Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150302


Dossier : IMM-5089-14

Référence : 2015 CF 261

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2015

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

HUMBERTO GALINDO HERRERA

ANA LAURA GAMON IBARRA

LESLIE GALINDO GAMON

VANESSA GALINDO GAMON

HUMBERTO DAVID GALINDO GAMON

Les demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION

Le défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Les demandeurs, Humberto Galindo Herrera, son épouse, Ana Laura Gamon Ibarra, et leurs trois enfants, sont citoyens mexicains.  Se disant victimes d’un groupe d’extorqueurs, ils ont fui le Mexique pour le Canada en mars 2009.  Ils ont alors présenté une demande d’asile, laquelle leur a été refusée en janvier 2012, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SPR) estimant que ladite demande présentait des lacunes qui l’incitait à ne pas croire les principaux éléments du récit des demandeurs.  Ceux-ci ont alors cherché à contester cette décision devant la Cour, mais l’autorisation pour ce faire leur a été refusée en juin 2012.

[2]               Aussitôt leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire refusée, les demandeurs ont adressé au Ministre défendeur (le Ministre) une demande, fondée sur l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi], visant à leur permettre, sur la base de considérations humanitaires, de demander le statut de résidents permanents à partir du Canada, et non de l’étranger, tel que l’exige normalement la Loi.

[3]               Les demandeurs ont invoqué, au soutien de cette demande, que leur degré d’établissement au Canada, l’intérêt supérieur des trois enfants, alors âgés de 15, 18 et 21 ans, et les risques d’un retour éventuel au Mexique pour leur bien-être et leur sécurité personnels, constituaient des considérations humanitaires suffisantes pour justifier qu’ils soient exemptés de l’obligation de présenter une demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

[4]               Cette demande leur a été refusée le 15 avril 2014 par une déléguée du Ministre (la Déléguée).  C’est à l’encontre de cette décision que les demandeurs se pourvoient en l’instance aux termes de l’article 72 de la Loi.

II.                Question en litige et norme de contrôle

[5]               Les demandeurs soutiennent que la Déléguée a mal évalué le degré de leur établissement au Canada, qu’elle a analysé de manière erronée le critère relatif au meilleur intérêt de l’enfant, qu’elle s’est méprise dans son examen des difficultés liées à un retour au Mexique et qu’elle a contrevenu aux principes de justice d’équité procédurale en n’accordant pas ou peu de valeur à certains éléments de preuve, et ce , sans fournir de motifs raisonnables.

[6]               Il est bien établi que les décisions prises aux termes de l’article 25 de la Loi sont de nature discrétionnaire et que la norme de contrôle qui leur est applicable est celle de la décision raisonnable (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 360, au para 18; Matthias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 1053 au para 28; Chekroun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 737, 436 FTR 1 au para 36; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 799, au para 11).

[7]               Suivant cette norme de contrôle, la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions tirées par le Ministre et n’interviendra, en conséquence, que si celles-ci, d’une part, ne possèdent pas les attributs de la justification, de la transparence ou de l'intelligibilité et, d’autre part, n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au para 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au para 59Dunsmuir, précitée au para 47; Chekroun, précitée au para 36; Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 1511, aux paras 28 à 31).

[8]               Toujours suivant cette norme, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle à laquelle s’est livré le Ministre et de lui préférer ses propres conclusions à celles que celle-ci a tirées (Khosa, précitée au para 59).

III.             Analyse

[9]               Selon la Loi, tout étranger – c'est-à-dire toute personne qui n’est ni citoyen canadien, ni résident permanent du Canada – qui souhaite entrer au Canada doit au préalable demander au Ministre la délivrance des visas ou autres documents requis par la Loi et ses règlements d’application (article 11 de la Loi; voir aussi Kanthasamy c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2014 CAF 113, au para 5).

[10]           Toutefois, l’article 25 de la Loi prévoit qu’il est possible de déroger à cette règle sur la base de considérations humanitaires et de permettre ainsi à un étranger de faire une demande de visa de résidence permanente à partir du Canada.  Il s’agit là par contre, au regard de la Loi, d’une mesure d’exception.  Comme la Cour d’appel fédérale l’a rappelé dans Kanthasamy, précitée, l’article 25 ne vise pas à créer une filière d’immigration de remplacement ni à offrir un mécanisme d’appel aux demandeurs d’asile déboutés (Kanthasamy, au para 40).

[11]           L’article 25 de la Loi exige donc de celui qui réclame accès à ce régime d’exception la preuve que l’application du régime autrement applicable, soit celui qui requiert que la demande de visa soit faite préalablement à l’entrée au Canada, lui ferait subir, personnellement, des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives associées au fait de quitter le Canada, à celui d’arriver et de demeurer dans le pays étranger ou les deux à la fois (Kanthasamy, précité aux paras 40 et 41).  Il doit s’agir de facteurs exceptionnels puisque le régime de l’article 25 n’a pas pour but d’exempter l’étranger des conséquences inhérentes au fait de quitter le Canada et de présenter une demande de résidence permanente par les voies normales (Kanthasamy, aux paras 41 et 47; Monteiro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1322, au para 20).

[12]           Dans la présente affaire, les demandeurs soutiennent que la Déléguée du Ministre n’a pas soupesé adéquatement les différents facteurs invoqués pour justifier la présence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées donnant accès au régime d’exception de l’article 25.

[13]           Or, les demandeurs ne m’ont pas convaincu que l’analyse à laquelle s’est livrée la Déléguée et les conclusions auxquelles elle en est arrivée sont déraisonnables.  D’entrée de jeu, la Déléguée a correctement exposé le cadre d’analyse applicable en précisant la nature exceptionnelle de la demande fondée sur l’article 25 de la Loi et le fardeau qui en découle quant à la nature des difficultés devant être établies pour justifier l’octroi d’une telle demande.

[14]           Quant au premier facteur invoqué par les demandeurs au soutien de leur demande, celui de l’établissement au Canada, les demandeurs soutiennent que la Déléguée était tenue d’en faire une analyse plus approfondie plutôt que de se contenter d’énoncer les faits et d’y aller d’une conclusion négative sans véritable analyse.

[15]           Or, ce n’est pas la lecture que je fais de la décision de la Déléguée à cet égard.  À mon avis, celle-ci a effectivement procédé à une analyse des différents éléments invoqués par les demandeurs au soutien de ce facteur.  Elle a notamment reconnu que M. Herrera et son épouse, qui ont tous deux des emplois rémunérés depuis décembre 2009, avaient fait des efforts afin d’intégrer le marché du travail au Canada et être autonomes financièrement et que cela constituait un élément positif de leur demande.

[16]           Toutefois, compte tenu de leur profil académique et professionnel respectif, la Déléguée a jugé que M. Herrera et son épouse n’avaient pas établi en quoi ils ne seraient pas en mesure de trouver un emploi au Mexique de manière à pouvoir continuer à subvenir aux besoins de la famille.  Elle a fait le même constat en ce qui a trait aux deux filles du couple, Leslie et Vanessa, qui ont acquis une expérience de travail et une formation ici au Canada et qui, selon la Déléguée, devraient être, elles aussi, capables de trouver un emploi dans leur pays d’origine.

[17]           La Déléguée, s‘appuyant sur la jurisprudence de cette Cour (Lalane c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 6, 338 FTR 224), a aussi déterminé que la rupture du lien d’emploi qu’entraînerait leur départ du Canada ne constituait pas une difficulté « inhabituelle et injustifiée ou démesurée ».

[18]           La Déléguée a aussi considéré comme étant positif le fait que les demandeurs se soient bien intégrés à leur communauté, mais elle a estimé, là aussi, qu’une rupture des liens ainsi tissés par les demandeurs relevait davantage des difficultés inhérentes au fait de devoir quitter le Canada en vue de soumettre, de l’étranger, une demande de visa de résidence permanente.

[19]           Sur ce premier facteur, la Déléguée a conclu ce qui suit :

Les demandeurs sont au Canada depuis environ 5 ans et ils travaillent.  Bien qu’il s’agisse d’une durée considérable, la famille a vécu la majeure partie de leur vie au Mexique où ils ont également travaillé.  Ceux-ci ont démontré une capacité d’adaptation, dans un pays qui leur était étranger, rien ne démontre qu’ils ne seraient pas en mesure de recommencer leur vie dans leur pays d’origine.  Ayant tenu compte de l’ensemble des informations et des éléments dont je dispose, je suis d’avis que l’établissement et l’intégration des demandeurs au Canada n’est pas tel qu’il puisse (sic) justifier une dispense.  Bien que je considère positif les efforts d’intégration des demandeurs, ces derniers n’ont pas démontré qu’une rupture de leurs liens au Canada leur occasionnerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou démesurée s’ils devaient déposer leur demande de l’étranger tel que requis par la loi normalement.

[20]           Le facteur du degré d’établissement au Canada est certes important dans l’analyse d’une demande formulée aux termes de l’article 25, mais il n’est pas, en soi, déterminant.  Dans la mesure où l’ensemble des circonstances pertinentes est pris en compte, la Cour n’interviendra que rarement dans l’appréciation que fait le Ministre de ce facteur et du poids que celui-ci doit avoir dans l’évaluation globale de ladite demande.  C’est ce que rappelait récemment la Cour dans l’affaire Diabate c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 129, 427 FTR 87 au para 29, où ma collègue la juge Gleason écrivait :

Lorsque, comme c'est le cas ici, le demandeur atteste un certain niveau d'établissement, et dans la mesure où l'agente tient compte des facteurs pertinents, alors la Cour n'interviendra que rarement dans l'analyse, le registre des issues possibles acceptables étant dès lors très étendu.  Il est d'ailleurs bien établi qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier à nouveau les facteurs exposés dans une demande CH (Khosa, au paragraphe 61; Allard c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)2012 CF 1268, au paragraphe 45).  Et, comme l'écrivait le juge Blais (alors juge à la Cour fédérale) dans la décision Lee c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)2005 CF 413, au paragraphe 9, même si le niveau d'établissement au Canada est sans doute un facteur pertinent dont l'agent doit tenir compte, c'est un facteur qui n'est pas déterminant :

A mon avis, l'agent n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a indiqué que le temps passé au Canada par les demandeurs et leur établissement dans la communauté étaient des facteurs importants, mais non déterminants.  Si la durée du séjour au Canada devait devenir le principal facteur dont il faut tenir compte dans le cadre de l'examen d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, cela encouragerait les gens à tenter leur chance et à revendiquer le statut de réfugié en croyant que, s'ils peuvent rester au Canada suffisamment longtemps pour démontrer qu'ils sont le genre de gens que le Canada recherche, ils seront autorisés à rester (Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[2000] ACF no 1906).

(voir aussi Jhabar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 1226, au para 18).

[21]           La procureure des demandeurs a beaucoup insisté à l’audience sur le fait que cela fait maintenant six (6) ans que les demandeurs sont établis au Canada, ce qui représente, selon elle, une période d’établissement considérable.  Le Ministre ne nie pas qu’il s’agisse là d’une période significative, mais il fait remarquer que la Loi n’a pas été conçue de manière à encourager un étranger à rester le plus longtemps possible en situation d’illégalité au Canada de façon à améliorer ses chances d’être autorisé à y demeurer.

[22]           Comme on vient de le voir, la durée du séjour au Canada demeure un facteur comme les autres dont l’appréciation doit se faire en fonction de la réserve dont faisait état le juge Blais dans l’affaire Lee à laquelle réfère la juge Gleason dans Diabate, précitée, et que le Ministre reprend à son compte.  Après tout, l’étranger en situation d’illégalité doit savoir qu’il demeure sujet à un éventuel renvoi et que ce renvoi, le cas échéant, risque d’être d’autant plus pénible selon la durée du séjour au Canada (Serda c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 356, aux paras 21-23). 

[23]           J’estime donc qu’il n’y a pas matière à intervenir à l’égard de ce premier facteur.

[24]            En ce qui a trait au facteur de l’intérêt supérieur de l’enfant, les demandeurs soutiennent que le retour de la famille au Mexique entraînerait pour les trois enfants des privations tant sur le plan scolaire que sur celui de l’emploi.  Ils reprochent à la Déléguée de ne pas s’être suffisamment intéressée à la vie que mènent leurs enfants au Canada et aux bienfaits que cela leur apporte.

[25]           Encore une fois, l’analyse à laquelle s’est livrée la Déléguée me paraît adéquate.  Elle a tenu compte du fait que les trois enfants fréquentaient l’école, bien qu’elle ait souligné qu’il s’agissait là d’une chose normale à laquelle il fallait s’attendre d’enfants d’âge scolaire.  Elle a aussi accordé du poids au fait que les trois enfants avaient développé des liens d’amitié et d’attachement durant leur séjour au Canada.

[26]           Toutefois, constatant que l’unité familiale ne serait pas rompue advenant un retour au Mexique, la Déléguée s’est dite d’avis que M. Herrera et son épouse n’avaient pas établi en quoi ils ne seraient pas en mesure, dans cette hypothèse, de continuer à veiller au bien-être émotionnel, physique, social et économique de leurs trois enfants ou encore en quoi les enfants, qui y ont vécu une bonne partie de leur vie et ont fréquenté le système scolaire, ne seraient pas en mesure de se réadapter à la société mexicaine.  Elle a aussi jugé que M. Herrera et son épouse, à qui revenait le fardeau (Abdirisaq c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 300, au para 3; Ahmed c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 1303, 372 FTR 1, au para 30), n’avaient pas soumis suffisamment de preuve documentaire étayant leur prétention que les études effectuées au Canada par leurs trois enfants ne seraient pas reconnues au Mexique.

[27]           À mon avis, la Déléguée, comme la jurisprudence l’exigeait d’elle (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817), a été sensible, attentive et réceptive à ce facteur et les demandeurs n’ont pas établi en quoi sa conclusion à l’égard de ce facteur est déraisonnable.  La Déléguée a rappelé, à juste titre, que le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant, bien que le Ministre soit tenu par la Loi de le considérer, ne bénéficie pas d’une présomption de prépondérance sur les autres facteurs pertinents à l’analyse d’une demande fondée sur l’article 25 de la Loi (Legault c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358).

[28]           La situation alarmante décrite dans l’article cité par les demandeurs au paragraphe 54 de leur mémoire sur la situation des enfants au Mexique, lequel article n’a pas été soumis à l’attention de la Déléguée, ne me semble pas refléter la réalité des enfants de M. Herrera et de son épouse dans la mesure où il s’intéresse principalement aux enfants issus de milieux défavorisés.  Ce n’est pas le cas des enfants de M. Herrera et de son épouse et ce n’était pas leur réalité au moment où la famille a quitté le Mexique si je me fie, notamment, aux propos de la procureure des demandeurs qui a précisé, à l’audience, que M. Herrera et son épouse touchaient, à ce moment, des revenus bien supérieurs à la moyenne mexicaine.

[29]           Leur réalité n’est pas celle non plus du requérant dans l’affaire Raudales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 385, invoquée par les demandeurs, un jeune adolescent issu de l’un des quartiers les plus pauvres et les plus dangereux de la capitale du Honduras qui a quitté son pays natal, seul, à pied, pour aller rejoindre de la parenté installée à Vancouver.

[30]           Eu égard maintenant au facteur lié aux risques découlant de la situation prévalant au Mexique, la Déléguée a d’abord noté que les craintes soulevées par les demandeurs quant à leur sécurité personnelle étaient en substance les mêmes que celles examinées par la SPR dans le cadre de leur demande d’asile et qu’il ne lui appartenait pas, dans le cadre d’une demande présentée en vertu de l’article 25 de la Loi, de reconsidérer, en l’absence d’éléments nouveaux, les conclusions tirées par la SPR.

[31]           Quant à la preuve relative à la situation générale prévalant au Mexique, la Déléguée a conclu que bien que cette situation ne soit pas parfaite, les demandeurs n’avaient pas fait la démonstration que les difficultés auxquelles ils seraient exposés advenant leur retour dans ce pays seraient différentes de celles auxquelles est exposée le reste de la population mexicaine.

[32]           Les demandeurs soumettent qu’il était impossible à la Déléguée d’examiner adéquatement ce facteur dans la mesure où elle n’avait pas, au préalable, procédé correctement à l’analyse du facteur relatif au degré d’établissement au Canada.

[33]           Compte tenu de ma conclusion à l’effet que cette analyse s’est avérée raisonnable, l’argument des demandeurs concernant le traitement, par la Déléguée, du facteur lié aux difficultés qu’entraînerait un retour au Mexique, doit, en conséquence, échouer.

[34]           Finalement, il doit en être ainsi également de l’argument voulant que la Déléguée ait contrevenu aux principes de justice d’équité procédurale en n’accordant pas ou peu de valeur à certains éléments de preuve, et ce, sans fournir de motifs raisonnables.

[35]           Il convient de rappeler, à cet égard, que les questions relatives au poids accordé à la preuve ou encore à la suffisance des motifs d’une décision d’un décideur administratif, concernant le caractère raisonable de celle-ci, et non sa conformité aux principes de l’équité procédurale (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor)[Newfoundland Nurses] , 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, aux paras 14 et 22; Nnabuike Ozomma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1167, [2014] 1 RCF 732 au para 20; Pacheco c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 682, 410 FTR 250, au para 9).  À cet égard, il est bien établi que le caractère raisonnable et la validité d’une décision ne peuvent être mises en doute sur la seule base que les motifs du décideur administratif ne font pas référence « à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire’ et que ce décideur n’est ainsi pas tenu ‘de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale » (Newfoundland Nurses, précitée, au para 16).

[36]           Il suffisait ici que les motifs de la décision de la Déléguée permettent à la Cour de comprendre le fondement de sa décision et de déterminer si la conclusion à laquelle la Déléguée en est arrivée, faisait partie des issues possibles acceptables.  Pour les motifs que j’ai déjà énoncés, je juge que c’était le cas.

[37]           Comme l’a fait remarquer le Ministre dans son mémoire, les demandeurs invitent à toutes fins pratiques la Cour à réexaminer leur demande d’exemption et à substituer son opinion à celle de la Déléguée.  Comme je l’ai déjà indiqué, cela n’est pas le rôle de la Cour lorsqu’elle est appelée à statuer sur une demande de contrôle judiciaire (Herrera Rivera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 FC 570, au para 24).

[38]           Les demandeurs devaient convaincre la Déléguée que leur situation personnelle est telle que les difficultés liées au fait de devoir obtenir le statut d'immigrant par les voies normales, c’est-à-dire de l'extérieur du Canada, seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), précitée, au para 45; Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), précitée, au para 10).

[39]           Ils n’y sont pas parvenus et ne m’ont pas convaincu que la décision de la Déléguée, eu égard à l’ensemble des circonstances de ce dossier, est déraisonnable.

[40]           Il y a lieu de rappeler, en terminant, que la décision de ne pas exempter les demandeurs de l’application des exigences habituelles de la Loi ne prive pas ceux-ci du droit de présenter une demande de résidence permanente puisqu’il leur sera toujours loisible de le faire de l’extérieur du Canada (Bichari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 127, 362 FTR 7, au para 26; Jasim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1017, au para 11).

[41]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a sollicité la certification d’une question pour la Cour d’appel fédérale, tel que le prévoit le paragraphe 74(d) de la Loi.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5089-14

INTITULÉ :

HUMBERTO GALINDO HERRERA ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 février 2015

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 2 mars 2015

COMPARUTIONS :

Me Camille Clamens

Pour la demanderesse

Me Charles Junior Jean

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Camille Clamens

Avocat(e)

Montréal (Québec)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour la défenderesse

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.