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Date : 20141219


Dossier : T‑511‑13

Référence : 2014 CF 1170

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

HUSKY OIL OPERATIONS LIMITED

demanderesse

et

L’OFFICE CANADA – TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

et

LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU  CANADA

défendeurs

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

(Motifs confidentiels du jugement rendus le 8 décembre 2014)

LA JUGE HENEGHAN

I.                   INTRODUCTION

[1]               Husky Oil Operations Limited (la demanderesse) sollicite, conformément à l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 (la Loi sur l’accès), le contrôle judiciaire de la décision datée du 6 mars 2013 par laquelle l’Office Canada – Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers (l’Office) a statué que certains renseignements n’étaient pas protégés en vertu du paragraphe 119(2) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada – Terre‑Neuve, LC 1987, c 3 (la Loi sur l’Accord). L’Office a par conséquent fait savoir qu’il communiquerait les renseignements en cause, sous réserve d’expurgations faites en vertu de l’alinéa 20(1)b) et de l’article 19 de la Loi sur l’accès.

[2]               Par ordonnance datée du 3 mai 2013, la Commissaire à l’information du Canada (la commissaire) a été ajoutée comme défenderesse dans la présente instance, et a été autorisée à signifier et déposer un mémoire des faits et du droit ainsi qu’une réponse à la requête présentée par la demanderesse pour l’obtention d’une ordonnance de confidentialité.

[3]               Le 27 mai 2013, la Cour a rendu une ordonnance de confidentialité qui restreignait la divulgation de certains renseignements et documents déposés dans le cadre de la présente demande. L’ordonnance de confidentialité s’applique aux renseignements visés par la présente demande de contrôle judiciaire ainsi qu’à tout autre document que le défendeur pourrait être autorisé à ne pas communiquer en vertu de la Loi sur l’accès.

[4]               Par lettre datée du 17 avril 2014, la commissaire a fait savoir qu’elle se limiterait aux observations écrites présentées, sans assister à l’audience pour y faire une plaidoirie.


II.                CONTEXTE

[5]               La demanderesse est une division de Husky Energy, l’une des plus importantes sociétés énergétiques intégrées du Canada. Elle exerce des activités de forage et d’extraction de pétrole au large des côtes de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Husky recourt à des plateformes de forage en mer, dont la plateforme « Henry Goodrich ».

[6]               L’Office, organisme créé par une loi, est chargé de réglementer le forage et l’extraction du pétrole au large des côtes de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Il réglemente les activités des exploitants du secteur pétrolier et gazier, notamment celles de la demanderesse.

[7]               L’Office a reçu une demande d’accès à l’information (la demande d’accès), datée du 15 janvier 2013, dans laquelle on sollicitait, en vertu de la Loi sur l’accès, la communication des [traduction« [n]otifications écrites d’incidents et des rapports d’enquête des incidents transmis à l’Office par l’exploitant de la Henry Goodrich ». La période visée par la demande d’accès s’étendait du 1er avril 2012 au 31 décembre 2012.

[8]               Le 6 février 2013, l’Office a informé par lettre Husky de l’existence de la demande d’accès. L’Office demandait à Husky si elle estimait indiqué que les renseignements demandés ne soient pas communiqués ou soient expurgés en conformité avec la Loi sur l’accès. L’Office a joint à sa lettre certains documents provenant d’Husky, ou d’intérêt pour celle‑ci, qui étaient pertinents aux fins de la demande d’accès.

[9]               Le 21 février 2013, l’Office a envoyé une deuxième lettre à Husky, à laquelle étaient joints d’autres documents provenant d’Husky, ou d’intérêt pour celle‑ci, qui étaient pertinents aux fins de la demande d’accès. L’Office demandait cette fois aussi à Husky ce qu’elle pensait de la communication des renseignements.

[10]           Dans une lettre datée du 25 février 2013 donnant suite à la lettre du 6 février 2013 de l’Office, Husky a déclaré qu’elle lui avait transmis les notifications d’incidents et rapports d’enquête des incidents visés par la demande d’accès conformément aux règlements pris en vertu de la partie III de la Loi sur l’Accord.

[11]           Husky a dit estimer que le privilège légal énoncé au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord était applicable, et qu’aucune exception au privilège mentionnée au paragraphe 119(5) n’entrait en jeu de manière à autoriser la communication. Husky a affirmé qu’il fallait s’abstenir de communiquer la totalité des renseignements demandés conformément au paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès.

[12]           Husky a aussi exprimé l’avis que, tout en estimant approprié de ne pas communiquer la totalité des documents, il convenait d’expurger certaines parties des documents visés par le secret professionnel de l’avocat conformément à l’article 23 de la Loi sur l’accès. Elle a ajouté que les renseignements techniques confidentiels n’avaient pas à être communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b), de même que certains renseignements personnels, en vertu du paragraphe 19(1). Husky a joint à sa lettre une version expurgée des documents que l’Office lui avait envoyés.

[13]           Dans une lettre datée du 26 février 2013 donnant suite à la lettre du 21 février 2013 de l’Office, Husky a réitéré son opposition à la communication et, pour justifier la non‑communication ou l’expurgation des renseignements en cause, a invoqué les mêmes dispositions législatives que celles déjà mentionnées dans sa lettre du 25 février 2013.

III.             DÉCISION À L’EXAMEN

[14]           Dans une lettre en date du 6 mars 2013, l’Office a répondu à Husky qu’elle jugeait indiqué de communiquer l’essentiel des renseignements contenus dans les documents contestés.

[15]           L’Office a déclaré qu’il convenait de communiquer les documents, même si Husky les avait transmis conformément aux règlements pris en application de la partie III de la Loi sur l’Accord. L’Office a dit estimer qu’il serait dans l’intérêt public de communiquer les documents conformément au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord, à savoir pour l’application des parties II et III de cette loi.

[16]           L’office était d’accord avec Husky pour dire qu’il fallait expurger certains renseignements figurant dans les documents en vertu de l’article 23, de l’alinéa 20(1)b) et de l’article 19 de la Loi sur l’accès. L’Office a transmis copie des documents expurgés qu’il proposait de communiquer et a informé la demanderesse de son droit de présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale conformément au paragraphe 44(1) de la Loi sur l’accès.

IV.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[17]           Le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord dispose ce qui suit :

119(2) Sous réserve de l’article 18 et des autres dispositions du présent article, les renseignements fournis pour l’application de la présente partie, de la partie III ou de leurs règlements, sont, que leur fourniture soit obligatoire ou non, protégés et ne peuvent, sciemment, être communiqués sans le consentement écrit de la personne qui les a fournis, si ce n’est pour l’application de ces lois ou dans le cadre de procédures judiciaires relatives intentées à cet égard.

119(2) Subject to section 18 and this section, information or documentation provided for the purposes of this Part or Part III or any regulation made under either Part, whether or not such information or documentation is required to be provided under either Part or any regulation made thereunder, is privileged and shall not knowingly be disclosed without the consent in writing of the person who provided it except for the purposes of the administration or enforcement of either Part or for the purposes of legal proceedings relating to such administration or enforcement.

[18]           Le paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès prévoit pour sa part ce qui suit :

24. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.

24. (1) The head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information the disclosure of which is restricted by or pursuant to any provision set out in Schedule II.

V.                QUESTIONS EN LITIGE

[19]           La présente demande soulève les deux questions suivantes :

1.           Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.           L’Office a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le privilège énoncé au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord n’empêchait pas la communication des documents en cause en vertu du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès?

VI.             OBSERVATIONS DES PARTIES

A.                Observations de la demanderesse

[20]           Se fondant sur Hibernia Management and Development Co. c Office Canada – Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers (2012), 407 FTR 293, au paragraphe 43, la demanderesse soutient que la norme de la décision correcte s’applique au contrôle judiciaire d’une décision prise en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès.

[21]           La demanderesse fait par ailleurs valoir le caractère impératif de l’exception au droit d’accès autorisée par le paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès. Par conséquent, le contrôle judiciaire serait un contrôle de novo et la Cour n’aurait pas à faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de la décision rendue.

[22]           La demanderesse a qualifié la décision en cause de question d’interprétation législative et a fait valoir que l’Office a interprété erronément le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord en jugeant qu’il conférait un pouvoir discrétionnaire de divulguer des renseignements dans l’intérêt public.

[23]           La demanderesse soutient que la Cour doit s’inspirer, pour interpréter des dispositions législatives, des principes énoncés à l’article 12 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21, et dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21.

[24]           La demanderesse souligne que le privilège conféré au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord s’applique aux renseignements fournis aux fins de cette disposition et des parties II et III de la Loi sur l’Accord. Or, nulle partie ne conteste que la demanderesse a fourni les notifications d’incidents et les rapports d’enquête des incidents pour l’application de la partie III de la Loi sur l’Accord et des règlements pris en vertu de celle‑ci. Selon la demanderesse, le privilège légal prévu au paragraphe 119(2) s’applique expressément à ces notifications et rapports.

[25]           Signalant en particulier l’alinéa 119(5)g.1), qui permet la communication des renseignements protégés relatifs à des accidents, des incidents ou des écoulements de pétrole, la demanderesse ajoute qu’aucune exception au privilège n’est applicable en l’espèce.

[26]           La demanderesse fait valoir de manière générale que l’objet du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord, tel qu’il ressort d’une analyse contextuelle, est d’inciter les témoins et les parties à participer ouvertement aux enquêtes de sécurité. Si le législateur avait voulu conférer un pouvoir discrétionnaire fondé sur l’intérêt public pour autoriser la communication de renseignements protégés, il aurait énoncé clairement une telle exception.

B.                 Observations de l’Office

[27]           L’Office estime que la norme de la décision correcte s’applique au contrôle judiciaire d’une décision prise en vertu de la Loi sur l’accès. Tout en reconnaissant le caractère impératif de l’exception énoncée à l’article 24 de la Loi sur l’accès, il soutient que le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord renferme un « élément discrétionnaire » et que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, selon Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, aux paragraphes 110 et 111, appelle la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[28]           L’Office affirme qu’il incombe à la partie s’opposant à la communication de démontrer l’opportunité de la non‑communication et que, pour s’acquitter de ce fardeau, il lui faut établir selon la prépondérance des probabilités l’existence d’une exception légale applicable. L’Office invoque au soutien de son argument Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), [2012] 1 RCS 23, aux paragraphes 92 et 94.

[29]           Se fondant sur Rubin c Canada (Ministre des Transports) (1997), 221 N.R. 145, aux paragraphes 23 et 24 (CAF), l’Office ajoute qu’il ne faut refuser de communiquer les renseignements demandés en vertu de la Loi sur l’accès que dans des circonstances très précises et limitées.

[30]           En outre, selon l’Office, le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord renferme un « élément discrétionnaire » qui permet la communication de renseignements malgré le privilège légal qui y est énoncé. L’Office estime que la demanderesse fait abstraction de ce pouvoir discrétionnaire dans son argumentation.

[31]           Se décrivant comme un organisme de réglementation de la sécurité qui agit dans l’intérêt public, l’Office fait valoir que la divulgation des renseignements demandés renseigne le public sur la gestion des enjeux de sécurité dans le secteur des ressources extracôtières.

[32]           Enfin, l’Office soutient qu’il a exercé de bonne foi son pouvoir discrétionnaire en matière de communication des renseignements, sans prendre en considération des facteurs non pertinents, et que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire était raisonnable.

C.                 Observations de la commissaire

[33]           La commissaire affirme que la norme de la décision correcte s’applique au contrôle de la décision fondée sur l’article 24 de la Loi sur l’accès quant à la communication des renseignements. Elle invoque à cet égard la décision Hibernia, précitée. Elle ajoute que tout ce qui concerne la qualité de renseignements protégés visés au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord appelle également la norme de contrôle de la décision correcte.

[34]           La commissaire soutient que le droit d’accès aux documents gouvernementaux est quasi constitutionnel et protégé à titre de droit dérivé de la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada 1982, c 11 (R.‑U.). Elle appuie sa prétention sur Canada (Commissaire de l’information) c Canada (Ministre de la Défense), [2011] 2 RCS 306, au paragraphe 10.

[35]           Selon la commissaire, la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer l’opportunité de la non‑communication, étant donné qu’elle a uniquement invoqué le paragraphe 24(1). La demanderesse n’aurait pas non plus démontré l’opportunité de la non‑communication sur le fondement de toute autre disposition de la Loi sur l’accès dont elle aurait fait état dans son avis de demande.

[36]           La commissaire estime également que l’Office a à juste titre conclu que les renseignements demandés relèvent d’une exception au privilège conféré par le paragraphe 119(2); l’Office a donc jugé à bon droit que le paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès ne faisait pas obstacle à la communication.

VII.          ANALYSE

[37]           La présente demande de contrôle judiciaire est introduite en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès. L’objet de cette loi, énoncé à son paragraphe 2(1), est d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale.

[38]           La Cour suprême du Canada a déclaré au paragraphe 51 de Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, que l’accès à l’information constituait la règle sous le régime de la Loi sur l’accès. Cette présomption favorable à la communication est toutefois assortie d’exceptions précises et indispensables (voir le paragraphe 2(1) de la Loi sur l’accès).

[39]           L’interdiction de communication prévue au paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès constitue une telle exception. Ce paragraphe interdit de divulguer les renseignements « dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II ».

[40]           L’article 119 de la Loi sur l’Accord figure à l’annexe II de la Loi sur l’accès, conformément à une modification apportée en vertu du paragraphe 1(2) des Lois révisées du Canada, 1985 c 3 (3e suppl).

[41]           Dans la présente affaire, la demanderesse a fourni les renseignements en cause à l’Office pour l’application de la partie III de la Loi sur l’accès et de ses règlements. Je reproduis ci‑dessous l’article 76 du Règlement sur le forage et la production relatifs aux hydrocarbures dans la zone extracôtière de Terre‑Neuve, DORS/2009‑316 :

76(1) L’exploitant veille au respect des exigences suivantes :

a) l’Office est avisé, aussitôt que les circonstances le permettent, de tout incident ou quasi‑incident;

b) l’Office est avisé, au moins vingt‑quatre heures avant la diffusion de tout communiqué ou la tenue de toute conférence de presse par l’exploitant, de tout incident ou quasi‑incident survenu lors d’une activité visée par le présent règlement, sauf en situation d’urgence, auquel cas avis lui est donné sans délai avant le communiqué ou la conférence de presse.

(2) L’exploitant veille au respect des exigences suivantes : 

a) une enquête est menée à l’égard de chaque incident ou quasi‑incident, sa cause première et les facteurs contributifs sont précisés et des mesures correctives sont prises;

b) un rapport d’enquête précisant la cause première de l’incident ou quasi‑incident, les facteurs contributifs et les mesures correctives est remis à l’Office au plus tard vingt et un jours après l’incident ou quasi‑incident, s’il s’agit :

(i)        d’une blessure entraînant une perte de temps de travail,

(ii)        d’une perte de vie,

(iii)       d’un incendie ou d’une explosion,

(iv)      d’une défaillance du confinement d’un fluide provenant d’un puits,

(v)       d’une menace imminente à la sécurité d’une personne, d’une installation ou d’un véhicule de service,

(vi)       d’un événement de pollution important.

[42]           Il faut décider en premier lieu quelle est la norme de contrôle applicable.

[43]           Tant la demanderesse que la commissaire, qui qualifient la question préliminaire de question d’interprétation législative, soutiennent que la décision de l’Office est susceptible de révision selon la norme de contrôle de la décision correcte.

[44]           L’Office affirme quant à lui que la décision doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable étant donné que la disposition législative pertinente confère un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la communication courante des documents en cause. Il affirme que la communication de documents à des fins d’application de la loi constitue une exception au privilège impératif énoncé au paragraphe 119(2).

[45]           J’estime que la norme applicable en l’espèce est celle de la décision correcte puisque c’est ce que la jurisprudence a établi. (Voir les décisions Hibernia, précitée, et Oceans Ltd. c Canada‑Newfoundland & Labrador Offshore Petroleum Board (2009), 356 FTR 106, au paragraphe 13)

[46]           La Cour a déclaré ce qui suit dans la décision Hibernia, précitée, au paragraphe 45 :

45. En l’espèce, toutes les exceptions invoquées sont de nature impérative. Il est de jurisprudence constante que la Cour ne doit faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la décision d’un office quant à savoir si un document donné est visé par une exception légale impérative à la communication. La Cour doit donc procéder à cet égard à un contrôle selon la norme de la décision correcte (voir les décisions Thurlow c Canada (Gendarmerie Royale), 2003 CF 1414, [2003] ACF no 1802, au paragraphe 28; Provincial Airlines Limited c Canada (Procureur général), 2010 CF 302, [2010] ACF no 994, aux paragraphes 17 et 18). Si la Cour n’est pas d’accord avec la décision de l’Office, elle doit y substituer son propre point de vue et donner la réponse correcte (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 50).

[47]           Je ne souscris pas à l’argument de l’Office selon lequel le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord renferme un « élément discrétionnaire ». Pour savoir si des renseignements tombent sous le coup du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord, à savoir s’il s’agit de renseignements devant être communiqués pour l’application de cette loi, il faut tirer une conclusion de fait et non exercer un pouvoir discrétionnaire. L’exception à la communication prévue au paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès a un caractère impératif. Je conclus qu’il convient d’appliquer la norme de la décision correcte.

[48]           Aux fins de la présente demande, la question déterminante est de savoir si l’Office a interprété erronément le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord.

[49]           Tout exercice d’interprétation législative est régi par l’article 12 de la Loi d’interprétation, reproduit ci‑après :

12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

[50]           La directive donnée au paragraphe 12 de la Loi d’interprétation trouve appui dans l’arrêt Rizzo, précitée, où la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 21 :

Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre […], Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie.  Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi.  À la p. 87, il dit :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[51]           La Cour suprême du Canada a de nouveau donné son aval à cette méthode d’interprétation dans des arrêts plus récents, notamment dans 65302 British Columbia Ltd. c Canada, [1999] 3 RCS 804, au paragraphe 5, et Hypothèques Trustco Canada c Canada, [2005] 2 RCS 601, au paragraphe 10.

[52]           Afin d’établir ce qui est requis « pour l’application » de la Loi sur l’Accord, il faut d’abord examiner les objectifs de cette loi. Le préambule de la Loi sur l’Accord prévoit notamment ce qui suit :

Vu que les gouvernements du Canada et de Terre‑Neuve et du Labrador ont conclu l’Accord atlantique et sont convenus de subordonner à leur consentement mutuel les modifications de la présente loi ou de ses règlements,

[53]           L’article 2 de la Loi sur l’Accord définit comme suit l’expression « Accord atlantique » :

Le protocole d’entente du 11 février 1985 entre les gouvernements fédéral et provincial sur la gestion des ressources en hydrocarbures extracôtiers et sur le partage des recettes correspondantes, y compris les modifications apportées au protocole.

[54]           Il se dégage du préambule et de cette définition, lorsqu’on les interprète ensemble, que la Loi sur l’Accord a pour objet de réglementer l’exploration, l’exploitation et la gestion des ressources en hydrocarbures extracôtiers de Terre‑Neuve‑et‑Labrador ainsi que le partage des recettes correspondantes.

[55]           Il convient d’interpréter les dispositions de la Loi sur l’Accord d’une manière donnant effet à cet objet.

[56]           Le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord crée expressément un privilège à l’encontre de la communication, sauf disposition contraire. De prime abord, le privilège s’applique aux documents en cause en l’espèce et il dispense de les communiquer.

[57]           Dans un litige, le « privilège » constitue en général une protection contre la communication de renseignements. Il s’agit d’une règle d’exclusion fondée sur des [traduction« valeurs sociales, habituellement étrangères au processus judiciaire » (voir John Sopinka et al. The Law of Evidence in Canada, 4e éd (Markham : LexisNexis Canada Inc., 2014), au paragraphe 14.1, à 917.

[58]           La common law reconnaît l’existence d’un privilège à l’égard des communications entre un avocat et son client. On a aussi établi par voie législative un privilège s’appliquant aux communications entre conjoints ainsi qu’entre d’autres personnes, comme le médecin et son patient et un membre du clergé et un paroissien (voir Blank c Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 RCS 319, aux paragraphes 24 à 26, de même que le paragraphe 4(3) de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985 c C‑5, R c Couture, [2007] 2 RCS 517, au paragraphe 41, et la Loi médicale, RLRQ c M‑9, article 42).

[59]           La jurisprudence a établi que le public avait un intérêt important et réel à ce que soit accessible l’information relative à la sécurité dans le secteur des ressources extracôtières et à l’exécution par l’Office de sa mission (voir la décision Hibernia, précitée).

[60]           L’Office n’a pas démontré la nécessité de soustraire, aux fins d’application de la Loi sur l’Accord, les renseignements de la portée du privilège. L’interprétation de la disposition proposée par l’Office et la commissaire créerait dans les faits un pouvoir discrétionnaire relatif à l’intérêt public qui n’est pas énoncé dans la Loi sur l’Accord.

[61]           La poursuite en toute sécurité des activités de prospection extracôtières relève de la mission de l’Office, et l’article 135.1 de la Loi sur l’Accord en fait expressément mention. Toutefois, la simple lecture du paragraphe 119(2) ne justifie pas de communiquer des renseignements en réponse à une demande faite sous le régime de la Loi sur l’accès, prétendument pour sensibiliser le public aux mesures de sécurité que l’Office prend ou dont il assure le suivi.

[62]           Dans Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre de la Défense), [2011] 2 RCS 306, la Cour suprême du Canada a déclaré au paragraphe 40 que, malgré la qualité quasi constitutionnelle de la Loi sur l’accès, les principes généraux d’interprétation des lois lui sont malgré tout applicables. Lorsqu’elle interprète des dispositions législatives, la Cour ne peut faire abstraction du texte même choisi par le législateur, ni le réécrire pour le faire correspondre à la meilleure façon de réaliser, selon elle, l’objet législatif.

[63]           Je reconnais que l’intérêt public importe lorsqu’il s’agit d’établir s’il convient de soustraire des renseignements à l’obligation de divulgation eu égard au contexte. La Loi sur l’accès vise à faciliter l’accès du public à l’information relevant de l’administration fédérale. Il s’agit d’une loi d’intérêt public dans la mesure où elle est censée favoriser la démocratie (voir l’arrêt Dagg, précité, au paragraphe 61.

[64]           Pour établir s’il convient de soustraire des renseignements à la communication, il faut mettre en balance les intérêts en jeu, notamment commerciaux et en matière de vie privée, avec l’intérêt public à la divulgation. Toutefois, l’intérêt public ne peut en soi supplanter le libellé exprès d’une loi. Je souscris à l’argument de la demanderesse selon lequel le législateur aurait clairement conféré un large pouvoir discrétionnaire relatif à l’intérêt public s’il l’avait voulu.

[65]           Je relève que lorsque le législateur a entendu conférer dans d’autres lois le pouvoir discrétionnaire de divulguer des renseignements protégés dans l’intérêt public, il a eu recours à un libellé clair et explicite, comme au paragraphe 28(6) de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, LC 1998, c 10. Cette disposition autorise la divulgation de renseignements protégés par le tribunal ou le coroner s’il « conclut, dans les circonstances de l’espèce, que l’intérêt public d’une bonne administration de la justice a prépondérance sur la protection conférée ».

[66]           À mon avis, si le législateur avait voulu assortir le privilège légal énoncé au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord d’une dérogation fondée sur l’intérêt public, il l’aurait fait en termes clairs, comme il l’a fait dans la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, précitée.

[67]           Je suis d’avis que le législateur a créé, plutôt qu’un large pouvoir discrétionnaire relatif à l’intérêt public, une exception restreinte au privilège énoncé au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord. Cette disposition nécessite de tirer une conclusion de fait : si la communication est requise pour l’application des parties II ou III de la Loi sur l’Accord, elle est autorisée; en cas contraire, elle ne l’est pas.

[68]           La partie II de la Loi sur l’Accord, intitulée « Hydrocarbures », porte notamment sur l’octroi de titres, les permis de prospection, les arrêtés de forage et les attestations de découverte ainsi que sur l’enregistrement, le transfert et la cession de tels permis et attestations. La partie III, intitulée « Opérations pétrolières », concerne la mise sur pied de divers organismes et comités consultatifs et de surveillance, des questions de sécurité, le gaspillage, les rejets et les mécanismes d’exécution.

[69]           Il importe de souligner que, selon le paragraphe 119(2), la communication des renseignements est faite « pour l’application » de la Loi sur l’Accord, et non de la Loi sur l’accès. L’exception prévue au paragraphe 119(2) ne vise pas à permettre la communication pour l’application de toute loi autre que la Loi sur l’Accord. L’Office ne peut pas inventer une exception fondée sur l’intérêt public alors que le libellé de la disposition législative ne prévoit pas une telle exception.

[70]           L’expression « application » (« administration and enforcement » dans la version anglaise) n’est pas définie dans la Loi sur l’Accord. Il faut l’interpréter en tenant compte des attributions de l’Office sous le régime de la Loi sur l’Accord, tout particulièrement des parties II et III de cette loi.

[71]           La mission générale de l’Office est établie à la partie I de la Loi sur l’Accord, dont le paragraphe 17(1) prévoit que l’Office exerce les attributions qui lui sont conférées ou déléguées en vertu de l’Accord atlantique ou de la Loi sur l’Accord.

[72]           À mon avis, le terme « administration » s’entend des tâches courantes ou quotidiennes nécessaires pour donner effet au régime de réglementation établi aux parties II et III de la Loi sur l’Accord. On pourra consulter à cet égard Michelin North America (Canada) Inc. c Ace Ina Insurance (2008), 69 CCPB 207 (C sup Ont), où la cour a déclaré ce qui suit, au paragraphe 44 :

[traduction] Il est clair que le terme « administration » s’entend d’actes de l’ordre d’activités courantes, d’actions ministérielles ou de tâches administratives […] Elle ne s’entend pas des décisions de gestion discrétionnaires.

[73]           De même, le terme « enforcement » s’entend d’actions concrètes, comme des arrêtés, des directives et des enquêtes, que l’Office doit prendre pour mettre en œuvre les dispositions de la Loi sur l’Accord et en réaliser les objectifs.

[74]           Dans Chrysler Canada Ltd. c Canada (Tribunal de la concurrence) (1990), 31 CPR (3d) 510, à la page 516 (CAF), la Cour d’appel fédérale a interprété l’expression « exécution de ses ordonnances » comme renvoyant à l’exécution d’ordonnances pour faire en sorte que les demandes faites soient décidées de manière juste et raisonnable. Cette interprétation donne à penser que, comme le terme « administration », le terme « enforcement » renvoie, aux fins de la Loi sur l’Accord, aux actions concrètes que l’Office peut prendre pour s’acquitter de ses fonctions.

[75]           La version française du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord prévoit que les rapports « sont […] protégés et ne peuvent, sciemment, être communiqués sans le consentement écrit de la personne qui les a fournis, si ce n’est pour l’application de ces lois [non souligné dans l’original] […] ».

[76]           Dans R c Bois, [2004] 1 RCS 217, la Cour suprême du Canada a traité des principes applicables à l’interprétation des lois bilingues. La Cour suprême a souscrit à la démarche proposée par le professeur Côté, dans son ouvrage Interprétation des lois, 3e éd Montréal : Thémis, 1999 : toute divergence entre les deux versions d’un texte législatif est résolue en dégageant le sens commun aux deux versions (voir le paragraphe 26 de l’arrêt Bois, précité).

[77]           On définit comme suit le terme « application » dans le dictionnaire Le Robert & Collins, 8e éd :

(= mise en pratique); (gén) application; [de peine] enforcement; [de règlement, décision] implementation ; [de loi] enforcement, application; [de rèmede] administration.

[78]           Le mot « ces » adjoint au mot « lois » est un adjectif démonstratif qui correspond à « these » – voir Le Robert & Collins, précité, sub verbo « ce ». On y recourt pour désigner une chose ou une personne explicitement mentionnée, soit en l’espèce les dispositions des parties II et III de la Loi sur l’Accord et de leurs règlements.

[79]           Selon moi, la version française du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord étaye l’interprétation selon laquelle ce paragraphe ne permet de communiquer des renseignements protégés que lorsque cela est requis pour mettre en œuvre ou appliquer des dispositions précises du régime législatif établi par la Loi sur l’Accord et ses règlements.

[80]           La section III de la partie III est intitulée « Appels et mesures de contrainte » et elle comporte les articles 184 à 205. Selon l’article 188 de la Loi sur l’Accord, l’Office peut nommer les agents de la sécurité et les agents du contrôle de l’exploitation nécessaires à l’application de cette partie de la Loi sur l’Accord. Ces agents ont notamment le pouvoir d’exiger la production de livres, dossiers, documents, licences ou permis (voir l’alinéa 189d) de la Loi sur l’Accord).

[81]           Le paragraphe 193(1) de la Loi sur l’Accord prévoit que ces agents peuvent aussi ordonner la cessation d’activités dangereuses. Les ordres ainsi donnés peuvent être examinés par le délégué en vertu de la Loi sur l’Accord, et peuvent aussi être communiqués pour révision au juge de la cour provinciale du ressort le plus près de la zone où s’exerce l’activité concernée (voir les paragraphes 193(4) et (5).

[82]           À mon avis, les pouvoirs et fonctions ainsi attribués correspondent aux types d’activités d’application qui peuvent nécessiter de communiquer des renseignements protégés visés au paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord.

[83]           Je reconnais que la sécurité constitue une préoccupation pour l’Office et qu’un intérêt public s’attache à l’exercice en toute sécurité des opérations pétrolières extracôtières. L’intérêt public seul ne justifie toutefois pas la communication de rapports et de renseignements provenant des exploitants de ressources en hydrocarbures extracôtiers. Le paragraphe 119(2) énonce un privilège de non‑communication, qui ne s’applique pas lorsque la communication est requise pour l’application de la Loi sur l’Accord. L’interprétation du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord par l’Office est trop large et n’est pas étayée par le libellé de cette disposition. La demanderesse n’a généralement pas à rendre de comptes au public et elle a droit à la protection que confèrent tant la Loi sur l’accès que la Loi sur l’Accord.

[84]           J’estime que l’Office a interprété erronément le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[85]           La décision de l’Office est annulée et celui‑ci, conformément au paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès, ne communiquera pas les documents en cause.

[86]           La demanderesse a droit à ses dépens taxés.

[87]           Les parties feront connaître à la Cour, dans un délai de quatorze (14) jours, les expurgations qu’elles estiment requises, le cas échéant, avant que les motifs publics ne soient publiés.

« E. Heneghan »

Juge

Vancouver (Colombie‑Britannique)

Le 19 décembre 2014

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑511‑13

 

INTITULÉ :

HUSKY OIL OPERATIONS LIMITED c L’OFFICE CANADA – TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 MAI 2014

LIEU DE L’AUDIENCE :

ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE)

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 19 DÉCEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

J. Alex Templeton

POUR LA DEMANDERESSE

Amy M. Crosbie

POUR LE DÉFENDEUR L’OFFICE CANADA – TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

David Demirkan

POUR LA DÉFENDERESSE LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cox & Palmer

Avocats

St. John’s

(Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Curtis, Dawe

Avocats

St. John’s

(Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

POUR LE DÉFENDEUR L’OFFICE CANADA – TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

 

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