affidavits contradictoires pour évaluer la solidité de la thèse de chaque partie.

Incitation

[19]           Bayer n’a produit aucune preuve qui établisse ni même suggère que PPC contreferait directement le brevet 424. Ledit brevet revendique une formulation contenant de la moxifloxacine et du chlorure de sodium selon certaines concentrations spécifiées. Mme Dresser reconnaît dans son affidavit que XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXX, il n’y a donc aucune contrefaçon directe par PPC. Bayer soutient plutôt que PPC incitera ou aidera d’autres à contrefaire le brevet 424.

[20]           Bayer soutient que la preuve établit clairement que la monographie de produit de PPC incite à la contrefaçon du brevet 424 et que la vente de PPC-Moxifloxacin entraînera la contrefaçon du brevet 424.

[21]           Selon Mme Dresser, le produit de PPC sera administré en concomitance avec une solution saline à base de chlorure de sodium à 0,9 % dans les proportions indiquées dans le brevet 424 si un avis de conformité est délivré pour le produit de PPC et que PPC commercialise le produit pour qu’il soit utilisé conformément à la monographie de produit.

[22]           D’après Bayer, sa preuve démontre que :

(a)                l’utilisation de PPC-Moxifloxacin contrefera le brevet 424;

(b)               cette contrefaçon sera la conséquence directe des renseignements que PPC a communiqués dans sa monographie de produit et du fait que PPC cherche à faire prescrire PPC‑Moxifloxacin à la place d’AVELOXMD I.V. de Bayer;

(c)                PPC a communiqué ces renseignements en sachant que la contrefaçon du brevet 454 est une conséquence inévitable.

[23]           Il est bien établi qu’il n’y a pas de contrefaçon de brevet par la vente d’un article qui ne le contrefait pas en soi, même lorsque le vendeur sait que l’acheteur acquiert l’article afin de l’utiliser pour contrefaire le brevet; Slater Steel Industries Ltd c R Payer Co (1968), 38 Fox Pat C 139, 1968 CarswellNat 29, 55 CPR 61 (C. de l’É.); citant Hatton c Copeland-Chatterson Co (1906), 1906 CarswellNat 10, 10 Ex CR 224 (C. de l’É.); confirmé par (1906), 1906 CarswellNat 37, 37 RCS 651 (CSC).

[24]           Il ne suffit pas d’affirmer que les pharmaciens ou les médecins prescriront PPC-Moxifloxacin d’une manière équivalant à de la contrefaçon pour établir de ce fait l’incitation. Ce sont les actes de la seconde personne qui sont en cause, et non les actes de contrefaçon posés par des tiers, comme l’a conclu la juge Mactavish dans la décision Lundbeck Canada Inc. c Ratiopharm Inc., 2009 CF 1102, aux paragraphes 367 à 369 :

367      S’appuyant sur les considérations qui précèdent, les demanderesses soutiennent qu’en raison de la nature du marché canadien de la mémantine, une contrefaçon du brevet 492 est inévitable, car la mémantine sera prescrite par les médecins, délivrée par les pharmaciens et utilisée par les patients dans le cadre d’une bithérapie.

368      C’est fort possible. En effet, la preuve circonstancielle semble indiquer que le produit ratio‑MEMANTINE de Ratiopharm peut finir par être utilisé en association avec des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase pour le traitement de la maladie d’Alzheimer, ce qui contreferait le brevet 492. Ratiopharm peut s’attendre à ce qu’une telle éventualité se produise. Ce sont cependant les actes et non les attentes de Ratiopharm qui sont en litige en l’espèce.

369      Les parties s’entendent sur le fait que la possibilité de contrefaçon en aval ne suffit pas, en soi, à établir la contrefaçon par incitation. Comme l’a fait observer la juge Gauthier dans la décision Aventis Pharma Inc. c. Pharmascience Inc. 2006 CF 861, 51 C.P.R. (4th) 161, même s’il peut être établi que la contrefaçon du fait d’autres personnes « est très probable, sinon inévitable », cette preuve ne sera pas suffisante pour établir qu’une allégation de non‑contrefaçon n’est pas justifiée : voir le paragraphe 31.

[25]           La seconde personne peut participer à la contrefaçon d’un brevet par d’autres personnes si elle incite à cette contrefaçon. Le critère relatif à l’incitation a été établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Weatherford Canada Ltd c Corlac Inc., 2011 CAF 228 [Weatherford], au paragraphe 162. Premièrement, l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct. Deuxièmement, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu. Troisièmement, l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[26]           Le critère relatif à l’incitation est conjonctif, ce qui veut dire que Bayer doit en établir les trois éléments pour que sa demande soit accueillie. L’avocat de PPC fait valoir que les déposants de Bayer ne fournissent aucune preuve de l’influence que PPC aurait exercée et qui aurait entraîné l’exécution de l’acte de contrefaçon du brevet 424, délibérément ou autrement, et qu’il est donc évident et manifeste que la demande ne peut être accueillie relativement au brevet 424.

[27]           PPC affirme dans sa monographie de produit que PPC-Moxifloxacin peut être utilisé sans danger avec le chlorure de sodium et administré en séquence avec une solution contenant du chlorure de sodium. La monographie de produit précise aussi que la dilution de PPC‑Moxifloxacin dans une autre solution (dont, probablement, des solutions de chlorure de sodium) n’est pas nécessaire. Compte tenu de ces déclarations, Mme Dresser est d’avis que les médecins pourraient prescrire, utiliser et administrer PPC-Moxifloxacin de la même manière qu’AVELOXMD I.V. [traduction] « comme il est indiqué dans la monographie de produit de PPC ».

[28]           À mon avis, eu égard à la preuve présentée à la Cour, Bayer n’a aucune chance raisonnable de succès pour ce qui est du second volet du critère de l’incitation énoncé dans l’arrêt Weatherford. La condition voulant que l’incitateur présumé influence le contrefacteur direct est un élément constitutif de l’incitation. Rien dans la monographie de PPC ne peut établir que PPC contrefera le brevet 424 en incitant d’autres à la contrefaçon.

[29]           La contrefaçon par incitation peut être établie au moyen d’inférences raisonnablement tirées du contenu de la monographie du médicament générique, ou par des éléments de preuve liés à la forme posologique du produit générique, à son étiquetage ou à sa mise en marché : Lundbeck Canada Inc. c Ratiopharm Inc., 2009 CF 1102, aux paragraphes 356 et 399. Le problème avec la preuve présentée par Bayer est qu’il n’existe aucun fait, en dehors de l’opinion de Mme Dresser, pour étayer la conclusion suivant laquelle PPC [traduction« donne des directives » à d’autres pour contrefaire le brevet 424. La question de savoir si la monographie de PPC donne effectivement de telles directives est une affaire de fait et non d’opinion. Qu’un expert aide la Cour à interpréter des termes techniques est une chose, qu’il émette une opinion sur la question même que la Cour est appelée à trancher en est une tout autre.

[30]           Il convient de rappeler que PPC demande un avis de conformité qui l’autoriserait à mettre sur le marché et à vendre son propre produit sans contrefaçon. PPC n’a pas encore procédé à cette mise en marché. Aucune preuve n’indique que PPC cherchera à vendre son produit en combinaison avec du chlorure de sodium, sinon des hypothèses. Rien n’atteste non plus une tentative flagrante de sa part d’inciter ou d’encourager d’autres à contrefaire le brevet 424.

[31]           Il n’existe certainement ni instructions ni directives explicites liées à l’exécution d’un acte de contrefaçon du type de celles dont il était question dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c Trilantic Corp. (1986), 8 CPR (3d) 241 (CAF) [Windsurfing], qui concernait la vente de pièces pouvant être assemblées de manière à produire un dispositif qui contrefaisait le brevet de la défenderesse.

[32]           Comme la juge Layden-Stevenson a fait observer dans AB Hassle c. Genpharm Inc, 2003 CF 1443, au paragraphe 155, une « mention subtile » dans une monographie de produit peut suffire pour donner au lecteur l’impression qu’un médicament peut être utilisé d’une manière qui contreferait un brevet. Cependant, les renvois généraux et génériques au chlorure de sodium dans la monographie de produit de PPC ne constituent pas une incitation. Rien ne laisse croire que PPC-Moxifloxacin devrait remplacer AVELOXMD I.V. ou être utilisé de la même manière que ce dernier. La monographie de produit de PPC précise aussi en caractère gras que PPC-Moxifloxacin ne nécessite pas de dilution. La simple déclaration que PPC‑Moxifloxacin peut être dilué sans danger avec l’une des six solutions pour administration intraveineuse, notamment le chlorure de sodium, ou qu’il peut être utilisé en séquence avec des solutions contenant du chlorure de sodium, sans plus, ne suffit pas à conclure que PPC incite sciemment les professionnels de la santé à administrer en concomitance PPC-Moxifloxacin et le chlorure de sodium.

[33]           Bayer soutient que PPC a clairement l’intention que AVELOXMD I.V. soit remplacé par PPC‑Moxifloxacin et que ce dernier soit administré aux patients de la même manière qu’AVELOXMD I.V, comme le prouve la façon dont PPC vendra son produit. Mme Dresser affirme qu’après que le produit de PPC sera mis sur le marché au Canada, PPC devra contacter les hôpitaux ou les grossistes pour les convaincre de fournir PPC-Moxifloxacin au lieu d’AVELOXMD I.V. Il ne s’agit que de simples conjectures et suppositions de Mme Dresser. Si PPC incite ou aide bel et bien une autre personne à contrefaire le brevet 424, Bayer disposera d’un recours en contrefaçon.

[34]           Il incombe à Bayer, dans le cadre de la demande principale, d’établir selon la prépondérance des probabilités que l’allégation de PPC selon laquelle elle n’incitera pas d’autres à contrefaire le brevet 424 est injustifiée. PPC a établi, compte tenu du dossier dont je dispose, qu’il est évident et manifeste que Bayer n’a aucune chance raisonnable de démontrer qu’elle contrefait ou qu’elle incitera d’autres à contrefaire le brevet 424. Comme le critère relatif à l’incitation est conjonctif, et que Bayer n’a produit aucune preuve susceptible de satisfaire à ses trois volets, je conclus que la demande d’interdiction, dans la mesure où elle se rapporte au brevet 424, est inévitablement vouée à l’échec. À ce titre, elle est « vexatoire » au sens du paragraphe 6(5) du Règlement MBAC.

CONCLUSION

[35]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la requête en radiation de certaines parties de la demande relative au brevet 424, fondée sur l’alinéa 6(5)b) du Règlement MBAC, devrait être accueillie.

[36]           Les avocats ont convenu que des dépens fixés à un montant de 5 000 $ devraient être adjugés à la partie qui aurait pleinement gain de cause relativement à la requête. Dans les circonstances, les dépens doivent être adjugés à PPC au montant convenu.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  Toutes les parties de la demande se rapportant au brevet 424 sont rejetées.

2.                  Les dépens de la requête, fixés par la présente à 5 000 $, incluant les débours et les taxes, doivent être versés par les demanderesses à la défenderesse, Pharmaceutical Partners of Canada Inc.

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1440-14

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH c PHARMACEUTICAL PARTNERS OF CANADA INC. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 mars 2015

MOTIFS PUBLICS DE L’ordonnance ET ordonnance :

LE protonotaire LAFRENIÈRE

DATE DES MOTIFS :

LE 26 mars 2015

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Frederic Lussier

POUR LES DEMANDERESSES

Tim Gilbert

Nathaniel Lipkus

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Gilbert’s LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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